vendredi 31 décembre 2010

Bonne année de lectures

La semaine prochaine, je prendrai le temps d'établir un palmarès de mes meilleures lectures en 2010. En attendant cette reprise de mon blog d'une façon plus régulière, je souhaite donc aux amateurs de livres et de littérature une année 2011 pleine de surprises littéraires, d'écrivains confirmés qui vont nous ravir encore une fois, de jeunes écrivains prometteurs qui vont nous étonner, de romans qui nous aideront à traverser l'année, des livres qui nous tiendront compagnie. Avant de terminer cette année 2010, je veux faire l'éloge, comme je le fais souvent dans mon blog, des bibliothèques, lieux précieux pour emprunter des livres, des CD, des DVD, lieux de rencontres culturelles, lieux de sociabilité. En ces temps de crise, je souhaite de tout mon coeur que ces espaces de liberté, de tolérance, d'intelligence continuent à survivre et à proposer des nouveautés pour consolider les collections existantes.
Je ne veux pas oublier les librairies dont j'aime l'ambiance de fourre-tout et où l'on peut dénicher souvent des titres dont on ne parle jamais dans la presse. J'effectue souvent deux pélérinages par semaine : une visite dans ma bibliothèque municipale (en fait, j'en fréquente trois) pour emprunter des romans et des documents audios, et une deuxième visite dans une librairie de ma ville pour feuilleter les toutes dernières nouveautés. Ces lieux "spirituels" se complètent harmonieusement pour rechercher un livre génial qui comblera mon attente. Alors, pour ceux qui suivent ce blog, je vous souhaite une bonne année 2011 !

vendredi 24 décembre 2010

Cadeaux de Noël

En cette veille de Noël, je vous conseille de lire un petit ouvrage fort pratique pour vous "débarasser" des cadeaux inutiles et encombrants. Il s'agit de "L'art du désencombrement ou se libérer de l'inutile pour vivre plus léger" de Alice Le Guiffant et Laurence Paré. J'ai fait comme tout le monde (faire des cadeaux) et ce conformisme ambiant est loin de s'atténuer mais j'essaie de résister devant l'offre gargantuesque des magasins en ville et des supermarchés. Ce côté mercantile de Noël est loin des traditions d'antan quand mes parents me racontaient qu'ils n'avaient aucun jouet, ni friandises à cette occasion. Je me souviens moi-même d'un réveil à minuit lors de mes quatre ou cinq ans et d'un "baigneur" apporté par le soi-disant Père Noël... La simplicité de cette époque venait d'une pénurie d'après-guerre partagée par la majorité des Français. On croule aujourd'hui sous les objets made in China... Lisez-donc ce petit livre plein de conseils pour vider sa maison de cadeaux et d'objets inutiles, moches et encombrants. Vivre plus léger, vivre simplement, vivre avec du temps à soi, à son rythme, sans agenda, vivre bien et lentement prend du temps mais ce temps, on le savoure encore plus... Il existe des cadeaux qui peuvent quand même faire plaisir et qui ne sont pas onéreux : pensez donc aux livres que vous garderez si vous les re-lisez, ou que vous pouvez donner à des amis, ou vendre à petit prix sur Internet en faisant des heureux. J'ai réservé un seul mur dans mon salon pour mes livres et mes CD de musique baroque et je me contente de cet espace. Si je dois faire de la place pour un livre supplémentaire, j'en retire un que je n'envisage pas de relire ou de feuilleter. Je suis à ma façon une "décroissante" ou une adepte de la "simplicité volontaire" en vivant dans une petite maison (quelle chance !) entourée d'un petit jardin. Les politiques de droite et de gauche sont encore très loin de cette nouvelle philosophie et ils prônent toujours la consommation pour la relance économique... Pour ma part, je n'aime que la consommation des objets culturels et j'ai besoin d'être encore entourée de livres, mon péché mignon, très petit péché, quand même ! Bon Noël à ceux qui me lisent...

mardi 21 décembre 2010

Purge

Ce roman de l'écrivaine finnoise, Sofi Oksanen, a été primé par le magazine Lire dans la rubrique Découverte Etrangers. Il a aussi obtenu le Prix Fémina Etranger et le prix Fnac. Je suis curieuse de nature et m'empresse de découvrir les romans distingués par des critiques "sérieux". Le destin croisé des deux héroïnes s'entremêle sur un fond très sombre de l'histoire de ce pays de l'Est, ancienne république soviétique devenue indépendante en 1991. Le rythme du roman est scandé par deux époques, celle de la jeunesse d'Aliide (années 50), en proie à la jalousie et au dépit amoureux et celle de Zara (en 1991), jeune femme perdue et qui fuit ses deux proxénètes. Elle parvient à s'échapper en tuant un "client" et se refugie dans la ferme d'Aliide. Un secret lie les deux femmes. En tant que lectrice, le face à face de ces deux victimes humiliées et exploitées s'avère très captivant pour le lecteur. L'histoire politique de ce pays en toile de fond qu'il faut connaître (il y a une chronologie à la fin du livre) nous permet de comprendre l'horreur de cette époque totalitaire au temps de l'URSS. Il fallait un instinct de survie indéniable et un courage à toutes épreuves pour rester en vie dans ces temps chaotiques. C'est un roman très sombre, d'une lecture difficile et pourtant, indispensable pour ressentir l'écrasement des individus quand les idéologies nazie ou communiste régnaient dans ces pays. Ce roman méritait toute l'attention des critiques et des lecteurs...

lundi 20 décembre 2010

Hommage à Jacqueline de Romilly

Dimanche 19 décembre, sale journée pour les admirateurs de Jacqueline de Romilly... Cette grande dame, deuxième académicienne après Marguerite Yourcenar, passionnée de la Grèce antique, du grec ancien, des langues mortes, du passé littéraire grec nous a quittés. Cette femme, professeur et chercheur, écrivain, a consacré sa vie à son idéal : transmettre cette passion qu'elle avait de ce monde grandiose de la Grèce antique. Bien sûr, elle avait un très grand âge (97 ans) mais elle nous manquera. Je lui souhaite de retrouver en toute sérénité ses héros légendaires, Homère, Thucydide... J'ai relu la préface lumineuse d'un poche que j'avais dans ma bibliothèque, "Pourquoi la Grèce" et je voulais ainsi prolonger son séjour terrestre en lisant sa prose accessible et si classique mais un écrivain ne meurt jamais...
Une émission de France 5 que j'ai, hélàs, raté a présenté son portrait et j'espère que nous aurons le plaisir de retrouver cette grande dame, militante de la civilisation grecque. Elle vivait déjà de son vivant dans une sorte de paradis mental, la Grèce antique !

jeudi 16 décembre 2010

La vie éclaircie

Ce livre est un dialogue entre Danièle Sallenave et Madeleine Gobeil aux Editions Gallimard. Danièle Sallenave est un de mes écrivains préférés que je lis depuis trente ans. J'ai toujours aimé cette femme intellectuelle et féministe, authentique républicaine et militante de la littérature. Cette autobiographie dialoguée nous permet de connaître Danièle Sallenave dans son intimité, ses choix de vie, ses idées politiques, son féminisme toujours actif, son esprit républicain. Les chapitres se suivent en épousant le fil d'une vie vouée à la littérature et à la culture. Elle parle de son enfance, de ses parents instituteurs, vrais hussards de la République, de sa formation intellectuelle, du théâtre, du féminisme, des voyages formateurs et de l'art. Je pourrais citer des pages et des pages de ce livre mais je vais distiller le plaisir en commençant par celle-ci : "Tout ce que j'aime à la folie -le bonheur, l'amour, les livres, la beauté du monde, les crépuscules sur les îles d'Or, les grandes villes, (...)- tout cela est terriblement fragile, menacé, rien n'est donné pour toujours, la persistance des choses dépend de nous. Mais je ne suis pas découragée, au contraire, je pense à tout ce qu'il faut faire pour que ça dure, pour que ça subsiste : au moins de l'écrire, le dire !"
Je reviendrai plus tard sur l'éloge qu'elle ne cesse de dire et d'écrire sur l'amour de la littérature et des livres... Je suis en symbiose totale avec elle et ce livre-témoignage ne peut que ravir les amoureux de la "chose écrite"...

mardi 14 décembre 2010

Prodigieuses créatures

Ce roman de Tracy Chevalier, publié en 2010 chez l'éditeur Quai Voltaire, possède un charme suranné et décalé. On se retrouve dans l'Angleterre puritaine et corsetée du début du XIXème siècle. Mary Anning, une petite paysanne, analphabète et originale, découvre des fossiles, des "curios", sur une plage et dans les falaises du Dorset, à Lyme Regis, petit village traditionnel de bord de mer. Mary, passionnée par ses trouvailles, rencontre Elizabeth Philbot, vieille fille intelligente et "déclassée" dans une sociéte figée qui ne supportait pas le célibat des femmes. L'association de ces deux femmes à la recherche d'animaux marins préhistoriques s'avère utile face à l'exploitation cynique des "messieurs" de noble origine qui s'accaparent de ces richesses naturelles. On découvre au fil du récit l'importance de la découverte de ces fossiles marins qui contredisent les récits religieux. La curiosité scientifique s'avère sans faille pour les deux héroïnes qui luttent pour établir la vérité au sujet de ces "prodigieuses créatures". Ce roman est inspiré de la vraie vie de Mary Manning, reconnue par la communauté scientifique internationale. Elle a découvert le premier Ptérosaure et le Squaloraia, animal de transition entre le requin et la raie.
J'aime bien ces romans à la limite du documentaire car je suis fascinée par ces pierres fossiles qui donnent le vertige quand on les tient dans les mains. Observer un fossile, c'est se plonger mentalement dans le noyau du temps. Je possède au milieu de ma bibliothèque quelques spécimens et je trouve que les livres et les fossiles se tiennent bien compagnie et loin de moi la pensée que les livres vont devenir des fossiles si les humains les négligent et finissent par les oublier... Je ferais comme Mary, à la recherche de mes chers livres-fossiles et je les sortirais de l'oubli comme elle l'a fait en Angleterre dans les années 1820...
Ce roman retrace donc l'aventure de ces deux femmes volontaires et attachantes par leur obstination et leur passion des origines de la vie sur terre, un domaine d'étude exclusivement masculin dans une Angleterre patriarcale et religieuse où il ne faisait pas bon étudier et se mêler des "choses" scientifiques quand on naissait femme...

vendredi 10 décembre 2010

Revue de presse

J'ai donc acheté comme tous les mois la revue Lire de décembre 2010. J'attendais ce numéro car la revue dévoile les 20 meilleurs livres de l'année. Surprise : le palmarès de l'année semble un très bon cru malgré le peu d'ouvrages que j'avais déjà lus cette année. Le meilleur livre de l'année consacre un écrivain allemand, Hans Magnus Enzensberger, "Hammerstein ou l'intransigeance", paru chez Gallimard dans l'excellente collection , Du Monde entier. Je vais m'empresser de le découvrir...
Ensuite, les ouvrages choisis sont classés par genre : le Meilleur roman étranger, le Roman français, Découverte France, Premier roman français, Biographie, Histoire, Polar,Essai, Classique revisité, etc. Cette liste correspond rarement à mon programme personnel, même si j'avais déjà repéré ces titres souvent commentés dans la presse professionnelle. Je ne mentionnerai pas les résultats à part le premier.
La revue va rester deux mois dans les maisons de la presse : vous aurez donc le temps de vous l'offrir !

mardi 7 décembre 2010

Citation de la semaine

Je vais reprendre une bonne habitude : trouver des citations pour illustrer le blog.
J'ai commencé un ouvrage-dialogue entre Vladimir Jankélévitch et Béatrice Berlowitz, "Quelque part dans l'inachevé", en collection Folio, ouvrage épuisé en librairie... L'oeuvre de ce philosophe me fascine, et j'attendais ma "retraite" pour le découvrir et le lire vraiment dans sa totalité. Mais c'est une lecture ardue et difficile. J'en conviens à mon grand regret : la philosophie détient ses propres secrets de fabrique et il faut y aller à petites doses. J'ai trouvé cette phrase que je vous livre : "Le plus difficile dans l'existence, c'est de ne pas se laisser décourager par la solitude". A méditer...

lundi 6 décembre 2010

Publicité littéraire

J'ai remarqué une publicité sympathique dans le journal "Le Monde" du mardi 30 novembre. Il faut penser évidemment aux livres pour vos achats de Noël : c'est une évidence car les livres restent encore très abordables surtout les formats en poche... La dernière page du Monde montrait une série de livres parus chez Stock cet automne dont certains ont reçu un prix littéraire. En bas de la page, on lit "Ce sont des livres". Je vois bien l'inquiétude des éditeurs pour ce clin d'oeil ironique. Amis lecteur du Monde, n'oubliez pas les livres, petits objets en papier, si beaux, si parfaits pour la maison ou le voyage. Ne vous précipitez pas sur les gadgets hightech, passez la porte d'une librairie et jetez-vous sur ces drôles de marchandises, nobles et en même temps à la portée de toutes les bourses, qui peuvent durer un certain temps et vous réchauffer le coeur dans cet hiver redoutable avec 80 cm de neige dans le jardin !

