mardi 5 septembre 2023

Le Tsundoku

Dans mes pratiques de lecture, j'ai appris un nouveau mot, issu de la culture japonaise, le Tsundoku. Que veut donc dire cette expression ? Un nouveau jeu de mots ou de chiffres ? Non, c'est une manie d'accumuler des livres chez soi... sans les lire ! Quand on arrive à un certaine étape de la vie, il faut mettre un peu d'ordre dans sa bibliothèque : donner, jeter, vendre, recycler. Un geste écologique pour désencombrer le monde. J'ai fait un petit tour à Emmaüs récemment et quand j'ai vu cet amoncellement d'objets obsolètes partout dans tous les coins de l'espace, j'ai pensé à un tsunami de matières plastiques, de métal, de bois me submergeant en une fraction de seconde. Il serait temps de "déconsommer" pour faire le vide. Ce geste de modération peut aussi s'appliquer à nos chers bouquins. Donc, j'ai consacré quelques moments à l'amaigrissement de mes bibliothèques en me posant la question : vais-je le relire, le feuilleter à nouveau, le conserver ? J'observe mes bibliothèque et je me rends compte que j'ai accumulé des ouvrages sans les avoir tous lus. Suis-je une bibliomane ? La réponse me semble positive. Ce défaut se révèle bien pardonnable pour une ancienne libraire et bibliothécaire... Je pose mon regard sur mes murs "enlivrés" et je vois un paysage de couleurs et de formes, presque de sons et d'odeurs. J'ai toujours aimé la présence des livres dans les maisons et je me méfierai presque des espaces de vie sans ces objets de papier si intelligents. En rangeant cet été mes étagères, j'ai sorti tous les livres non lus pour les mettre à part afin que je commence enfin à les découvrir ou pas. Pourquoi ai-je gardé ce roman sans l'avoir ouvert ? Cet essai ? Ce catalogue d'art ? Le Tsundoku s'appelle aussi la manie des piles de livres sur sa table de chevet. Une attente de lecture. Des promesses de lecture. Des désirs de lecture. Dans un ouvrage d'Umberto Eco, "N'espérez pas vous débarrasser des livres !", le philosophe italien propose une vision originale de cette accumulation d'ouvrages délaissés. Il considère cette accumulation comme une provision de lectures à venir, des compagnons "accompagnateurs" que l'on apprivoise petit à petit : "Un jour ou l'autre, nous finissons par prendre ces livres en main et vous réalisez que nous les connaissons déjà". J'avais une pile à lire et après mon rangement, ma pile a doublé de volume. Des "heures heureuses" dédiées à la lecture comme le dirait Pascal Quignard (titre de son dernier livre).