jeudi 18 novembre 2010

Michel Del Castillo

J'ai une tendresse particulière pour Michel Del Castillo. L'ensemble de son oeuvre littéraire tourne autour d'une obsession liée à la Guerre d'Espagne, les liens familiaux détruits, la perte, le deuil, l'enfance meurtrie, l'abandon.Comme je possède des racines "espagnoles", les romans "autobiographiques" de cet écrivain résonnent en moi et me touchent particulièrement. Son dernier opus raconte l'histoire d'un grand pianiste célèbre qui reste à tout jamais marqué par la personnalité trouble et troublante de sa Mamita (le titre du roman). On ne se remet pas facilement d'une enfance solitaire et singulière. Le personnage principal se débat sans répit au sujet de cette mère "rouge" et "noire" : quel rôle a-elle joué en 36 à Madrid, pourquoi a-elle pu fuir en France, pourquoi a-elle abandonné son fils de huit ans en pleine guerre ? Le portrait de cette mère fuyante et superficielle tient lieu de fil conducteur. Michel Del Castillo possède cette musique intimiste et délicate qui m'a toujours "charmée". Le mal-être du personnage finira par se diluer et il trouvera enfin une certaine sérénité grâce à l'amitié et au piano. La musique tient une grande place dans le livre et dès qu'un écrivain aborde la guérison par la passion de l'art musical, je suis définitivement conquise.

Mon prix Goncourt

Si vous suivez l'actualité littéraire, vous avez remarqué que le Prix Goncourt a couronné un écrivain audacieux, polémiste et misanthrope. Je l'aime bien, Michel Houellebecq avec sa maladresse verbale, ses tics et manies de vieux célibataire exilé en Irlande. Son roman "La carte et le territoire" se lit avec plaisir et met en scène sa propre mort sous forme de meurtre. Ce roman avait déjà du succès et c'est vraiment dommage que ce prix lui soit attribué. Si j'avais fait partie du jury, j'aurais défendu avec passion le livre de Claude Arnaud, "Qu'as-tu fait de tes frères" aux Editions Grasset. Ce choix aurait vraiment montré la liberté des membres de l'Académie pour qui le jeu était déjà plié. Il leur fallait Houellebecq à leur palmarès pour la postérité.
Je vous livre le résumé abrégé du livre de Claude Arnaud
"Au milieu des années soixante, entre Boulogne et Paris, un enfant s'ennuie.
Il est curieux, versatile, vibrant, timide. Il passe ses journées à lire et ses nuits à scruter les étoiles, sous le regard ironique de Pierre et Philippe, ses brillants aînés. Mai 68 : Paris se soulève, le garçon de douze ans rejoint la Sorbonne et l'Odéon. Il abandonne son prénom pour devenir Arnulf l'insaisissable, découvre les paradis artificiels et l'amour avec les deux sexes, se change en agent révolutionnaire puis en oiseau de nuit...
L'euphorie collective se mue en tragédie intime, la décennie de poudre tourne aux années de plomb. " Notre seul devoir est de faire tout ce qu'on nous a interdit de faire " : le cadet se demande pourquoi il a réchappé à ce programme, que ses aînés ont suivi jusqu'au drame.
Ample, ambitieux, ce roman ressuscite la vitalité presque suicidaire d'une génération nourrie de pop-rock et de drogues, d'amour libre, d'excès revendiqués et d'utopies. Qu'as-tu fait de tes frères ? est la confession d'un enfant d'une époque qui continue de hanter notre imaginaire"
Ce roman "générationnel" très bien écrit et d'une puissance romanesque indéniable offre un condensé de toutes les errances de la génération de 68. Et j'ai même retrouvé des souvenirs personnels quand j'ai suivi quelques cours du séminaire d'Hélène Cixous où nous étions envoûtés par son langage, ses idées et sa façon de nous décrypter la force de la littérature.
Je décerne à Claude Arnaud l'ensemble des prix littéraires : le Goncourt, le Médicis, le Fémina, le Renaudot et les autres...