vendredi 3 décembre 2010

Régis Debray

J'ai terminé un des derniers ouvrages de Régis Debray, "Dégagements". J'aime beaucoup Régis comme le dirait Ségolène (Martine par ci, Dominique par là...). Monsieur Debray est pour moi un des derniers grands intellectuels et penseurs d'aujourd'hui. Je l'ai suivi depuis qu'il écrit soit au minimum trente ans de compagnie avec un honnête homme, d'une lucidité fulgurante sur les travers de notre époque. J'ai même assisté à Grenoble dans les années 80 à une de ses conférences où il nous disait déjà que la seule valeur pour laquelle il faudrait se battre serait l'éducation. J'aime son côté ronchon, démodé, ancien révolutionnaire désenchanté, intellectuel libre et solitaire. Le milieu universitaire ne le reconnaît pas comme un des leurs malgré l'apport passionnant de la médiologie ou l'étude des supports de transmission de la culture dans le sens large. Revenons à son dernier ouvrage qui contient des pépites d'or. Exemples : l'éloge indécent et surdimensionné d'une star-rock à l'échelle planétaire, l'amitié entre Johnny Halliday et le Président,révélatrice du malaise que l'on peut éprouver face à cette mascarade du pouvoir, la vulgarité de notre télévision, la disparition des amateurs de littérature qui ne sont plus que quelques milliers en France. Le passage sur la vente des objets de Julien Gracq est particulièrement émouvant... C'est un livre à lire et à relire pour se donner du courage. Le fait de savoir qu'il reste quelques intellectuels à la "Péguy", me conforte dans l'idée que Régis Debray est pour moi un écrivain essentiel pour son style unique et ses critiques percutantes, pleines d'humour et d'ironie sur la société d'aujourd'hui.
Je vous livre une petit extrait :
"Le cinéma bouffe tout, disait Céline, ce ne sont plus des livres, les romans actuels, ce sont des scénarios". Alors,qu'est-ce qu'on fait, plumitifs, avec une arbalète au milieu des fusils-mitrailleurs ? On se fait plaisir avec nos petites montagnes de mots, dans l'espoir de toucher au mieux les dix mille survivants de la congrérie littéraire. Notre homologur derrière une caméra peut espérer toucher aux larmes dix millions de congénères, et dans tous les continents au même moment. Zéro compétitivité. Si l'on avait que cette pensée en tête, ce serait à se flinguer. Heureusement que nous avons d'autres plaisirs moins partageables, plus secrets...

lundi 29 novembre 2010

Un autre amour

J'ai oublié de citer une écrivaine irlandaise que j'apprécie beaucoup : Kate O'Riordan. J'avais lu "Les pierres de mémoire" que j'avais trouvé excellent et je le recommande encore.
J'ai fini son dernier roman, "Un autre amour" ou l'histoire d'un couple apparemment sans histoire avec leurs trois fils ados. Kate O'Riordan nous décrit un couple aimant, des fils à "petits" problèmes comme tous les ados (sauf exception), une amie fusionnelle avec cette tribu typique d'aujourd'hui dans un Londres de bobos. Mais, Connie (l'épouse modèle) et Matt (le mari modèle) partent à Rome en amoureux et là le destin va basculer... Je n'en dis pas plus pour éviter de dévoiler la fin du roman tout en finesse psychologique et en rebondissements inattendus. Les écrivaines irlandaises ont un sacré talent !

vendredi 26 novembre 2010

Choix du Point

La fin de l'année approche et la presse hebdomadaire nous livre souvent des listes des meilleurs livres de l'année 2010. En janvier 2011, je donnerai mon choix personnel sur au minimum les vingt livres qui m'ont touchée en 2010. Pour la revue Point, je relève dans la catégorie des romans l'incontournable Houellebecq (c'est bizarre cet engouement unanime), David Vann, le dernier Don DeLillo, Jean d'Ormesson (que je n'ai jamais eu la curisosité de lire). Je note dans mon carnet deux titres à découvrir : "En attendant Babylone" de Amanda Boyden, roman très prometteur d'une jeune américaine, et "Purge" de Sofi Oksanen, déjà bien signalé par la critique. Dans la catégorie essais, je remarque le dernier essai d'un philosophe original, Alexandre Jollien, "le philosophe nu". Et je vois le "Dantzig", écrivain-critique... Je me suis précipitée en librairie pour son "Pourquoi lire", jubilatoire et réconfortant sur la lecture. Je constate une autre surprise pour moi : l'autobiographie de Patti Smith, "Just kids". Cette grande dame du rock me touche beaucoup car je l'ai vue à Biarritz en 1979. Aujourd'hui,je n'écoute que de la musique baroque (le côté rock de la musique classique !)mais j'ai gardé une grande tendresse pour Patti Smith, la seule rockeuse mythique qui a du souffle, une voix magnifique, une sensibilité de poète (elle admire Rimbaud),et son physique androgyne est toujours à la mode malgré sa soixantaine bien sonnée. Je salue mon frère qui adore Patti Smith et qui lit en ce moment son autobiographie.
Mon programme de lectures 2011 comportera déjà des titres puisés dans cette liste...

mardi 23 novembre 2010

Crépuscule irlandais

Ce roman d'Edna O'Brien, grande dame de la littérature irlandaise, possède un charme fou. J'ai toujours suivi les écrivains irlandais, surtout les écrivaines (Jennifer Johnston, Molly Keane, Iris Murdoch, Deidre Madden, Nuala O'Faolain) qui possèdent une force et une rugosité héritées de ce pays. L'histoire entrelacée d'une mère et de sa fille nous captive dès le début. La mère, Dilly, est partie tenter sa chance à New York (très beau passage de l'arrivée des immigrants au début du siècle),et revient au pays en rêvant tout au long de sa vie de cette échappée audacieuse.Elle se marie, fonde une famille. Eleanora, sa fille rebelle et libre, vivra une vie de romancière célèbre, loin de la morale stricte de son pays d'origine. La relation mère-fille repose sur un amour non-dit, maladroit et secret. A la fin du roman, Dilly, devenue malade, et Eleanora, enfin présente et disponible, vivent un échange profond. Je cite la dernière phrase du livre : "Le crépuscule fond sur elle dans cette cuisine, dans cette obscurité partielle, la douce et belle lumière d'un instant de proximité ; la franchise d'âme, la magnanimité d'âme, qui traverse craintivement l'univers et craintivement fond sur nous."
La traduction est une grande réussite ((Pierre-Emmanuel Dauzat) et j'apprécie beaucoup le catalogue de l'éditrice Sabine Wespieser, le format des livres, la qualité des couvertures toutes simples et élégantes.
Encore un roman écrit par une femme qui parle des femmes (les hommes ne sont pas des héros admirables) et qui aborde l'essentiel.

lundi 22 novembre 2010

Indignation

Dès que paraît un Philip Roth, je m'empresse de l'avoir dans mes mains et je suis toujours "épatée" par ce génie de la littérature américaine ! Le prix Nobel ne l'a pas encore distingué : mais qu'est-ce qu'ils attendent ? Ce roman réussi est assez court (195 pages) et vous prend du début à la fin.Philip Roth situe son roman en 1951, en pleine guerre de Corée. Marcus Messner poursuit ses études au Winesburg College, dans l'Ohio. Il fuit son père autoritaire et rigide et n'a qu'une obsession : étudier pour améliorer son sort. Mais l'intégration à l'université se révèlera très chaotique. Son origine juive, sa timidité maladive, sa peur des femmes, son refus du conformisme ambiant vont lui compliquer sa vie d'étudiant. On retrouve les thèmes de Philip Roth à travers ce portrait de Marcus dans une Amérique figée dans ses certitudes religieuses et morales. La fin du roman que je ne dévoilerai pas illustre le pessimisme de Philip Roth mais la littérature sert à dénoncer les travers et les absurdités de l'Histoire avec des résonances actuelles et indiscutables sur son pays. C'est évidemment un des meilleurs romans de 2010...

Lectures de novembre

Voici ma liste de lectures de novembre :
- "Qu'as-tu fait de tes frères ?" de Claude Arnaud
- "Mamita" de Michel del Castillo
- "Le sel" de Jean-Baptiste Del Amo
- "Indignation" de Philip Roth
- "Crépuscule irlandais" d'Edna o'Brien
- "Maudit soit le fleuve du temps" de Per Petterson
Dans mes billets précédents, j'ai parlé du Claude Arnaud et de Michel del Castillo.
Quand je vais "jusqu'au bout d'un roman", c'est donc pour moi un bon roman et parfois un excellent roman...

jeudi 18 novembre 2010

Michel Del Castillo

J'ai une tendresse particulière pour Michel Del Castillo. L'ensemble de son oeuvre littéraire tourne autour d'une obsession liée à la Guerre d'Espagne, les liens familiaux détruits, la perte, le deuil, l'enfance meurtrie, l'abandon.Comme je possède des racines "espagnoles", les romans "autobiographiques" de cet écrivain résonnent en moi et me touchent particulièrement. Son dernier opus raconte l'histoire d'un grand pianiste célèbre qui reste à tout jamais marqué par la personnalité trouble et troublante de sa Mamita (le titre du roman). On ne se remet pas facilement d'une enfance solitaire et singulière. Le personnage principal se débat sans répit au sujet de cette mère "rouge" et "noire" : quel rôle a-elle joué en 36 à Madrid, pourquoi a-elle pu fuir en France, pourquoi a-elle abandonné son fils de huit ans en pleine guerre ? Le portrait de cette mère fuyante et superficielle tient lieu de fil conducteur. Michel Del Castillo possède cette musique intimiste et délicate qui m'a toujours "charmée". Le mal-être du personnage finira par se diluer et il trouvera enfin une certaine sérénité grâce à l'amitié et au piano. La musique tient une grande place dans le livre et dès qu'un écrivain aborde la guérison par la passion de l'art musical, je suis définitivement conquise.

Mon prix Goncourt

Si vous suivez l'actualité littéraire, vous avez remarqué que le Prix Goncourt a couronné un écrivain audacieux, polémiste et misanthrope. Je l'aime bien, Michel Houellebecq avec sa maladresse verbale, ses tics et manies de vieux célibataire exilé en Irlande. Son roman "La carte et le territoire" se lit avec plaisir et met en scène sa propre mort sous forme de meurtre. Ce roman avait déjà du succès et c'est vraiment dommage que ce prix lui soit attribué. Si j'avais fait partie du jury, j'aurais défendu avec passion le livre de Claude Arnaud, "Qu'as-tu fait de tes frères" aux Editions Grasset. Ce choix aurait vraiment montré la liberté des membres de l'Académie pour qui le jeu était déjà plié. Il leur fallait Houellebecq à leur palmarès pour la postérité.
Je vous livre le résumé abrégé du livre de Claude Arnaud
"Au milieu des années soixante, entre Boulogne et Paris, un enfant s'ennuie.
Il est curieux, versatile, vibrant, timide. Il passe ses journées à lire et ses nuits à scruter les étoiles, sous le regard ironique de Pierre et Philippe, ses brillants aînés. Mai 68 : Paris se soulève, le garçon de douze ans rejoint la Sorbonne et l'Odéon. Il abandonne son prénom pour devenir Arnulf l'insaisissable, découvre les paradis artificiels et l'amour avec les deux sexes, se change en agent révolutionnaire puis en oiseau de nuit...
L'euphorie collective se mue en tragédie intime, la décennie de poudre tourne aux années de plomb. " Notre seul devoir est de faire tout ce qu'on nous a interdit de faire " : le cadet se demande pourquoi il a réchappé à ce programme, que ses aînés ont suivi jusqu'au drame.
Ample, ambitieux, ce roman ressuscite la vitalité presque suicidaire d'une génération nourrie de pop-rock et de drogues, d'amour libre, d'excès revendiqués et d'utopies. Qu'as-tu fait de tes frères ? est la confession d'un enfant d'une époque qui continue de hanter notre imaginaire"
Ce roman "générationnel" très bien écrit et d'une puissance romanesque indéniable offre un condensé de toutes les errances de la génération de 68. Et j'ai même retrouvé des souvenirs personnels quand j'ai suivi quelques cours du séminaire d'Hélène Cixous où nous étions envoûtés par son langage, ses idées et sa façon de nous décrypter la force de la littérature.
Je décerne à Claude Arnaud l'ensemble des prix littéraires : le Goncourt, le Médicis, le Fémina, le Renaudot et les autres...

mercredi 17 novembre 2010

Sur la lecture

J'ai retrouvé dans un livre un bout de papier sur lequel j'avais relevé une phrase de Guy Debord reprise par Philippe Sollers (dixit un gentil lecteur de mon blog) dans un interview du Nouvel Obs : "On ne sait écrire que si on sait lire, mais pour savoir lire, il faut savoir vivre. La lecture est un magnifique art de vivre. C'est pourquoi une tyrannie bien organisée ne souhaite pas qu'on sache lire. Lire, vraiment lire, c'est se réveiller. La lecture est un acte de conquête."
Cette citation résume à merveille mon seul véritable engagement avec mon féminisme basique. Lire constitue mon loisir essentiel... Si je ne lis pas au minimum trois heures par jour, ma journée n'est pas une journée réussie ! Et comme je lis tous les jours mon quota d'heures, mes journées sont donc réussies d'un point de vue "lecture"...

