lundi 29 janvier 2024

"Balzac, le roman d'une vie", Stefan Zweig, 2

Balzac menait une vie de forçat des mots à Paris, cette ville qui constitue aussi un des personnages principaux de sa "Comédie humaine". Stefan Zweig nous raconte, avec son talent romanesque particulier, le quotidien éprouvant de l'écrivain français. La biographie déborde de détails concrets sur les conditions matérielles pour créer une atmosphère intimiste et créative chère à Balzac : des livres autour de lui, des plumes bien taillées, des feuilles blanches, une bougie, sa cafetière. Dès que Balzac s'enferme pour écrire la nuit, surtout la nuit, il se consacre à son projet : "Dès l'instant où Balzac se met à travailler, il n'existe plus rien de réel autour de lui que ce qu'il crée". Il commence à composer un drame sur Cromwell, une tragédie ratée mais il ne se décourage guère tellement une folle énergie l'anime dans tout son être. Il se met à composer des romances historiques à la Walter Scott, sous forme de feuilletons, très à la mode à cette époque. Pendant des années, il sera "scribe" au service des autres. Cet apprentissage dans l'écriture prépare sa Comédie humaine. Ce jeune homme traverse des crises : "Je n'ai que deux passions, l'amour et la gloire et rien n'est satisfait". L'amour alors ? Quelle place dans son quotidien ? Le jeune homme cherche toujours une "veuve, une riche héritière" pour sortir de sa galère financière. Il tombe souvent amoureux de femmes plus âgées que lui comme Madame de Berny et de sa mystèrieuse Madame Hanska, la lointaine Ukrainienne. Et il aura aussi dans sa vie de nombreuses maîtresses parisiennes. Avec ses déboires financiers, il dira plus tard : "A toutes les époques de ma vie, mon courage s'était trouvé supérieur à mes misères". A trente ans, il signe enfin son premier roman de son nom, 'Le dernier chouan" et pendant vingt ans, ce geant de la littérature mettre toute son énergie, tout son génie au service de la "Comédie humaine" avec ses 90 romans ! Stefan Zweig, écrivain lui-même, décrit une vie de galérien au détriment de sa vie personnelle. Sa vraie famille, au fond, se nomme Eugénie Grandet, Rubempré, le Père Goriot, Louis Lambert, le Colonel Chabert. Il aura inventé plus de 4 000 personnages dans la "Comédie humaine". Honoré de Balzac a écrit "Les Mille et une nuits de l'Occident" nous rappelle Stefan Zweig, toujours empathique, compréhensif voire complice envers son biographé. L'ouvrage fourmille de détails sur Balzac, l'écrivain mais aussi sur ses relations familiales, amoureuses et amicales. Les commentaires de Zweig sur la "méthode" balzacienne éclaire à merveille cette nouvelle planète littéraire au XIXe. Imaginons ce siècle sans Balzac, c'est inimaginable... "La Comédie humaine", un projet démesuré, titanesque, gigantesque que seul l'écrivain pouvait réaliser au détriment de sa propre santé. Il mourra le 18 août 1850 à 51 ans et l'on raconte que le café l'a tué car il en buvait 50 tasses par jour ! Cette biographie passionnante se lit comme un roman balzacien !