jeudi 28 août 2014

"Une enfance de rêve"

J'ai suivi le conseil d'un critique du Monde qui signalait ce livre comme un chef d'œuvre. Il est écrit par l'historienne de l'art contemporain, Catherine Millet (directrice de la revue Art Press), connue par un public élargi grâce à sa sulfureuse et scandaleuse autobiographie, "La vie sexuelle de Catherine M." paru en 2001. Je ne suis pas toujours passionnée par les récits qui relatent avec des détails superflus les premiers émois de l'enfance, les découvertes, les apprentissages, etc. Je trouve ces textes souvent naïfs et idéalisés. Catherine Millet compose un objet littéraire original et inattendu, loin des clichés de cet âge premier. Il faut dire que son enfance ne se passe pas comme dans une image d'Epinal. Ses parents ne s'entendent vraiment pas. Ils vivent à cinq (grand-mère comprise) dans un appartement exigu en banlieue parisienne, à Bois-Colombes. Cette promiscuité génère des tensions entre eux et la petite fille observe ses parents désaccordés qui en viennent aux mains. Les anecdotes familiales défilent mais ne forment pas la "matrice" du récit. J'ai surtout apprécié la distance qu'elle instaure avec ce passé recomposé, le regard qu'elle porte sur ce début de vie, si difficile, si peu rassurant en fait. Elle décrit ainsi les premières fois de toute existence : premier jour d'école, première marelle, première prière, première lecture, première sensation physique, etc. Le lecteur(trice) se retrouve souvent dans ses confidences et ses souvenirs d'enfant. Son enfance se déroule dans les années 50 et cette époque est racontée dans des détails du quotidien comme les vêtements, la façon de vivre, les loisirs, etc. Je cite ce passage de Catherine Millet : "J'ai tenu le rôle de l'enfant d'un couple désuni. En conséquence de quoi, j'avais, j'avais eu une enfance malheureuse. C'était ma marque de fabrique." Plus loin, elle explique cette attitude bravache : "Si les enfants des couples ratés grandissent plus vite que les autres, c'est bien sûr qu'ils ont accès au versant noir de la réalité conjugale, c'est surtout qu'ils sont propulsés de plain-pied dans la vie des adultes, dont ils deviennent en quelque sorte les égaux." J'ai aussi et surtout remarqué l'hommage qu'elle rend aux livres et l'amour qu'elle voue à la littérature... Un des meilleurs livres de cette année 2014.