mardi 16 novembre 2010

Absence

Je n'ai rien écrit depuis le 28 septembre pour des raisons terriblement tristes car j'ai vécu quelques semaines auprès de ma mère qui a quitté ce monde après une maladie, le cancer, nouvelle peste moderne qui, heureusement, peut être éradiquée, mais pour ma mère très âgée, c'était trop tard et il ne fut pas possible de la sauver. Dans ce contexte éprouvant, on ne peut pas écrire, ni se concentrer, ni avoir des idées. La perte essentielle des parents (mon père a disparu en 1998) est un traumatisme profond, un tremblement de l'être car on perd aussi avec eux son enfance, sa jeunesse, tous les moments partagés en famille et cet amour souvent inconditionnel des parents pour leurs enfants. Leur présence nous servait de "bouclier" et là, on se sent orphelin et perdu. Je pense à mes frères et à ma soeur avec qui, dorénavant, je partagerai les souvenirs de nos parents.
Le temps atténuera certainement le chagrin, mais ce chagrin particulier se greffe dans le coeur comme une écharde qui gêne la respiration quand on pense à la vie d'avant la perte définitive.
Ce mois de novembre réputé dépressif a tenu sa promesse et s'est transformé en épreuve douloureuse. Malgré la tristesse et le deuil, je reprends l'écriture pour partager mes découvertes considérant ce retour comme un hommage à mes chers disparus.

mardi 28 septembre 2010

70 ans de reliure à Chambéry

En retirant une réservation à la Bibliothèque de Chambéry, j'ai été attirée par des vitrines qui exposaient des livres anciens et bien que cette exposition était un peu cachée du public et très mal éclairée, j'ai admiré les reliures dont certaines dataient du XVIème siècle. Je connais la richesse extraordinaire du fonds ancien et patrimonial de la ville et tous ces trésors sont jalousement conservés dans un magasin blockhaus... Je comprends parfaitement le souci de conserver ces documents mais je me prends à rêver de les voir sur des étagères de la bibliothèque. Ces très vieux ouvrages ont défié le temps et se portent pour certains à merveille. Ils nous envoient un clin d'oeil du passé si lointain et pourtant si proche de nous. Toutes ces reliures en cuir ont pour moi un charme incommensurable... Je ne m'extasie pas devant un e-book, vulgaire objet en plastique, alors que des reliures en cuir avec leurs couleurs automnales me réconfortent ! Et dans 500 ans, j'imagine un lecteur visitant une expo de livres électroniques : seront-ils lisibles comme nos incunables, seront-ils en bon état comme nos livres anciens ? J'en doute, mais ne soyons pas pessimistes. J'ai trouvé une parade : quand tous les livres en papier disparaîtront, je m'enfermerai dans les magasins des bibliothèques pour les protéger et les montrer aux jeunes enfants pour leur dire : "il était une fois un objet merveilleux qui traversait les ans et nourrissait l'esprit de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté..."

lundi 27 septembre 2010

Le coeur régulier

Le dernier roman d'Olivier Adam tient toutes ses promesses et figure aussi sur les listes des prix littéraires de l'automne. On retrouve l'atmosphère "adamienne", c'est à dire une compassion très forte pour ses personnages cassés par la vie, les perdants, les sans-rien, les dissidents du sentiment, les "paumés"... et surtout les "suicidés". L'héroïne du roman, Sarah, s'interroge sur la mort de son frère Nathan, qui a toute sa vie voulu écrire et ne pas se "conformer" aux modèles que la société nous impose. Le Japon tient lieu de décor où l'on découvre un personnage, retraité de la police, qui aide les candidats au suicide à survivre. Olivier Adam, tout en douceur, fait le procés de notre mode de vie égoïste et indifférent au sort des "déprimés", véritables boulets pour la société. Un passage du roman reflète la compassion sans larmoyance de l'auteur : "Toujours il en revenait là, la violence morale qui s'exerçait à l'école, au travail, dans le couple. L'usure et les humiliations, la pression sociale, le culte du rendement, du gagnant, du vainqueur, le cynisme et l'exclusion, comment tout cela pouvait vous briser les os." Sarah finira par comprendre, après un voyage initiatique au Japon, sa vie tissée de mensonges et de malentendus. Elle finira par atteindre un "coeur régulier", qui lui permettra de vivre dans une certaine sérénité. Ce roman possède toutes les qualités pour emporter la faveur du public et peut se passer de la comédie des prix littéraires !

jeudi 23 septembre 2010

La vie est brève et le désir sans fin

Ce titre pour mon billet du 23 septembre ressemble à un vers d'Aragon ou d'Eluard... En fait, il s'agit du roman de Patrick Lapeyre aux éditions P.O.L, paru à la rentrée. Ce livre fait partie de la première sélection pour le prix Goncourt. Je l'ai lu avec intérêt mais aussi avec agacement tant le personnage principal est d'un "mou" à pleurer. Sa vie amoureuse oscille entre une femme de tête, sa femme légitime qu'il aime surtout pour le confort matériel qu'elle lui apporte et une maîtresse fantasque. Il est traducteur mais ne gagne pas très bien sa vie. Il rencontre cette anglaise insaisissable et marginale. Il tombe éperdument amoureux d'elle. Elle aussi hésite entre lui et son amant anglais. Ce roman traite de l'adultère moderne, chasse-croisé pitoyable où le mensonge règne. La double vie détiend un ressort romanesque évident mais il manque dans ce roman une empathie que le lecteur n'éprouve pas pour ces personnages sans relief. Mais ce sentiment de vacuité ressenti par tous les personnages est un sentiment ultra-contemporain. J'ai bien apprécié la critique sociale "pince-sans-rire" des milieux privilégiés qui sont décrits avec un humour froid et distancié. Je n'ai pas l'impression que le roman obtiendra le prix Goncourt mais je peux me tromper ! On sent bien que Patrick Lapeyre décrit les affres d'un homme paumé, en proie aux tourments du choix, un partenaire faible et sans caractère... Si j'ai lu jusqu'au bout ce livre, c'est par devoir de bon lecteur qui respecte les écrivains, même ceux qui ne me touchent pas au coeur.

lundi 20 septembre 2010

La passerelle de Lorrie Moore

On a l'habitude de trouver de la "bonne littérature" aux éditions de l'Olivier. Ce nom d'éditeur m'attire car l'olivier est mon arbre préféré (j'en ai deux dans mon jardin de Savoie !). Je sais que les romans qui poussent chez cet éditeur sont en grande majorité des romans fort intéressants. J'ai terminé aujourd'hui celui de Lorrie Moore, "La passerelle" ou l'histoire d'une adolescente qui se cherche et apprend à grandir. Elle va devenir baby-sitter d'une petite fille métisse adoptée par un couple étrange qui cache un secret pesant. Le tableau de cette Amérique rurale laisse un goût bizarre de profond ennui et de malaise. Ce livre sort d'un tableau de Hopper ou d'un roman de Carson Mac Cullers.
Tassie, l'héroïne du roman, ressemble à des millions de jeunes filles en quête de l'amour, du bonheur, de la réussite sociale mais elle va vite se rendre compte que la vie n'est pas toujours conforme à ses rêves. Son jeune frère s'engage à l'armée et se fera tuer en Irak. Cette Amérique de l'après 11 septembre se révèle fragile et doutant de son avenir. J'aime retrouver dans la littérature américaine cette musique du désenchantement et de l'ironie.
Feuilletez donc le catalogue de cet éditeur : vous en serez enchanté...

vendredi 10 septembre 2010

Revue de presse

Comme je ne travaille plus, j'ai enfin le temps de lire dans la journée et de parcourir la presse sur Internet. La lecture du "Monde" (format papier que je reçois chez moi) prend au minimum une heure par jour si on veut vraiment lire une dizaine d'articles.J'assimile la lecture du journal à une marche dans la nature... Il paraît que pour se maintenir en forme physique et intellectuelle, il faut marcher une heure par jour. La lecture est un sport cérébral qui fait du bien, qui apaise comme des longueurs de piscine ou des kilomètres de marche. Cette semaine, j'ai donc repéré un article concernant la littérature. Ce mardi 7 septembre, le journal a présenté un dossier : "Quels sont les écrivains qui vivent de leur plume ?" Le constat est sans appel : très peu d'écrivains vivent de leur plume. Ils représentent une infime minorité. Des noms sont cités : Gavalda, Nothomb, Vargas, Pancol, Lévy, Musso, Pennac, etc. On ne devient pas riche en se consacrant à l'écriture à part les auteurs de best-sellers. Beaucoup d'écrivains ont un deuxième métier : journaliste, enseignant, éducateur (comme Jean-Baptiste Del Amo). Ils ont beaucoup de mérite pour la plupart d'écrire et de travailler pour survivre. Dans la société actuelle, la situation s'est même aggravée entre les auteurs à succès très riches et ceux qui ne parviennent pas à rencontrer leur public. La morale reste tout de même du côté de ceux qui alternent vie professionnelle et vie créative. Kafka travaillait dix heures par jour dans un bureau pour écrire et n'a jamais gagné sa vie grâce à son oeuvre. Le monde cite les aides de l'Etat : bourses, résidences d'écrivains, ateliers d'écriture. Mais l'Etat est en crise et toutes ces aides seront-elles reconduites ? Notre ministre du budget n'a pas encore pris des dispositions tellement les sommes sont... ridicules !
Vive la littérature et merci à tous ceux et toutes celles qui s'adonnent à cet art si difficile d'expliquer le sens d'être au monde...

mardi 7 septembre 2010

Le premier qui l'a dit

Je vais rarement au cinéma quand il fait beau, préférant la clarté de la journée au noir des salles de cinéma... Mais, la pluie est arrivée et j'ai pris le chemin du cinéma dans mon quartier. Nous étions quatre femmes dans la salle pour voir un film dont je présumais l'intérêt. Et j'ai passé une après-midi formidable alors qu'il faisait gris dehors.
Ce bijou du cinéma est italien, il n'est pas classé dans le box-office des fréquentations, style de 500 000 à 5 000 000 de spectateurs. Tous les ingrédients sont réunis pour rendre ce film adorable, attachant, tonique, optimiste et délicieusement décalé quand on pense aux grandes productions américaines. Ce film atypique raconte l'histoire d'une famille en Italie, de deux frères qui n'osent pas avouer leur homosexualité face au patriarche intolérant et macho... Je ne veux pas en dire plus mais l'aîné va déclarer son orientation sexuelle pendant un repas de famille alors que le frère cadet qui devait faire son "coming-out" doit se taire pour ne pas "tuer" son père. Comble de l'ironie, son père lui demande de prendre les rênes de l'entreprise de pâtes. Ce film traite avec beaucoup d'humour et d'optimisme l'homosexualité qui finit par être comprise surtout de la part des femmes... Le fils cadet finira par avouer... son amour de l'écriture.
J'aime beaucoup écouter l'italien et je finis même par comprendre (je comprends l'espagnol) sans lire les sous-titres et je retrouve avec plaisir l'atmosphère d'une ville italienne : magique !

lundi 6 septembre 2010

Retour sur Mai 68

J'ai parlé de mon professeur de philo quand j'étais lycéenne à Bayonne et ma soeur m'a donné un article du journal Sud-Ouest où je me suis reconnue dans la foule des manifestants devent l'Hôtel de ville. En ces temps de malaise social et de pertes d'acquis sociaux, souvenons-nous avec émotion de ce mois-là où la France entière s'est arrêtée de travailler, d'étudier, de subir. Quelle chance pour moi d'avoir vécu cette période pourtant si courte où la vie pouvait changer ! J'ai gardé dans ma bibliothèque de "bibliophile" trois petits bouquins dont je ne me séparerai jamais : "Les citations de la révolution de Mai" chez Pauvert, "Les murs ont la parole" chez Tchou, "A toi l'angoisse, à moi la rage", chez Edmond Nalis. Je picore quelques slogans qui n'ont rien perdu de leur actualité :
- "La révolution combat aussi pour la beauté. Aidez-nous pour chasser la laideur du monde"*
- "On ne compose pas avec une société en décomposition"
- "Je prends mes désirs pour des réalités, car je crois à la réalité de mes désirs"
- "Ne me libère pas, je m'en charge"
- "Ne changeons pas d'employeurs, changeons l'emploi de la vie"
- "Nous avons une gauche préhistorique" (tiens, tiens...)
- "Parlez à vos voisins"
- "Non, je ne digère pas, j'éclate"
Cet esprit de Mai 68, libre, joyeux, trépidant, poétique et audacieux a duré vraiment une fraction de secondes car tout s'est remis en place trop vite, la tradition a gagné mais ce petit mois de mai a semé beaucoup : le féminisme a jailli, la peine de mort a été abolie, les universités se sont ouvertes aux enfants d'ouvrier et d'employé, la démocratie a respiré...
Et j'ai suivi des études supérieures, la première de la fratrie et de toute la famille élargie. N'enterrons donc pas Mai 68, bien au contraire, que ce souffle perdure en nous malgré le temps qui passe.

