vendredi 27 mars 2015

Atelier de lectures, 2

J'avais choisi en deuxième partie de l'atelier, un écrivain masculin car j'aime bien respecter la parité homme-femme... Après Stefan Zweig en janvier, Annie Ernaux en février, j'ai proposé Vassilis Alexakis, un gréco-français ou franco-grec. Cet écrivain correspondait à mon désir de relier l'actualité à la littérature. On entend sans cesse le mot Grèce, non pas pour le "miracle grec" pendant l'Antiquité, mais pour le "désastre grec" avec sa crise économique, les nombreuses faillites, les baisses de salaire, etc. Alexakis symbolise à lui tout seul une culture à deux têtes, lançant un pont entre la Grèce et la France, une culture métissée, une petite Europe à lui seul. Les lectrices ayant lu quelques-uns de ses ouvrages l'ont dans l'ensemble apprécié sans montrer un grand enthousiasme, ce qui est un peu dommage. Une amie-lectrice a même avoué qu'elle n'avait pas rencontré dans ces livres, de l'émotion, de l'empathie. Rien de grave dans cette déception. Entrer dans une œuvre, c'est pénétrer dans un pays étranger, un monde inconnu parfois, avec des références inaudibles, des images incompréhensibles, des traditions déconcertantes et des parcours singuliers. Il faut faire le vide dans sa tête et entrer de plain pied dans une planète différente de son monde personnel. Vassilis Alexakis appartient à cette catégorie d'écrivains singuliers avec des obsessions tenaces et récurrentes. Je vais en énumérer quelques-unes : il parle souvent de lui (autofiction) en évoquant sa famille, ses amours, ses grandes amitiés, sa vie quotidienne à Paris et à Athènes. Je citerai deux titres de lui, significatifs de sa démarche : "Je t'oublierai tous les jours" (2008) et "Ap. J.-C.". Dans le premier cité, il raconte sa relation d'amour avec une femme, une femme essentielle pour lui, sa mère, disparue et qu'il fait revivre dans cette œuvre chaleureuse. Le deuxième titre évoque les moines du Mont Athos et leur richesse scandaleuse dans une Grèce appauvrie et endettée. Cette dénonciation courageuse (les Grecs sont très respectueux du fait religieux) montre son engagement politique. Comme son œuvre semble liée à sa vie, il vaut mieux lire ses ouvrages dans l'ordre chronologique. Pour moi, il représente un modèle de bi-culture enrichissante : toute la mythologie de sa Grèce avec la littérature française, l'attachement au langage,  aux mots, à l'alphabet, son empathie totale et militante envers le genre humain, son humour, son esprit de dérision : en trois mots,  un gentilhomme contemporain. Son dernier roman, "La clarinette", a conquis deux lectrices, Evelyne et Danièle, qui ont beaucoup apprécié l'hommage amical d'Alexakis à Jean-Marc Roberts, son éditeur, récemment disparu. Je reviendrai sur cette parution après l'avoir lue.