lundi 11 février 2019

"Olga"

Bernhard Schlink, écrivain allemand, a écrit en 1995, "Le liseur", un succès remarqué et remarquable. Fils de pasteur antinazi, l'écrivain né en 1944, aborde souvent le problème de la culpabilité du peuple allemand après la guerre. Dans cette œuvre la plus célèbre, traduite en 37 langues et adaptée au cinéma, le narrateur découvre l'implication de sa maîtresse plus âgée dans un camp de concentration où elle était gardienne. Ce passé lourd et impardonnable ne cesse d'obséder l'univers fictionnel de Schlink. Dans son dernier opus, "Olga", il renouvelle son art du récit en racontant le destin singulier d'une jeune allemande de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe. Olga perd ses parents très tôt et sa grand-mère l'élève dans un village de la Prusse orientale. Enfant, elle fréquente une frère et une sœur de la haute société bourgeoise de l'époque. Une relation privilégiée va naître entre Olga et Herbert, le fils du riche industriel. Ce garçon n'a qu'un rêve : courir, partir, fuir, voyager. Il rejette son rôle d'héritier et affirme son amour pour Olga. Mais, la famille du garçon désapprouve cette relation illégitime à leurs yeux. A cause de sa condition sociale, Olga ne peut pas entrer à l'université interdite aux femmes mais elle accède au statut d'institutrice dans son village. Herbert choisit l'armée, grisé par le patriotisme de Bismarck. L'esprit de l'aventure le conduit en Namibie et il participe au massacre des Héréros en 1904. Quand il revient en Allemagne, il retrouve Olga mais ne pense qu'à repartir. Il veut atteindre l'Arctique et réaliser un exploit digne d'Amundsen. Il disparaît dans une de ses expéditions et ne donne plus de nouvelles à Olga. Au fil du récit, la jeune femme ne veut pas se résigner à la mort d'Herbert. La Première Guerre mondiale éclate, puis la Deuxième. Olga raconte ensuite sa vie à un jeune homme qu'elle considère comme son fils. Lui même va découvrir le secret d'Olga dans des lettres qu'un antiquaire a récupérées dans un grenier. Je ne dévoilerai pas la fin de ce beau roman qui couvre des décennies en Allemagne et des espaces divers. L'amour total et sacrificiel d'Olga pour Herbert, son aventurier fugueur, ne constitue pas le seul sujet du livre. Bernhard Schlink évoque la pesanteur tragique de l'Histoire dans les destins individuels. Le patriotisme excessif de l'époque a préparé le terreau du nazisme et l'écrivain montre ces racines du mal dans la société allemande, ivre de conquêtes et de revanches. Ce portrait d'une femme anonyme et modeste mais généreuse et solitaire réserve des surprises à la fin du livre. A lire pour l'infinie patience d'Olga, la qualité de l'écriture, l'arrière plan historique et le rebondissement final…