vendredi 3 septembre 2010

Hommage à Pierre Hadot

Ce philosophe français, professeur honoraire au Collège de France est l'auteur de nombreux ouvrages dont "Exercices spirituels", "La citadelle intérieure" et "Qu'est-ce que la philosophie antique ?". J'ai fini de lire "La philosophie comme manière de vivre", entretiens de Pierre Hadot avec J. Carlier et A. Davidson. Lire de la philosophie est déjà un exercice spirituel qui demande concentration et curiosité. Mais pourquoi ne pas essayer ? J'ai apprécié ce livre qui présente l'oeuvre de Pierre Hadot de façon simple et abordable pour les lecteurs amateurs de philo. Quand j'étais au lycée en terminale, la philosophie était ma matière préférée et mon professeur de philo s'est tu pendant trois mois de septembre à novembre pour nous laisser "réfléchir" et nous organiser en atelier... C'était en 1970, époque soixante-huitarde, originale et loufoque ! Ce prof "révolutionnaire" m'a marquée et son héritage est toujours vivant car il avait vu en moi une appétence indéniable pour l'histoire des idées et des concepts. J'aurais préféré passer une licence de philosophie mais j'étais intimidée par l'aridité des styles, le jargon obscur (Descartes, Kant, Hegel, etd.) et la littérature me semblait plus "humaine". On traîne ainsi des regrets et pour compenser ce manque, je lis de temps en temps de la philosophie. Pierre Hadot peut devenir un passeur de textes et ce rôle est capital.
Je retiens de ce livre qu'il nous faut lire ou relire Platon, Sénèque, Marc Aurèle, Epitecte et tant d'autres. Avant d'entrer dans ce monde lumineux de la philosophie antique,
il est nécessaire de se faire accompagner et Pierre Hadot est un guide qui n'intimide pas.
Le dernier chapitre de l'ouvrage contient un passage sur le bonheur du présent : "Nous pouvons donner une valeur en quelque sorte absolue à chaque instant de la vie, si banal soit-il, si humble soit-il. (...) La concentration sur le présent implique une double libération : celle du poids du passé et de la crainte de l'avenir."
Pierre Hadot s'est éteint cette année et il a eu tout de même une notice nécrologique dans Le Monde. Evidemment, aucun journal télévisé n'a fait mention de sa disparition : il vaut mieux être une rock-star, un champion ou un homme politique. Un philosophe, cela ne sert à rien, sinon à penser et les médias audiovisuels préfèrent l'événementiel superficiel et spectaculaire !

mercredi 1 septembre 2010

Rentrée : tout va trop vite...

J'ai lu un article passionnant dans le Monde magazine, daté du samedi 28 août relatant le point de vue d'un sociologue allemand, Hartmut Rosa, qui vient de publier un essai majeur, "Accélération" aux Editions La Découverte. Il dénonce dans l'article que tout va trop vite dans la société moderne : accélération technique, accélération sociale, rythmes toujours plus rapides. Vivre pressé, stressé, angoissé, pressuré, écrasé. L'interview de ce sociologue, dont je n'avais jamais entendu le nom, nous éclaire sur cette folie de toujours en faire plus qu'il ne faut. Dans le milieu professionnel où j'ai travaillé ces dernières années, j'ai ressenti cette "culture" de changer sans arrêt tel logiciel, telle application, toujours plus performante que celle d'avant, alors que chacun s'efforçait d'assimiler l'outil en question qui allait de toutes façons être remplacé l'année suivante. Cette course déraisonnable vers le toujours plus rapide, plus adapté aux besoins, souvent plus onéreux, me complexait car je prenais de l'âge et me "ringardisais"... Mais cette course sans fin conduit peut-être tout droit dans le mur (fin de l'article) ! Le monde a changé, oui, c'est certain mais quel monde !
Je cite une phrase de l'article : "A l'âge de l'accélération, le présent tout entier devient instable, se raccourcit, nous assistons à l'usure et à l'obsolecense rapide des métiers, des technologies, des objets courants, des mariages, des familles, des programmes politiques, des personnes, de l'expérience, des savoir-faire, de la consommation."
Article frappant qui va m'inciter à me procurer cet ouvrage au plus vite. Le lire en toute quiétude (tiens ce mot est vraiment démodé aujourd'hui...) au coin de mon poële à bois, cet hiver, loin de l'agitation urbaine et sociale !

lundi 30 août 2010

Revue de presse

En fin de mois, j'attends la sortie de la presse littéraire : je vais donc citer les revues à lire en septembre pour cibler les perles des 700 romans français et étrangers qui garniront les étagères et les tables de nos librairies et de nos bibliothèques.
Le premier dans la liste : la revue "Lire" avec un fascicule complémentaire, le guide 2010 de la rentrée littéraire, les romans qu'il ne faut pas surtout manquer et un entretien d'Amélie Nothomb (encore elle... que je n'apprécie pas du tout). La deuxième revue plus "intello" que la première, "Le Magazine littéraire" contient un dossier passionnant sur les romancières françaises (enfin, les femmes écrivains sont à l'honneur !!!), un cahier critique des romans de la rentrée, une enquête lucide et inspirée sur la littérature française jugée par des écrivains étrangers, et d'autres articles très intéressants. La troisième revue, "Transfuge" que je savoure régulièrement propose un dossier très riche sur la rentrée littéraire "les meilleurs romans", dossier où l'on retrouve les coups de coeur du Magazine littéraire : Philippe Forest, Houellebecq, Kerangal, Chantal Thomas, Claude Arnaud, etc. Les deux dernières revues que je lis aussi tous les mois ne sont pas des revues littéraires mais abordent le thème de la littérature. La revue "Sciences Humaines" traite de la littérature, fenêtre sur le monde et la revue "Philosophie magazine" comporte un article sur la rentrée littéraire, "Des romans, pour quoi faire ?". Voilà ma revue de presse pour septembre. Je ne cite pas les journaux qui parlent des nouveautés. La rentrée 2010 s'annonce passionnante !

vendredi 27 août 2010

L'Homme qui m'aimait tout bas

Ce récit publié chez Gallimard en 2009 est un très beau portrait du père adoptif d'Eric Fottorino, écrivain et journaliste au "Monde". Je l'ai lu un peu par hasard car le titre du livre me plaisait : S'aimer tout bas, comme un titre de réserve, de discrétion. Se parler tout bas, murmurer, se dire des secrets, ou ne pas se les dire. Ce témoignage littéraire se lit avec émotion car ce père s'est suicidé pour des raisons inconnues. Cette mort mystérieuse ne cesse de provoquer le pourquoi de ce geste si difficile à accepter pour les proches. L'écrivain raconte la vie de ce père affectueux,courageux mais souvent trop silencieux. Ce livre est loin d'être triste car cet hommage si plein d'amour nous fait sourire et nous confirme que l'amour familial construit le destin de chacun d'entre nous. Et que l'amour d'un enfant adopté équivaut à l'amour d'un enfant dit "naturel" (que cet adjectif est ridicule !). Cet ouvrage me conduira à découvrir les romans d'Eric Fottorino, en particulier son "Korsakov" que j'ai pas encore lu. Décidément, le thème de la famille en littérature reste et restera longtemps un source d'inspiration inépuisable...

mercredi 25 août 2010

Sortie en librairie

Je me rends compte que je vais écrire mon "centième billet" sur ce blog...
Ce matin, j'ai fait mon marché de... livres. Mon fils passe en seconde et comme le dit notre ministre de l'éducation, les livres du programme de la nouvelle seconde ne sont pas encore disponibles à la rentrée ! Du jamais vu ! Il faut donc les réserver et pour le moment, j'ai pu me procurer quatre livres sur dix dont les principaux (maths, français et anglais). Quelle pagaille dans le système éducatif... Mon fils ne semble pas inquiet et croit que tout va bien finir par s'arranger ! En retirant ceux que j'avais réservés à la librairie Garin, j'ai fureté sur les tables des nouveautés et j'avais la sensation de gourmandise à la bouche : des romans étrangers alléchants surtout anglo-saxons (Waters, Kingsolver, Coetzee, Roth, Harrison, McCauley, Russo, O'Riordan), des romans français plus attractifs que d'habitude (Houellebecq, Adam, Gallay, Forest et Del Amo). Comme je ne travaille plus (le bonheur!), j'ai dorénavant tout mon temps pour savourer ces romans qui sortent en librairie. J'ai craqué pour deux ouvrages, l'un sur Quignard que j'adore et l'autre de Del Amo "Le sel". Je rentre dans une librairie comme je pénètre dans une pâtisserie avec les sens en éveil et un esprit de gourmandise génétiquement hérité de mes parents. Pour la rentrée littéraire qui s'annonce très riche, il faut garder les pages du Monde des livres du vendredi 20 août qui détaille les sorties des romans de l'automne. Belle matinée que cette promenade en librairie et belles promesses de lecture pour l'hiver !

lundi 23 août 2010

L'homme qui tombe de Don Delillo

L'anniversaire de l'attentat du 11 septembre 2001 approche : cela fera donc neuf ans que l'Amérique a subi cette attaque sans précèdent : plus de trois mille victimes innocentes dans les tours du World Trade Center à New-York. La littérature intègre dans son imaginaire des événements qu'aucun auteur de polar et de science-fiction n'a osé inventer. Je viens de lire un roman inspiré de cette tragédie : "l'homme qui tombe" De Don Delillo. Ce roman paru aux éditions Actes Sud en 2008 se lit avec une certaine gravité et relate avec profondeur cet épisode américain traumatisant. Les personnages que nous suivons portent en eux ce "trouble" profond d'avoir vécu cette catastrophe en direct.De nombreuses descriptions très réalistes donnent au roman paradoxalement une approche intimiste de l'effondrement des tours. Chacun cherche sa vérité et se cherche de nouvelles raisons de vivre. Cette fin d'un monde, où l'on pouvait se croire en sécurité, a tout changé : les relations familiales, le rapport au travail, le sens de la vie. Ce monde en morceaux montre la fragilité de toute existence individuelle et de la société occidentale. Le titre du livre est symbolique : un artiste-performeur met en scène de nombreuses chutes spectaculaires dans un New-York invraisemblable et fascinant.Ce livre énonce un message à la fois pessimiste sur la folie guerrière des hommes et optimiste sur la lucidité et le courage de reconstruire sa vie après une catastrophe.
Don Delillo a offert un très beau livre pour saluer la mémoire de tous ces disparus.

jeudi 19 août 2010

"Le Chagrin" de Lionel Duroy

J'ai reçu Télérama dans ma boîte à lettres mercredi et j'ai ouvert avec plaisir le magazine avec en couverture :"Spécial rentrée littéraire : quand le réel nourrit le roman." Cette phrase anodine m'a influencée pour parler du dernier roman que je viens de lire : "Le chagrin" de Lionel Duroy. J'avais vu des critiques de cet écrivain français dans la presse littéraire. J'ai un vague souvenir d'un de ses titres "Le cahier de Turin" qui m'avait touchée. Son dernier livre est un réglement de comptes féroce et impitoyable sur sa famille, surtout sa mère narcissique, odieuse, comédienne, snob, effrayante par ses colères et ses remarques désobligeantes. Son père, représentant de commerce minable et dominé par sa femme, escroc et dissimulateur, ne suscite pas l'adhésion. Le narrateur, pour revivre et fonder sa propre famille, doit liquider la sienne et ce livre est à la fois un roman, un récit, une torpille, un message d'espoir, un sacrifice et une renaissance. La période évoquée démarre dans les années 60 et se termine en fin 90. Ces flots de mots nous emportent dans une mer agitée de sentiments comme l'humiliation, l'abandon, l'insécurité, le chagrin, ce chagrin si vivant et si troublant d'appartenir à une famille aussi tordue et invalidante. En mêlant la fiction au réel, l'écrivain finira par rompre définitivement avec les "siens", neuf frères et soeurs et les parents. Se lancer dans l'écriture sera sa planche de salut et sa thérapie. Je reprends la phrase de Télérama "quand le réel nourrit le roman", ce livre est un grand roman du réel vécu au sein d'une famille déglinguée, une charge impitoyable pour les adultes qui ne peuvent assumer en toute sérénité et toute sécurité la vie de leurs enfants.
Et quel soulagement de comparer ces parents pitoyables et inconscients avec sa propre expérience quand l'amour, le dévouement, la responsabilté régnaient de ce côté-là. Lionel Duroy nous confirme cette règle : il faut des racines solides pour pousser à peu près droit... Et ce chagrin, infligé à vie, deviendra sa raison d'écrire et la force de la littérature.

mercredi 11 août 2010

Le premier amour de Véronique Olmi

Véronique Olmi a écrit un roman très attachant. Avec une écriture simple et limpide, cette histoire raconte un moment-clé dans la vie d'Emilie. Son héroïne est une femme de cinquante ans, mariée, mère de trois filles et qui part en Italie après avoir lu un message de son premier amour, Guido, dans Libération. Elle part subitement pour retrouver cet homme qu'elle a aimé quand ils étaient jeunes. Je ne dévoilerai pas la fin du livre mais j'ai aimé les remarques d'Emilie sur la famille, la perte des enfants qui deviennent des adultes, sa relation avec sa soeur handicapée, ses rencontres dans son voyage, ses retours vers le passé. Un roman à lire pendant les vacances, bourré de sincérité, d'humour et de lucidité.On se prend à sourire souvent et à méditer sur des phrases qui vous parlent aussi de vous ! Je vous livre la dernière phrase du roman : "Le monde est fait de milliers d'absence et que s'y promener avec bonté n'en détournerait pas le cours, car la vie est un manque, irrattrapable, et nous demeurons pour toujours inconsolés." Malgré une ambiance nostalgique, Véronique Olmi nous invite à porter une attention précieuse aux moments présents.

