jeudi 17 décembre 2020

"Autoportrait en chevreuil"

 J'avais écouté Victor Poucher sur France Culture et j'ai donc lu son deuxième roman, "Autoportrait en chevreuil", publié chez Finitude. Dans son premier roman, "Pourquoi les oiseaux meurent", le narrateur remontait la Seine à bord d'une péniche pour enquêter sur la chute de centaines de volatiles. Trois ans plus tard, le personnage central, Elias, choisit un chevreuil comme un totem. Ce garçon passe une enfance particulière auprès d'un père qui possède un talent singulier  : il pratique le magnétisme. Dans le village breton où ils vivent, les voisins considèrent ce père comme un homme "dérangé", obsédé par les ondes, les sciences occultes, les influences de l'Invisible. Il a hérité du don de coupeur de feu et de médium. Il impose à son fils des tests de "philosophie ondulaire", des bains dans l'eau glacée, d'affronter le noir dans la cave, etc. Cet homme un peu chaman, un peu charlatan et certainement délirant perturbe le jeune Elias. Il perd sa mère trop tôt et se retrouve avec une belle-mère spectrale qui met au monde un garçon, Ann, qui deviendra le préféré du père. Comment le jeune Elias peut-il survivre dans ce foyer bancal, marginal et peu chaleureux ? La libération pour Elias viendra d'Avril, une jeune femme fantasque, bien vivante. Elle va l'aider à surmonter ce passé familial atypique. La jeune femme pressent qu'Elias, souvent silencieux, voire mutique, a subi une enfance farouchement anormale. Elle apprivoise le garçon tel un chevreuil craintif, en lui apportant une légèreté d'être dont il a été privé d'autant plus que son petit frère est mort dans un incendie accidentel. Le roman s'articule sur trois parties inégales. Dans la première partie, Elias raconte son histoire, dans la deuxième, Avril, dans un journal intime, relate sa rencontre avec Elias et dans la troisième, le père révèle dans une lettre adressée à son fils ses pouvoirs troublants. Victor Pouchet avec une certaine délicatesse dénonce l'emprise d'un père toxique qu'il doit absolument fuir pour renaître à la vie et retourner dans : "un monde où l'on partage le plaisir des choses douces". Le jeune écrivain réussit un portrait attachant d'un petit garçon perdu qui, devenu adulte, saisit sa chance, son "kairos" diraient les Grecs anciens. Il faudra suivre Victor Pouchet dans ses futures publications, car j'ai reconnu dans ce texte une petite musique insufflée par le style et par l'ambiance du roman. A découvrir.