dimanche 5 mai 2019

"La solitude Caravage"

Yannick Haenel raconte son Caravage : "Vers 15 ans, j'ai rencontré l'objet de mon désir. C'était dans un livre consacré à la peinture italienne : une femme, vêtue d'un corsage blanc se dressait sur un fond noir". Il découvre le nom du peintre : le Caravage (1571-1610). Cette captation fulgurante, dévorante lui fait comprendre le rôle de l'art : "Trouver dans sa vie comment saluer la beauté n'est-ce pas de cela que qu'il s'agit dans toute initiation ? Je faisais mes débuts, j'attendais la magie." La première héroïne du narrateur s'appelle Judith. Yannick Haenel renouvelle avec talent le genre biographique. Il mêle des éléments intenses de la vie du Caravage à l'analyse pointue, savante des tableaux qui, pour l'écrivain, révèlent cette personnalité tourmentée. A Rome, Yannick Haenel visite le Palais Barberini où se trouve la toile de ses quinze ans. Il constate avec stupéfaction quinze après que son héroïne n'est pas seule. Elle est accompagnée d'une servante et tient une épée avec laquelle elle a tranché la tête d'Holopherne, le général assyrien, afin de libérer sa ville assiégé. Cette toile inspire cette réflexion : "Le monde peint a partie lié au royaume et qu'en un sens, il est lui-même le royaume". Yannick Haenel, pensionnaire en 2008, de la Villa Médicis, visite la célèbre église Saint-Louis-des-Français où l'on peut admirer deux immenses tableaux du Caravage : "Les corps du Caravage possèdent un éclat sauvage qui les jette dans une existence plus tendue, plus crue, plus belle, aussi que toutes celles que nous partageons". Il explique que sa fascination pour le peindre lui procure une expérience poétique, semblable à un sentiment mystique : "Voilà mon coup de foudre pour le Caravage me confirmait à quel point la vraie vie consistait à s'ouvrir à une parole qui vous nourrit, à lui offrir votre corps, à vous laisser traverser par cette expérience, et à écrire". Dans la petite soixantaine de tableaux éparpillés dans le monde, le biographe résume les sujets ainsi : "Des sacrifices, des extases, des heures saintes et des mises à mort, toute l'histoire de la solitude, toute l'histoire de la vérité, et leurs torsions dans le noir". Les éléments biographiques ne sont traités qu'en pointillé et l'écrivain est frappé par l'extrême solitude du peintre : "S'il y a quelqu'un sur cette terre qui a connu la dernière des solitudes, c'est bien le Caravage". Quand j'ai rencontré le Caravage à Rome, à Naples, à Vienne, ce génie de la peinture procure une expérience inhabituelle, exceptionnelle. Chaque fois, le choc esthétique, le choc émotif. Il est mort jeune à 39 ans, il vivait dans l'art, il ne pensait qu'à la peinture même s'il s'agitait dans une discorde permanente jusqu'à la mort. Cet ouvrage magnifique m'a subjuguée et la rencontre Yannick Haenel et le Caravage ne peut que séduire les amoureux(ses) de l'Italie, de la peinture et de l'art.