Revue de presse

Au mois d'août, il semblerait que tous les français (surtout les parisiens) s'absentent et sont massés sur les plages... Mais, certains d'entre eux travaillent beaucoup pour permettre aux autres de partir et certains aussi comme moi profitons de nos maisons, de nos jardins, à l'abri de la foule, du bruit, des voitures et de l'ennui que je lis souvent dans les visages de ceux qui deviennent des "touristes" estivaux. La presse aussi prend des vacances malgré une actualité dense et inquiétante : inondations, canicule, insécurité urbaine, faits divers sordides. Le monde politique est aussi en vacances (on respire mieux), donc, il faut attendre la rentrée pour régler les problèmes en cours. En parlant de presse, je lis le dernier Nouvel Observateur et comme les journalistes sont eux aussi en vacances, ils ont concocté un numéro certainement écrit en avril. Après les histoires de couple, voici cette semaine, un dossier sur les géants de la pensée. Alors, par curiosité, j'ai acheté ce numéro. Pour le Nouvel Obs, il existe donc six géants : Jacqueline de Romilly, Jacques Le Goff, Paul Virilio, François Jacob, Edgar Morin et René Girard. Enfin, j'ai eu l'impression d'avaler un air un peu plus intelligent que d'habitude. Je retiens l'article sur Jacqueline de Romilly, femme intellectuelle de premier ordre, académicienne et hélléniste magnifique. J'ai peu lu son oeuvre et depuis que j'ai visité une toute petite partie de la Grèce, je me dois de découvrir cette "géante" de la pensée !

lundi 9 août 2010

Le coeur glacé d'Almudena Grandes

J'ai terminé samedi ce très gros livre de mille pages qui m'a plongée dans l'Espagne contemporaine et dans cette Espagne si tragique de la Guerre de 36. J'avais envie de le lire depuis un an mais je n'avais pas eu le courage d'affronter ces mille pages... Car quand on se mobilise sur un seul roman, les autres m'attendent et me jettent des regards noirs... Ce roman a tenu ses promesses : une saga familiale avec un patriarche bon pour les siens et horrible avec les autres, traître, judas, cynique et arriviste. Son fils cadet va découvrir le côté noir de son père, et tombera amoureux d'une jeune femme, animée par un sentiment de vengeance et héritière de cette histoire espagnole. Et surtout le roman diffuse l'atmosphère trouble de la guerre civile et de la période franquiste. Cette tragédie de l'histoire contemporaine d'une injustice insupportable est relatée d'une façon très romanesque. Il y a une phrase de Machado que l'auteur met en exergue : "Pour les stratèges, pour les politiques, pour les historiens, tout est clair : nous avons perdu la guerre. Mais sur le plan humain, je n'en suis pas sûr... Nous l'avons peut-être gagnée." Almudena Grandes nous livre ses nombreuses sources à la fin du livre. Ces remerciements à de nombreux acteurs de la Guerre nous éclairent sur la force créatrice de la littérature. J'ai toujours aimé ces grands romans-documentaires qui allient la grande Histoire avec les petites histoires des hommes et des femmes qui traversent avec un courage extraordinaire les turbulences d'une époque. J'ai pensé à mon grand-père paternel, mort bien avant ma naissance et qui a organisé l'aide aux réfugiés républicains qui passaient la frontière du côté d'Hendaye. Cette révélation familiale m'a été communiquée très récemment et j'en suis particulièrement fière !

jeudi 5 août 2010

Littérature discrète

J'aime une qualité qui n'est pas à la mode aujourd'hui quand le bling-bling devient le signe révélateur d'un comportement quelque peu vulgaire. Cette qualité dont personne ne parle se nomme la discrétion. Quand je vois tous mes contemporains exhiber des tatouages, des anneaux, des bijoux en toc en quantité, je me prends à rêver d'un monde poli, discret, bien "élévé". En littérature, j'ai une prédilection pour les écrivains qui se cachent, qui ne sont pas célèbres, qui ne mettent pas en avant leur génie et leur orgueil. Les écrivains-people ne m'intéressent pas ! Au premier rang des parfaits discrets, je citerai Julien Gracq, discret jusqu'à sa mort, solitaire et pourtant entouré de centaines d'admirateurs. Il ne voulait jamais participer à une émission de télévision, il ne voulait pas s'exposer et j'ai toujours apprécié cette volonté d'effacement. Un de mes souvenirs les plus forts le concernant remonte à la découverte de son livre le plus célèbre qui dormait sur une modeste étagère d'une très modeste bibliothèque de quartier dans une toute petite ville très modeste et ouvrière du côté de Bayonne. J'ai emprunté ce roman sans trop connaître cet écrivain car le titre m'avait attirée. Et quand j'ai ouvert le livre en question, j'étais subjuguée par la beauté de cette langue française, sobre, précise, avec un vocabulaire d'une richesse fascinante. Ce grand livre qui m'a ouvert les bras et qui m'a influencée pour suivre des études de lettres, ce grand roman qui m'a ouvert l'esprit et le coeur sur la beauté de la langue française s'appelle "Le Rivage des Syrtes", paru en 1951 (!!!), aux Editions José Corti. Il a reçu le prix Goncourt que Gracq a refusé à l'époque ! Depuis, je lisais Gracq dans la Pléiade mais j'ai retrouvé l'édition de 1951 chez un bouquiniste et quand je l'ouvre, je revois cette petite bibliothèque si modeste qui possédait un trésor si grand... On peut trouver de l'or dans n'importe quel endroit du monde, si petit soit-il !

mardi 3 août 2010

Visite en librairie

Avant de trouver la vague de centaines de romans qui va déferler dès la fin du mois d'août, il faut se promener dans les librairies surtout quand le temps est maussade et gris. J'ai donc fait un tour dans ma librairie préférée de Chambéry, ni trop petite, ni trop grande, ni trop commerciale, ni trop spécialisée. Cette librairie propose des tables thématiques par catégories d'ouvrages : celle des romans de terroir, celle des romans français et celle des romans étrangers. Je reste persuadée qu'il faut toujours aller faire un tour dans une librairie pour découvrir des romans et des essais qui peuvent attirer notre attention. Un amateur de littérature qui se contenterait d'Internet, passera à côté de quelques perles. Pourtant, je vais sur les sites de littérature et j'ai déjà remarqué les trente romans de la rentrée choisis par la FNAC (très bon choix au demeurant). Mais croyez-moi sur paroles, je préfère aller butiner, farfouiller dans les librairies de toutes tailles car on en ressort avec un livre (je ne peux pas résister) et avec des idées de lecture. On ne le dira pas assez, il faut fréquenter les librairies car j'ai peur qu'elles meurent à petits feux avec la concurrence de gros fournisseurs de livres sur Internet. J'ai vécu moi-même cette perte irréparable quand j'étais libraire à Bayonne dans les années 1976-1981 et je n'ai pas résisté aux grandes surfaces qui vendaient les livres à 30 % moins cher. Le prix unique du livre en 1981 (trop tard pour moi) a certainement sauvé des centaines de librairies petites et moyennes. Ma librairie était un lieu de rencontres et d'amitié autour de la littérature, du féminisme et de l'identité basque. Cette expérience professionnelle restera pour moi une période fantastique. J'ai connu des centaines de lecteurs passionnés et engagés qui voulaient changer la vie façon Rimbaud. Ce fut une étape décisive pour moi. Après une vie de libraire, je suis naturellement devenue bibliothécaire en obtenant le "certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire" (qu'il était beau ce diplôme, hélàs disparu aujourd'hui !). C'est pour cela que j'ai une tendresse particulière pour tous les libraires et tous les bibliothécaires du monde entier !

jeudi 29 juillet 2010

Cadeau littéraire

Je veux rendre un hommage à ma soeur, adepte du scrapbooking, un loisir créatif mettant en valeur les photos, les lettres et les cartes. C'est un art de l'illustration à la portée de celui ou de celle qui veut "embellir" un message qui resterait banal sans cet art assez nouveau en France. Ma soeur m'a donc confectionné une petite boîte d'allumettes qu'elle a vidée, peinte et habillée et à l'intérieur, elle a intégré un ruban constitué de citations et de mini-photos. Elle connaît bien ma passion de la littérature et des mots et certaines des citations ont ciblé à merveille mes goûts :
" De la musique avant toute chose" Verlaine
" Le silence est fait de paroles que l'on a pas dites" Yourcenar
"Faites des bêtises mais avec enthousiasme" Colette
"Tant de mains pour transformer le monde et si peu de regards pour le contempler" Gracq
"Lire et faire lire" Adrienne Monnier
"On peut trouver son bonheur dans les rêves" Proust
Ce cadeau, petit par sa taille, original par son concept, a trouvé sa destination dans ma bibliothèque du salon avec tous mes écrivains préférés, mes livres de collection, mes tableaux,et comme je sais que ma soeur lit mon blog, je peux lui dire que ce cadeau qu'elle m'a offert pour fêter le départ de ma nouvelle vie de retraitée me touche énormément et prend le statut d'un objet unique au monde !

mercredi 28 juillet 2010

Mon grand pavé de l'été

Je l'ai trouvé mon grand pavé de l'été 2010 avec ce roman de mille soixante-dix pages et je n'en suis qu'à la deux cent cinquantième. Ce roman "Le coeur glacé" d'Almuneda Grandes date de 2007 en Espagne et de 2008 en France. Comme tous les étés, je me suis réservée la lecture d'un gros pavé. Cette saga inoubliable se passe en Espagne, mon second pays par mes origines ! Et je ne raconterai pas l'histoire (je le ferai quand je l'aurai terminé)car ce qui m'intéresse, c'est de rester longtemps avec les personnages principaux, prendre mon temps, m'y installer comme dans un nid douillet, une cabane au fond des bois, une maison au bord de la mer, une terrasse au bord de ma piscine. Je le balade de la chambre au salon, du jardin à la cuisine. Il m'accompagne partout comme un fidèle compagnon ! Et le personnage principal devient un membre de la famille... Adoptez donc ce roman-pavé pour l'été !

lundi 26 juillet 2010

Marguerite, Françoise et moi

Danièle Saint-Bois, écrivain que je ne connaissais pas, m'a beaucoup intéressée ce week-end. En fait, son roman qui ressemble plus à un récit de vie nous parle de son "job" dans une boulangerie, de sa vie quotidienne dans un village des Pyrénées et surtout de ses admirations pour Françoise Sagan et Marguerite Yourcenar. J'aime ces romans d'écrivains qui parlent de leur projet d'écriture, de leur incapacité à écrire, de leur découragement et de leur espoir d'y arriver. Et en plus, elle décrit avec un humour corrosif et salutaire l'ambiance politique d'aujourd'hui avec un monsieur LUI XIX que tout le monde reconnaîtra. Je n'avais jamais lu un de ces romans et je crois que je vais découvrir les précédents. C'est une femme fort sympathique avec qui je me sens tout de suite en confiance et je me retrouve dans nos admirations communes. Tous les clins d'oeil qu'elle nous lance sont facilement déchiffrables et pour ceux qui apprécient l'impertinence, l'humour comme une école de vie, lisez ce roman plein de vie et d'espoir !

samedi 24 juillet 2010

Revue de presse

L'été, on prend le temps de lire des revues. J'ai retenu Le magazine littéraire de juillet-août avec un dossier sur le doute et un portrait de Julien Gracq. L'hebdo Marianne et le Magazine littéraire se sont associés pour un numéro "Les meilleures lectures de l'été", une sélection de 200 livres de poche et surtout la bibliothèque idéale de 30 auteurs. Quand je découvre le choix des écrivains en question, cela m'amuse de voir les affinités que je partage avec certains d'entre eux. Pierrette Fleutiaux que j'aime beaucoup (j'ai acheté son livre sur Anne Philipe que je me réserve pour plus tard), cite Anne-Marie Garat dont j'ai parlé déjà dans le blog. Anne-Marie Garat cite Proust, Woolf, Giono, Conrad. Jean-Baptiste Del Amo cite Woolf, Proust et le très beau livre d'Annie Ernaux "les années". Geneviève Brisac cite Svevo, Morante, et... Woolf ! Et d'autres parlent de Carson Mac Cullers, Borgès. J'aime cet exercice de bibliothèque idéale qui revient régulièrement dans les revues de littérature. Comme si les amateurs de littérature formaient une grande famille spirituelle sur notre planète terre, pratiquant une religion inoffensive (le mot religion veut dire relier), une religion basée sur la tolérance, la singularité des destins, le doute de soi, la recherche éperdue du bien-vivre et du "savoir-vivre". Ces revues sont encore disponibles dans les maisons de la presse mais elles seront retirées du circuit en août. Elles nous apportent une masse d'informations précieuses pour se donner des bonnes idées de lecture.

