lundi 28 octobre 2019

"Propriété privée"

Julia Deck publie son quatrième roman, "Propriété privée", dans cette rentrée littéraire, édité chez Minuit. La narratrice raconte son déménagement dans une banlieue cossue. Le couple a décidé de fuir Paris pour vivre dans un quartier écologique, "un écoquartier pour bobos",  où un ancien entrepôt s'est transformé en lotissement de luxe : "Il était temps de devenir propriétaires. Soucieux de notre empreinte environnementale, nous voulions une construction peu énergivore, bâtie en beaux matériaux durables". La gare RER leur permet d'atteindre Paris en peu de temps. Une maison avec un jardin, un rêve de bonheur pour ces Parisiens fatigués. Ils peuvent se permettre cette vie car elle est urbaniste en free lance et son mari, professeur d'université,  ne travaille pas pour des raisons de santé car il souffre d'une dépression. Leur nouvelle cohabitation se déroule normalement à leur arrivée, peu à peu les ennuis commencent à poindre avec le voisinage. L'anonymat des grandes villes a disparu dans ce quartier convivial et solidaire. Un chat rouquin commence à prendre ses aises dans leur propre jardin, ce qui agace le couple. Une voisine sans-gêne frappe chez eux à tous moments pour leur demander des services. Ce manque d'éducation les contrarie un peu. Les travaux du lotissement ne sont pas terminés et provoquent un bruit constant. Ce nouvel Eden ressemble déjà à un petit enfer. Leurs voisins, jeunes couples bourgeois, font la fête autour de barbecues arrosés, la sono hurlante. Le lendemain matin, il faut supporter les bruits de perceuses et de tondeuses sans compter sur les cloisons de ces maisons qui laissent filtrer les secrets gênants des voisins. La narratrice accepte de participer à contre-coeur à un vide-grenier où "les propriétaires monopolisent le trottoir avec une jovialité indécente, comme s'il n'existait pas de plus grand bonheur sur terre que de se soûler tout un dimanche à exhiber ses rebuts". Le roman satirique se termine en thriller : le chat rouquin est retrouvé avec le ventre ouvert, une voisine disparaît avec son fils, des relations adultères se nouent. La narratrice, lasse de tous ses déboires, met la maison en vente et retourne à Paris. Une fin logique pour ces bobos parisiens qui finissent pas se séparer : la déflagration n'a pas seulement touché cet écoquartier, elle a pulvérisé le couple. Julia Deck s'amuse beaucoup en décrivant ces urbains branchés, écologistes naïfs, qui exécutent une comédie sociale où le sempiternel "vivre ensemble" s'avère une utopie trompeuse. Un roman ironique sur le rêve de la maison individuelle, nid douillet mais parfois, nid épineux…