mardi 19 janvier 2021

Hommage à Vassilis Alexakis

 Quand j'ai appris le décès de Vassilis Alexakis à 77 ans, j'ai ressenti une certaine tristesse que j'éprouve dès qu'un écrivain disparaît, quitte notre monde. La voix d'un écrivain se retrouve dans ses œuvres et on peut, grâce à l'écriture, poursuivre le dialogue avec ces hommes et ces femmes de langage. Son dernier roman, publié en 2015, "La Clarinette", évoquait le coma de son pays, la Grèce, en crise économique grave. L'humour latent de l'écrivain franco-grec constituait sa marque de fabrique. Il disait en parlant de la mort : "Quand j'étais petit, je pensais que les morts nous regardaient du haut du ciel. Je croyais que les étoiles étaient leurs cigarettes allumées. Et quand je voyais filer une étoile, je me disais : "Tiens, il y a un mort qui vient de jeter son mégot pour aller dormir". Né à Athènes en 1943, il part à Lille en 1960 pour suivre les cours de l'Ecole de journalisme. Il revient en Grèce mais fuit son pays à l'arrivée des colonels. Il travaille alors pour le journal La Croix, puis pour Le Monde. Il vivra de travaux journalistiques et d'émissions de radio. Son œuvre est forgée par deux cultures : le patrimoine français et celui de la Grèce. Il compose ses trois premiers romans en français puis, reprend le chemin de la langue d'origine, le grec : "Je ne trahis aucune des deux langues et aucune ne me trahit". Ses romans racontent toujours des histoires un peu loufoques, souvent originales. Comme l'écrit l'écrivain Jacques Meunier : "Alexakis est un homme émerveillé. Il ne vit pas sur un tas d'or, non. Il a trouvé seul son propre filon : lui-même. Il est comme un double à la recherche incessante de son être. Il s'est pris en filature. Roman après roman, l'enquête progresse". Il traite aussi bien de l'homo sapiens dans "Le premier mot" comme du Mont Athos dans "Après J.-C.", la langue africaine, le sango, dans "Les mots étrangers", et toujours des récits mêlant le romanesque avec sa propre biographie. Ouvrir un de ses livres provoquait toujours une surprise détonante et un étonnement admiratif. Il évoque ses parents, ses compagnes, sa vie à Paris comme à Athènes. Proche de la gauche radicale en Grèce, la crise l'inquiétait beaucoup et cette injustice faite à son pays le révoltait. Pour ma part, comme j'aime infiniment ce pays contrasté entre sa gloire du passé et ses difficultés du présent, je lisais Vassilis Alexakis avec beaucoup d'intérêt. Il était l'ambassadeur d'une culture binationale et ces écrivains venus d'ailleurs comme Jorge Semprun, Hector Bianciotti, Nina Bouraoui, Andréi Makine, Nancy Huston apportent à la littérature française une âme supplémentaire. Pour retrouver le charme de cet écrivain franco-grec, il suffit d'ouvrir un de ses livres et on se retrouve dans la lumière grecque, une lumière unique au monde.