Le goût des pépins de pomme de Katarina Hagena

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un roman traduit de l'allemand. Des critiques nous conseillent ce livre pour les vacances et je l'ai donc réservé à la BM de ma ville (quel bonheur d'avoir des bibliothèques municipales !.Je l'ai donc lu et si l'on aime les histoires de famille et leurs secrets, ce roman vous plaira. Cela commence par un héritage d'une maison entre une grand-mère et sa petite fille. Des secrets se dévoilent au fil du récit avec des rappels du passé et le constat d'un présent incertain pour le personnage principal qui est bibliothécaire dans une bibliothèque universitaire (elle en parle très peu mais elle aime "débusquer" des livres que personne n'a jamais lus...). Je ne vais pas raconter les événements jalonnant le texte. Ce roman se lit comme on boit un petit verre de rosé le soir à l'heure de l'apéro. Il se déguste à petites doses et son charme opère sans modération...

jeudi 22 juillet 2010

Biarritz envahi

Je reviens d'un séjour à Biarritz dans ma région d'origine et je n'ai pas eu le temps d'écrire dans mon blog. Je reprends donc mes activités d'écriture et j'espère écrire plus régulièrement à partir d'aujourd'hui. Malgré la horde de touristes en Côte Basque, je suis allée me baigner dans l'Océan toujours aussi impétueux, changeant, fort comme un alcool de saison, dangereux, secouant les corps, maltraitant les neurones et en même temps, libérant l'énergie en soi. J'aime les vagues mais j'aime moins la foule sur la plage se prélassant et fuyant ces vagues fôlatres et imprévisibles. Les seuls touristes ou gens du cru que je supporte sur le sable sont les solitaires avec un livre à la main et chaque fois que je passe près d'eux, je devine les titres qu'ils dévorent. Je rencontre même des livres à l'abandon, leurs propriétaires se baignant loin d'eux et personne ne les vole. Ces livres attendent sagement leur compagnon du moment et donne à la plage toute bête un air "intelligent" et "cultivé"... On lit cette année la saga des Twilight, un Catherine Cusset, les Millenium, des revues de mode, les hebdos habituels ou la saga policière des Bettencourt, etc. Je n'ai aperçu aucun classique, la plage étant incompatible avec la prise de tête... A Biarritz ou ailleurs, les livres sont en vacances et on en profite pour lire plus "facile" qu'en hiver ! Pour ma part, j'ai lu un Joyce Carol Oates très fort, "La fille tatouée", portrait d'un écrivain en mal d'inspiration et de son assistante analphabète. Huis clos palpitant entre ces deux personnages qui ne devraient rien partager mais qui apprennent à se connaître. De toutes façons, si vous êtes en manque de lecture, prenez un OATES et vous ne serez pas déçu !

mardi 13 juillet 2010

Retour de Grèce

Je reviens de Grèce et je garde en moi la nostalgie du petit coin de paradis où j'ai séjourné, c'est à dire à Itshma, près du canal de Corinthe. Je voulais contempler le Parthénon, à Athènes et je suis restée deux heures sous 35 degrés de chaleur à l'admirer sous toutes les coutures. J'avais l'impression de voir ces Grecs de l'Antiquité construire ce monument incroyable et magnifique qui domine cette ville tentaculaire et étouffante. J'ai donc fait un retour aux sources de notre belle civilisation européenne, base de la démocratie d'aujourd'hui. J'étais fascinée par tant de beauté malgré la horde de touristes qui ne pensent qu'à se photographier devant le Parthénon, souvenir à collectionner après la Tour Eiffel, une pyramide et un Disneyland, consommation obligatoire du touriste cumulard... J'ai même trouvé des angles de vue où je n'ai trouvé aucun touriste, toujours en groupe au cas où ils se perdraient. Après l'Acropole, j'ai loué une voiture et j'ai circulé dans le Péloponnèse montagneux et couvert d'oliviers, mon arbre préféré ! A Epidaure, j'ai retrouvé quelques cars mais cela n'a rien à voir avec Athènes. Et là encore une vision merveilleuse du plus grand théâtre antique de dix mille places et j'avais l'oreille qui percevait des chuchotements d'Homère, de Sophocle et d'Euripide. Dans ce décor d'oliviers, ce vertige de pierres et de gradins, j'ai grimpé avec bonheur sur la plus haute marche... L'ambiance était différente de l'Acropole. Les rares "touristes", qui partageaint avec moi cette admiration, se taisaient et semblaient écouter les poèmes et les tirades de ce temps-là... J'ai surtout découvert en Grèce la lumière tellement différente de notre pays... Le matin tôt et le soir vers huit heures, il y avait une luminosité translucide certainement diffusée par la mer Egée dans laquelle je me suis baignée tant de fois ! La Grèce est vraiment un pays magique mais je n'ai pas oublié les soucis majeurs du peuple grec car j'avais choisi un hôtel frequenté par des grecs.. J'ai vu à Athènes beaucoup de commerces fermés, des bâtiments dégradés, des tags de protestation. Le malaise social est palpable et je ne doute pas de leur courage et de leur énergie formidables. Je pourrais écrire des centaines de lignes sur mon voyage mais je préfère garder le secret car j'en ai déjà trop dit et j'y retournerai bien un jour rencontrer ces chers grecs d'hier et d'aujourd'hui !

mercredi 30 juin 2010

Voyage en Grèce

Je prépare un voyage en Grèce pour fêter mon départ à la retraite. Au moment de faire les valises, je me demande toujours : que vais-je lire pendant ce séjour ? J'ai donc acheté un guide très illustré sur Athènes et le Péloponnèse car je pense visiter Corinthe, Epidaure et Mycènes si le temps le permet et si la chaleur n'est pas trop suffocante. De toutes façons, je vais au bord de la mer Egée et espère profiter de cet espace béni des dieux grecs le mieux possible. Pour me familiariser avec la Grèce, j'ai pris dans ma valise un ouvrage de Jacqueline de Romilly, "Pourquoi la Grèce ?" et un de Nicole Loraux, "La Grèce au féminin" aux Editions Les Belles Lettres. J'ai un besoin typique et peut-être dérisoire de "bibliothécaire" de me "cultiver", de me renseigner et de me baigner dans l'atmosphère "historique", je dirais, "antique" du pays car je suis émerveillée par la culture grecque. Je vais interrompre mon blog pour une quinzaine de jours, car j'ai besoin de "souffler" et de changer de décor après la fin d'un cycle lié à la vie professionnelle. Cet été, je prendrai le temps d'écrire sur les écrivains que j'aime tout particulièrement et je leur rendrai un hommage appuyé.
Je vais mettre aussi vendredi un abécédaire-bilan de ma vie de "bibliothécaire",
à vendredi...

dimanche 27 juin 2010

Abécédaire professionnel

Je quitte la bibliothèque ce vendredi et pour marquer l'événement, je propose cet abécédaire pour relater les faits marquants de ma carrière :

A comme Animation culturelle : souvenirs intenses liés aux actions culturelles : expositions d'artistes, rencontres avec des écrivains, colloques sur la mémoire et l'art, sorties avec des scolaires (musée d'art,palais de l'Europe à Strasbourg), ateliers d'écriture, tous ces moments conviviaux et euphoriques ont rythmé ma vie de bibliothécaire... et je ne me suis jamais ennuyée !

B comme Bibliothécaire : j'étais libraire avant de devenir bibliothécaire car je suis née dans le papier : ma mère m' a raconté que j'avais avalé du papier journal à l'âge de 2 ans ! Le métier de bibliothécaire était pour moi un destin tout tracé. Je pense que j'aurais pu être un scribe femme dans l'Antiquité ; ce métier m'aurait passionnée !

C comme Constructions de bibliothèques : dans ma carrière, j'ai donc piloté trois constructions à Eybens, Tarare et La Tour du Pin, au total 2 500 mètres carrés, des milliers de livres achetés et prêtés, des milliers de lecteurs rencontrés petits et grands. Je me souviens de la phrase de Borgès "Quand je rêvais de la Terre promise, c'est une bibliothèque que je voyais".

D comme Documentation numérique : la découverte la plus surprenante de ma carrière, un clic de souris et voilà les poèmes numérisés de Nerval sur Gallica, je peux feuilleter des revues de littérature, parcourir des articles de presse, bref , un monde de mots à la portée de main et à tous moments, une révolution documentaire qui bouleverse les pratiques professionnelles. Mais n'oublions pas nos modestes compagnons de papier et j'aime ce cri de Umberto Eco : "N'espèrez pas vous débarrasser des livres !"

E comme Ecriture : j'ai beaucoup apprécié l'atelier d'écriture avec Mylène et j'ai découvert le talent extraordinaire des participants qui composaient des textes très originaux ! C'est très important d'écrire et de savoir formuler ses pensées et idées. Cet atelier organisé sur 3 années universitaires restera pour moi un excellent souvenir.

F comme Festival du Premier Roman, le comité Campus m'a permis de rencontrer des étudiantes et quelquefois des étudiants, amoureux de littérature et, hélàs, ils ne sont majoritaires au sein de l'Université !

G comme Générosité : une des valeurs pour le service public : toujours se plier en quatre pour aider les lecteurs dans ce labyrinthe intellectuel souvent incompréhensible pour les non-pratiquants de la bibliothéconomie !

H comme horaires : une des très grandes différences entre les bibliothèques municipales et les bibliothèques universitaires se trouve dans l'amplitude des horaires de 8h à 19h tous les jours sauf le samedi ! Palme d'or de l'accueil du public aux BU c'est à dire 53 h par semaine,une utopie pour la lecture publique, une réalité pour les BU !

I comme Ignorance : les métiers du livre et de l'enseignement existent et existeront toujours jusqu'à la fin des temps pour lutter contre l'ignorance, véritable plaie sociale. Rien que de voir toutes ces rangées de livres et de revues, le savoir se diffuse dans votre tête comme un délicieux parfum d'oranger ! Il faut donc tout simplement s'assoir dans une bibliothèque et vous devenez "intelligent"... enfin il faut quand même faire des efforts !

J comme Jeunesse : j'ai vu passer des milliers d'étudiants depuis sept ans et regarder tous ces jeunes étudier me remplissait de satisfaction !


K comme Kafka : l'université comme monde administratif quelque peu kafkaïen : les CEVU, CS, SUAPS, SUUMPS, SCD, CTP, CAP, ASCUS, etc. alors j'ai raison non ?


L comme littérature : ma passion avant tout, mon fil conducteur pour exercer mon métier de libraire et de bibliothécaire... Si tu ne lis pas en BM, comment faire pour conseiller les lecteurs ? La littérature a déclenché en moi cette envie de faire partager ce bonheur singulier et intense d'aimer les livres, les idées, la vie.

M comme Magasiniers : j'ai donc essayé de travailler avec des magasiniers pendant sept ans, sept ans d'encadrement quelquefois délicat avec certains d'entre eux et souvent harmonieux avec d'autres. C'était une mission d'autorité mais teintée de diplomatie que j'ai essayée d'assumer malgré quelques turbulences...

N comme Normes : ah les normes du catalogage ! En lecture publique aucun problème, les normes sont allégées. En BU, cela se complique beaucoup : les normes forment un système implacable : malheur à toi si tu prends des chemins buissonniers. La règle fait loi et tous les BAS (Bibliothécaires adjoints spécialisés) doivent la respecter ! J'avoue que ce ne fut pas une de mes tâches préférées, mais je comprends que le monde bibliothéconomique doit être rigoureux sinon quel désordre dans les catalogues !

O comme Ordinateurs, le compagnon préféré des bibliothécaires qui a remplacé les fichiers en bois et les relations simplement humaines. La messagerie a bousculé notre pratique professionnelle et cette dimension technologique a changé nos relations. .. J'avoue faire de la résistance de temps en temps et je me demande comment certains collègues pourraient revenir à l'époque où il n'existait ni ordinateur, ni web, , ni téléphone portable ! On semblait survivre sans tous ces outils tellement indispensables aujourd'hui !


P comme Plannings : chargée des plannings des bibliothécaires, j'ai organisé l'accueil du public et je remercie toutes mes collègues d'avoir joué "collectif" pendant les sept ans de plannings... Les absents étaient remplacés sans problème.Cette équipe soudée a joué avec fair-play ! Comme j'adore le rugby, j'ai retrouvé cet esprit rugby dans mon équipe de bibliothécaires ! Merci et Bravo !


Q comme Question : je crois que dans la vie professionnelle, il faut se remettre en question et trouver des ressources permanentes pour se renouveler et avancer.

R comme Récolement : une semaine intense de travaux divers, une épreuve initiatique, un rite de bibliothèque universitaire...

S comme Service Public ! ma mission principale à la bibliothèque, comment faire en sorte que les étudiants et les enseignants fréquentent la bibliothèque avec satisfaction et voire bonheur ! Une obsession, une mission prioritaire : une bibliothèque sans public sera-elle un jour le modèle à suivre ? Je préfère le lieu physique, les collections sur des rayonnages, des tables et des chaises, des fauteuils confortables. Quand j'étais responsable des bibliothèques publiques, j'accrochais souvent des photos d'écrivains, des citations, des posters d'art. La Bibliothèque comme sa seconde maison, comme sa résidence secondaire, comme son bateau ivre, comme son nid douillet ! Voilà comme je vois le Service Public : un état d'esprit et un lieu ouvert à tous.

T comme Tarare ou le poste qui reste pour moi le summum de ma carrière. A l'époque,un maire me confie la construction d'une médiathèque de 1200 mètres carrés. A mon arrivée, un désert vide de connaissances ! A mon départ, un temple de la culture ! Je suivais le chantier tous les jours et j'ai connu à Tarare l'ivresse du bâtisseur. Et à La Tour du Pin, la mairie m'a installée dans un local de la piscine municipale, j'avais un hublot et les ados plongeaint pour me faire un coucou amical !
J'ai transformé une usine qui fabriquait des chemises des soldats en 14-18 en médiathèque intercommunale.

U comme Université : Je suis fière d'avoir travaillé au sein de notre belle université de Savoie et j'avoue que son destin à venir m'intéresse et je pense assister à quelques cours de littérature en auditrice libre : vous n'allez pas vous débarrasser de moi comme ça !

V comme Vacances ! Ma dispo avant la retraite à soixante ans,c'est six mois de vacances depuis que je travaille (4 ans d'étude et 36 ans de travail) Je vais réapprendre la lenteur, la disponibilité, le repos et le loisir. Prendre soin de mes proches constituera ma mission principale !

W comme WEB

X comme je n'ai pas trouvé !

Y comme Youpi ! j'ai fini et

Z comme Zut, je vous quitte avec regrets car j'ai aimé ce travail et il faut que je laisse la place aux jeunes, qui j'espère, poursuivront cette tâche indispensable d'animer la bibliothèque de lui donner cet aura de lieu intelligent, ouvert à tous et profondément éducatif. Dans le cadre de la rigueur budgétaire des années à venir, souhaitons que les bibliothèques survivent et constituent un projet collectif du "vivre ensemble". On ne ferme pas une école, et on ne fermera pas les bibliothèques et on n'a jamais vu l'entrée du paradis refusée aux amateurs du savoir et de culture...

Au revoir et merci pour ces sept années passées avec vous tous !

samedi 26 juin 2010

Stefan Zweig

Je suis systématiquement attirée par des romans qui relatent la vie des écrivains. Ces objets romanesques ressemblent à des biographies commentées. J'ai donc emprunté à la bibliothèque un livre de Laurent Seksik :"Les derniers jours de Stefan Zweig" qui raconte l'histoire de la fin de la vie de Stefan Zweig, écrivain qui rencontre encore aujourd'hui un grand succès. Ce livre dégage avec efficacité la drôle d'ambiance qui régnait en 1942 dans la diaspora juive et dans l'intellingentsia européenne, et nous retrace le destin des écrivains ayant fui le nazisme en se réfugiant aux Etats-Unis et en Amérique du Sud comme Stefan Zweig, Jules Romains, Georges Bernanos, Roger Caillois, et tant d'autres. Cette époque des années 1930 à 1945 est autrement plus sombre et tragique que celle d'aujourd'hui que je trouve burlesque (ah, nos hommes et femmes politiques se couvrent de ridicule avec l'épisode de l'équipe de France, et avec les aventures quelque peu pitoyables de cigares payés par l'argent du contribuable). Si Stefan Zweig revenait de son paradis des écrivains, je pense qu'il trouverait notre monde plus que vulgaire et sans idéal !
Je voulais signaler ce roman documentaire sur le destin tragique de Zweig qui finit par se suicider totalemant désespéré par la guerre et la disparition d'un monde ancien, celui des années 2O de la Mitteleuropa. Entrez dans l'oeuvre délicate et raffinée de Zweig et si vous avez le temps, lisez ou redécouvrez :
"La Confusion des sentiments", 1926
"Vingt-quatre Heures de la vie d'une femme" 1929
"Le voyage dans le passé" (1929-1976)
"La Pitié dangereuse" 1939
"Brûlant Secret" 1945

jeudi 24 juin 2010

Jorge Semprun

Je lis comme chaque mois la revue "Philosophie magazine", et ce mois-ci, j'ai porté mon attention sur un article consacré à Jorge Semprun qui vient d'écrire "Une tombe auprès des nuages. Essais sur l'Europe d'hier et d'aujourd'hui." (Climats, 2010. Il regrette que l'Europe soit en panne politiquement et qu'il est temps de reconstruire une figure européenne "spirituelle". Cet article est frappant de lucidité et de pessimisme salutaire. Il y a un extrait qui m'a touchée en définissant un chez soi européen : "Lorsque je me retrouve dans une ville avec, si possible, un fleuve,quelques musées à la portée de la main, des bibliothèques et des cafés, je suis, sans le moindre doute, chez moi." Il est rare que l'on fasse l'éloge des bibliothèques mais cela ne m'étonne pas de Jorge Semprun, écrivain que j'admire et respecte pour son parcours intellectuel et littéraire. Ces romans "autobiographiques" sont absolument à lire : "Le grand voyage" et "L'écriture ou la vie". J'en reparlerai dans mon blog après avoir lu son livre sur l'Europe.

lundi 21 juin 2010

Un Noël en famille de Jennifer Johnston

Je lis beaucoup de littérature écrite par les femmes, on peut dire littérature féminine mais l'heure n'est plus au féminisme crispé et revendicatif. Certaines filles et femmes de ma génération ont lutté à Paris et en province pour conquérir des droits qui sont maintenant inscrits dans la loi ! A cette époque, on ne lisait que des livres écrits par des femmes : Marie Cardinal, Benoîte Groult, Hélène Cixous, Annie Leclerc, des écrivaines éditées aux Editions des Femmes, et les grandes américaines comme Kate Millet par exemple. Après, vient le temps de la rencontre avec des voix singulières, l'une d'entre elles est Jennifer Johnston. J'ai lu tous ces romans (elle est irlandaise) et sa petite musique résonne toujours autant.
Je reprends des éléments du résumé de la couverture du livre : "Ce livre est un roman aussi poignant que délicat sur les liens familiaux, l'amour et le temps qui passe. Lorsque, après un terrible accident de voiture, Henry, la cinquantaine, se réveille sur son lit d'hôpital, il ne peut se rappeler ce qui l'a conduit là. Très mal en point, il a du mal à situer ceux qui défilent à son chevet : est-il encore marié à cette femme très autoritaire ? N'était-il pas fâché avec sa fille ? Son fils lui cacherait-il quelque chose ? Son frère serait-il revenu du Canada ? Que devient sa mère, artiste excentrique et déboussolée ? Et qui est Jeremy, ce très bel homme qui le veille nuit et jour ? Au fur et à mesure que son corps se répare, ses souvenirs reviennent, et avec eux ces sentiments d'inadéquation, d'insécurité, d'urgence, qui ont fait tant de tort aux siens.Il faudra encore un peu de temps, un événement dramatique et la magie d'un soir de Noël pour que Henry parvienne enfin à renouer les liens distendus avec sa famille..."
Cet écrivain subtil et si féminin n'est pas connu du grand public... Alors, pendant les vacances, découvrez-là : vous ne serez pas déçus !

samedi 19 juin 2010

Saramago, prix Nobel de littérature

Chaque fois qu'un écrivain disparaît, je suis triste de perdre un membre éminent de la société humaine qui pense et écrit. Comme j'aime le Portugal et en particulier Lisbonne, la littérature portugaise m'intéresse beaucoup et évidemment, j'ai lu Lidia Jorge, une grande dame des lettres portugaises sans oublier l'immense et admirable Pessoa. Je me souviens surtout de Saramago à travers un roman très attachant "La caverne" qui décrit le désarroi d'un modeste potier qui ne vend plus rien et qui symbolise la fin de l'artisanat et le début d'un monde complétement automatisé dans la fabrication des objets. Ce livre m'avait touchée par son humanité, la description d'un monde moderne impitoyable pour les sans-grades.Saramago, issu d'une famille modeste du sud du Portugal, a abandonné lui-même ses études pour entrer dans une école professionnelle dont il sortira avec un diplôme de serrurier ! Cela ne l'a pas empêché d'obtenir en 1998 le prix Nobel de littérature.
Je voulais rendre un hommage à ce sage de la littérature et en ces temps troubles de l'actualité(cynisme et corruption du monde footballistique, attaque de nos acquis sociaux et météo chagrineuse). Et je lirai cet été le dernier roman de José Saramago...

vendredi 18 juin 2010

La tête en friches

J'ai vu le film de Jean Becker, "La tête en friches" et bien que je ne mentionne pas les films que j'aime (je vais le faire aussi, maintenant), je me dois de raconter cette histoire simple, délicate et émouvante. Germain,(tiens, tiens !) 45 ans, quasi analphabète, vit sa vie tranquille entre ses potes de bistrot, sa copine Annette, son jardin potager et sa mère complètement folle avec laquelle les rapports sont très conflictuels. Né de père inconnu, et considéré comme un idiot à l'école primaire, il n'a jamais lu et sait à peine écrire, il est resté " en friche ".
Un jour, au parc, il fait la connaissance de Margueritte, une très vieille dame. Elle vit seule, à présent, en maison de retraite. Entre Germain et Margueritte va se nouer une vraie complicité tendre et filiale...
Ce film fait enfin l'apologie (une défense authentique et passéiste diraient certains blasés) de la lecture, un hommage appuyé à la libération que provoque la lecture de livres ! Défilent Albert Camus et "sa peste", Romain Gary et "sa Promesse de l'aube", Jules Supervielle et "son enfant de la haute mer". Ce film est un bol d'air que certains trouveront trop primaire, lourdingue (comme Depardieu, ah la dictature des maigres !))sans falbalas hyperbranchés style Avatar. Ces spectateurs-là ne doivent surtout pas aller le voir. Ce film est réservé aux gens "pas à la mode", aux débranchés de l'hypermodernité individualiste et friquée, aux adultes en mal d'enfance, aux généreux qui s'occupent de leur "vieux" et qui sont moqués par ceux qui ne pensent qu'à leur propre confort personnel... C'est la culture qui fait réfléchir, c'est l'amour des mots et des idées qui rend heureux ! Le film finit bien : quelle erreur pour les amateurs du malheur ! Le bonheur n'est pas à la mode aujourd'hui et je me souviens d'une phrase de Camus qui disait "il n'y a pas de honte à préférer le bonheur". Ce film est un vrai petit bonheur !

mardi 15 juin 2010

François Maspéro, un honnête homme

Je feuillette de temps en temps ma collection de la revue Le Magazine littéraire et hier, j'ai lu un interview de François Maspéro, dans une revue consacrée à Stefan Zweig (je reviendrai sur cet écrivain singulier). Maspéro, les éditions Maspéro que j'ai beaucoup vendues quand j'étais libraire dans les années 76-81 (les lecteurs acheteurs venaient même d'Espagne !!!). Et quand François Maspéro a quitté son métier d'éditeur, il a commencé à devenir écrivain et traducteur.
Je vous livre l'article de Wikipédia que j'ai résumé :
"L'adolescence de François Maspero est marquée par l'engagement de sa famille dans la Résistance. Son père, Henri Maspero, sinologue et professeur au Collège de France, est arrêté en 1944 et meurt au camp de concentration de Buchenwald. Son frère est tué au combat en 1944. Sa mère, auteur d'études sur la Révolution française, est déportée. Il crée, en 1959, en pleine guerre d'Algérie, les Éditions Maspero, engagées à gauche. Maspero se consacre à l'édition jusqu'au début des années 1980. À cinquante ans, il quitte ses éditions qui prennent le nom de La Découverte.À partir de 1984, François Maspero se consacre à l'écriture et publie Le Sourire du chat, roman autobiographique. Le suivant, Le Figuier, couvre la période 1960-1967, évoquant l'ambiance de la guerre d'Algérie et l'engagement dans les mouvements de libération d'Amérique latine. En 1989, il fait avec la photographe Anaïk Frantz un « voyage au long cours » sur la ligne B du RER parisien, Les Passagers du Roissy-Express. En 1995, Balkans-transit, en compagnie du photographe Klavdij Sluban, résume cinq ans de voyages entre la Mer Adriatique et la Mer Noire.
Dans le même temps, il traduit plusieurs auteurs en langue française, notamment John Reed, Alvaro Mutis, Jesus Diaz, Joseph Conrad ou Arturo Pérez-Reverte."
François Maspéro fait partie de ma galaxie d'écrivains que je suis à la "trace". Cet écrivain-traducteur très discret n'ennuie jamais son lecteur, bien au contraire, on aurait envie de le rencontrer dans la vie, partager un bon repas et parler des heures entières avec lui. Cette relation ressemble à une amitié ininterrompue depuis 1980. Je conseille à ceux qui ne l'ont pas lu les deux derniers ouvrages :
* L'Ombre d'une photographe, Gerda Taro, 2006.
* Des saisons au bord de la mer, roman, Seuil, 2009.

vendredi 11 juin 2010

Le dernier Boyd

je lis en ce moment le dernier roman de William Boyd : "Orages ordinaires" et comme on dit dans mon pays d'origine "je me régale" ! C'est un sacré conteur, William Boyd et pour ceux qui ne l'ont pas encore lu, précipitez vous dans une librairie ou une bibliothèque et lisez même les titres anciens comme "à livre ouvert" et "La vie aux aguets". Cet écrivain anglais très célèbre dans le milieu littéraire a pris un pari risqué : il n'ennuie jamais ses lecteurs et les balade dans des aventures incroyables et crédibles, à la limite du roman policier, du roman de satire sociale et du romanesque pur. Et la qualité de son écriture (traduite) épouse à merveille les péripéties des personnages. Il n'y a aucune facilité pour plaire, ni aucune vulgarité dans les pages du roman qui allie l'humour au pathétique. Dès les premières pages, on s'attache à ce personnage, Adam Kindred, à la recherche d'un poste universitaire et qui se laisse embarquer à ses dépens dans une histoire de secret pharmaceutique. Il devient SDF pour échapper à la traque et son Londres déglingué, mondialisé, ressemble à du Dickens ! Je ne dirai pas la fin, n'ayant pas terminé mais retenez bien ce titre pour vos vacances d'été : vous ne serez pas déçu !

jeudi 10 juin 2010

Nerval, classique éternel

J'ai une tendresse particulière pour Nerval, Gérard de Nerval, poète romantique sans aucune mièvrerie (je n'aime pas du tout la grandiloquence de Lamartine, de Victor Hugo par exemple...)
C'est dommage que Nerval ne soit plus étudié au lycée, ni même à l'université où je travaille. Pour l'aborder, il faut surtout lire, "les Chimères", poésie assez hermétique mais compréhensible et il faut se plonger dans son recueil merveilleux "Les Filles du feu". Ce recueil, paru en 1854,se compose de huit nouvelles : Angélique, Sylvie, Chansons et légendes du Valois, Jemmy, Octavie, Isis, Corilla, Emilie, et d'un ensemble de douze sonnets placés à la fin du recueil : Les Chimères.
Sylvie est la nouvelle qui m'a marquée quand j'étais en licence de lettres en 1973 (j'avais même obtenu une très bonne note!!!), car elle a déposé dans ma mémoire une trace d'un souvenir charmant et délicat préfigurant l'ambiance du Grand Meaulnes. Nerval recherche le bonheur du passé, les souvenirs de l'enfance, les amours perdus, la magie du rêve face à la dure réalité et quelle langue française ! Et le portrait de ces femmes volontaires, farouches, fuyantes, loin des clichés féminins m'avait frappée par un anticonformisme salutaire. Sa vie tragique et son basculement dans la folie en font un personnage littéraire complètement romanesque. Quand il se suicidera, il notera sur un billet "La nuit sera blanche et noire", derniers mots mystérieux de ce grand poète français.
J'ai mis dans mon programme de relectures, pour ma retraite qui s'annonce, en première place ce recueil de Nerval : la lecture de ma jeunesse va-t-elle coïncider avec celle d'aujourd'hui ? Je crois qu'il faut relire les classiques, 40 ans après les avoir lus et je suis sûre que l'effet sur soi doit être très différent. Et si je contemple toutes les oeuvres classiques à re-découvrir, j'en éprouve un vertige délicieux !

mardi 8 juin 2010

Antigone

Mon fils m'a raconté hier au soir sa découverte au collège de la mythologie grecque et latine... Son professeur de français, latiniste et helléniste, leur a donné à lire Antigone, pièce de théâtre de Jean Anouilh. Cette pièce au programme de 3ème me semble une très bonne initiative et j'ai des souvenirs très précis quand j'avais abordé au lycée ce personnage magnifique de la mythologie grecque (la première femme qui se révolte, qui ose défier l'autorité temporelle, qui préfère la mort que l'obéissance). J'avais même fait un exposé devant ma classe et obtenu une très bonne note (18 !)... Donc, je suis heureuse de voir que cet héritage classique perdure dans l'enseignement du français. Mon fils qui, hélàs, n'est pas un passionné de lectures a trouvé le cours passionnant et nous a raconté le mythe d'Oedipe comme une saison de Lost ! Quel réconfort et quel miracle ! Heureusement que les professeurs de français persévèrent pour inculquer à nos chers ados ces notions de culture et de civilisation antique tellement enrichissantes pour l'imaginaire ! Bravo à la prof de français de mon fils !!!!

lundi 7 juin 2010

La ferme des Neshov, tome 2

J'avais parlé d'un roman traduit du norvégien, "La terre des mensonges", saga familiale de Ann B. Ragde. C'était l'histoire de trois frères que tout sépare et se retrouvent dans la ferme familiale à la mort de leur mère. Dans le tome 2, j'ai retrouvé avec plaisir les membres de cette famille où un secret était enfin dévoilé à la fin du tome 1. Tous sont confrontés à un moment de leur vie où ils doivent faire un choix important. Tor, l'aîné, doit se décider : poursuivre son élevage de porcs ou laisser sa fille reprendre la ferme et quitter alors sa vie d'assistante vétérinaire à Oslo. Que va devenir la ferme des Neshov ? Arriveront-ils à surmonter leur différence pour recréer des liens familiaux mis à rude épreuve depuis si longtemps ? Chagrin et douleur se mêlent à l'humour, la chaleur et l'amour. Cette saga apporte aux lecteurs un air de là-haut, la Scandinavie, frais et très moderne dans le portrait de ces frères si différents et très maladroits dans leur façon de former une "famille"...
Je me disais que cette saga doit se poursuivre et être adaptée à l'écran : cela ferait une saison norvégienne captivante !

Citation pour démarrer la semaine

De Georges-Arthur Goldschmidt : "Il y a des livres qui tiennent au creux de la main et rien n'est plus étonnant que l'incongruité de ces objets si totalement sans rapport avec leur contenu, ça ne paye pas de mine et ça peut renverser des mondes."

vendredi 4 juin 2010

Les mains rouges

J'ai lu le dernier roman de Jens Christian Grondahl, écrivain danois qui a déjà publié cinq romans lus eux aussi en leur temps : "Silence en octobre", "Bruits du coeur", "Virginia", "Sous un autre jour", "Piazza Bucarest". Il existe dans mes choix de lecture le suivi des romans d'une bonne cinquantaine d'écrivains que j'aime tout particulièrement. Je pourrais les baptiser de : "mon écurie littéraire" et Grondahl ne m'a jamais déçue ! Son dernier livre raconte le destin d'une jeune femme, qui en 1977, croise le destin d'un étudiant. Cette femme va le solliciter pour un hébergement provisoire et va lui confier une clé de consigne. On apprendra qu'elle est liée à un couple de terroristes sans trop s'en rendre compte et elle disparaît subitement sans laisser de traces. Or, un jour, notre étudiant la retrouve et je n'en dis pas plus ! Cet écrivain traduit à merveille les errements de la personnalité, les passés lourds à porter et les difficultés à renaître malgré des erreurs dits de jeunesse. Ce roman mêle la petite histoire à la grande, surtout dans les années 70 et 80. J'attends son roman suivant qui sera lui aussi une grande réussite !

jeudi 3 juin 2010

Jean-Baptiste Del Amo

En 2009, j'ai reçu à la bibliothèque (où je travaille encore pour un mois !) un écrivain "naissant" : j'emploie cet adjectif pour qualifier un jeune auteur qui participait au Festival du Premier Roman de Chambéry. Il se nomme Jean-Baptiste Del Amo et je peux vous dire que j'ai rarement rencontré un jeune homme de cette envergure dans les six années où j'ai animé et suivi les rencontres avec les auteurs sélectionnés par les groupes de lecture de Chambéry (Lycéens, étudiants, adultes). J'avais donc lu son premier roman "Une éducation libertine" aux éditions Gallimard avec un plaisir énorme et j'étais "bluffée" par son style, le "déroulé" du roman avec un personnage décalé et maudit qui se prostitue dans le Paris du XVIIIème siècle. Les odeurs de ce Paris fantastique devenaient un fil conducteur ainsi que les pérégrinations du personnage central voulant à tout prix devenir "noble", lui, le roturier et misérable de naissance. Ce roman est sorti en poche en folio (c'est rare d'éditer des premiers romans en poche !). J'attendais son deuxième roman et j'ai remarqué une nouvelle de lui "Le sel", publié dans l'excellente revue française (NRF) du mois d'avril 2010. Ce n'était pas une nouvelle mais un extrait de son deuxième roman qui sortira en septembre et j'ai dévoré ces 20 premières pages ! Décidément, ce jeune homme a un talent fou et j'espère qu'il comptera dans le panorama actuel de la littérature française !!!!

mardi 1 juin 2010

Eloge de la lenteur

Dans ma bibliothèque privée, je conserve des livres lus il y a un certain temps et que je réserve pour ma "retraite" afin de les relire. J'ai anticipé cet acte en relisant l'ouvrage de Pierre Sansot : "Du bon usage de la lenteur" aux éditions Payot, paru en 1998. Ce petit ouvrage de charme n'a pas pris une seule ride et devrait figurer au programme des "politiques" qui veulent nous empêcher de vivre à notre rythme. Que révèle ce cher Pierre Sansot ? "La lenteur, c'était à mes yeux, la tendresse, le respect, la grâce... Pour ma part, je me suis promis de vivre lentement, religieusement, attentivement, toucher les saisons et les âges de mon existence." Quand on consulte la table des matières, on trouve les intitulés suivants : flâner, écouter, un ennui de qualité, rêver, attendre, la province intérieure, écrire, etc. J'adore un chapitre où il aborde la culture de ceux qui veulent "tuer" le temps le plus vite possible : amateurs infatigables du sport, des activités multiples et délirantes de notre société de consommation. Ce livre plein de sagesse, d'ironie et de sérénité me semble contenir un programme tout à fait porté sur le bonheur d'être au monde en toute simplicité. On est loin de l'ambiance sociétale d'aujourd'hui : bouger, s'activer, travailler comme un fou, être le meilleur pour écraser les autres, toujours partir, sinon mourir ! Pierre Sansot a toujours attiré ma sympathie et je dirais ma tendresse. Sociologue et philosophe, il est mort en 2005 à Grenoble. Sur Wikipédia, je lis sa notice biographique : "Son œuvre a la particularité de s'attacher au repérage des petites choses du quotidien qui donnent du sens à la vie des gens ordinaires. Dans Les gens de peu, il décrit les moments de sociabilité que les couches populaires mettent en oeuvre pour enrichir un quotidien trivial et aliéné. D'autres ouvrages prolongent la même démarche en recherchant le jouissif à travers des thèmes aussi variés que la beauté du paysage et la pratique de la conversation, du rugby, de la promenade, de la lenteur, etc. Donc à lire et que toute bibliothèque devrait proposer aux lecteurs :
Le Rugby est une fête, Plon, 1991;
Les Gens de peu, PUF, 1992.
Papiers rêvés, papiers enfuis, Fata Morgana, 1993
Jardins publics, Payot, 1994. Rééd. 1995
Les Pilleurs d'ombres, Payot, 1994 . Rééd. Corps 16, 1995
Les Vieux ça ne devrait jamais devenir vieux, Payot, 1995 et 2001
Les Pierres songent à nous, Fata Morgana, 1995
Demander la Lune, Fata Morgana, 1995
Du bon usage de la lenteur, Payot, 1998. Rééd. Corps 16, 1999 et Rivages, 2000
Chemins au vent. L'art de voyager, Payot, 2000. Rivages, 2002
J’ai renoncé à vous séduire, Desclée De Brouwer, 2002
Bains d'enfance, Payot, 2003
Le Goût de la conversation, De Brouwer, 2003
La beauté m'insupporte, Payot, 2004
Ce qu'il reste, Payot, 2006 [ouvrage posthume]
Roman
Il faudra traverser la vie, Grasset, 1999

dimanche 30 mai 2010

La Bataille de Roncevaux

J'ai fini de lire ce week-end le roman d'Eugène Green : "La bataille de Roncevaux" aux éditions Gallimard.
Je reprends le résumé du livre proposé par l'éditeur et qui est très bien écrit !
"Gotzon Peyrat, orphelin élevé par sa grand-mère dans une ferme près de Donibane Garazi, que la République française appelle Saint-Jean-Pied-de-Port, vit dans le présent intemporel de la langue basque.
Le roman raconte l'enfance et la jeunesse de Gotzon, sa scolarité dans les écoles républicaines, sa découverte du trésor de l'amitié, ses premiers émerveillements amoureux... Peu à peu il comprend à quel point la langue basque donne son sens à l'univers qui l'entoure. Mais il voit tous ses proches disparaître, comme sa langue et son pays, ce qui fait croître en lui une grande colère. Ayant organisé une réplique héroï-comique de la bataille de Roncevaux, Gotzon va se trouver accusé d'un crime grave..."

Si j'ai lu ce livre avec un très grand plaisir et un intérêt profond, c'est parce que je suis aussi originaire du Pays Basque mais je n'ai pas la maîtrise de la langue basque à mon grand regret. Mes parents sont d'origine espagnole aragonaise du côté paternel et d'origine béarnaise du côté maternel avec une arrière grand-mère qui s'appelait "Cheverry" (je crois qu'en basque, etcheverry est un mot courant qui veut dire maison). Le Pays Basque est un territoire linguistique très particulier et unique au monde et ce roman, écrit par un "non-basque" est une ode magnifique à la langue basque toujours aussi mystérieuse (on la dit "préhistorique"). J'ai toujours compris l'esprit de résistance des Basques pour une reconnaissance de leur langue et de leur culture : combat juste et nécessaire. Si tout le monde parlait anglais, ce serait banal et triste. Le Basque en tant que langue devrait être inscrit au patrimoine de l'Humanité et ,même si je ne le parle pas (il faut naître dedans), j'adore lire tous les panneaux écrits en basque et en français quand je vais très souvent dans mon pays "natal". Et j'avoue que je suis de temps en temps agacée par les milliers de touristes qui passent en coup de vent ou se prélassent sur les plages sans pénétrer le vrai Pays Basque, authentique et fort, avec leur coeur et leur curiosité !
Lisez donc ce roman pour aimer et connaître le Pays Basque !