mercredi 27 avril 2022

Hommage à Michel Bouquet

 Il est rare que je rende hommage aux comédiens français mais je fais une exception avec Michel Bouquet, mort le 13 avril dernier à l'âge de 96 ans. Je me souviens de sa présence, souvent austère, quand il apparaissait dans des rôles au cinéma et au théâtre. Physiquement, il ressemblait à l'écrivain Julien Gracq comme si ces deux hommes étaient nés adultes sans une once d'enfance dans leur comportement. Ils ne désiraient pas se montrer dans les médias affamés de gloriole et de spectacle. Né à Paris, le comédien collabore avec le TNP de Jean Vilar et le premier Festival d'Avignon. Il a travaillé pour des metteurs en scène comme Jean Anouilh, Claude Régy, Jean-Louis Barrault. Au cinéma, le public l'a vu et apprécié dans les films de Clouzot, Truffaut, Chabrol, Verneuil et tant d'autres. Il a reçu des "César", des "Molière" et cette reconnaissance ne semblait pas lui faire tourner la tête. Petit-fils d'un cordonnier, fils d'un comptable, il est envoyé en pension avec ses trois frères, une expérience difficile qui marquera cet enfant timide et réservé. Après ses études, il multiplie les petits emplois,  de la pâtisserie à employé de banque, avant de découvrir, grâce à sa mère, les salles de spectacle de la capitale. Il rencontre Maurice Escande qui lui propose de suivre ses cours. Sa carrière démarre avec Albert Camus et tout le répertoire classique de Diderot à Molière. Il interprètera magnifiquement "En attendant Godot" de Beckett et "Le roi se meurt" de Ionesco. Au cinéma, il apparaît dès 1947, auprès de Jean Carmet et de Pierre Fresnay. Le public le retrouve souvent dans des personnages sombres, énigmatiques, équivoques avec sa silhouette d'ascète et avec sa voix grave. Je me souviens de sa présence dans les films français d'anthologie : Javert dans les Misérables, le notaire pourri chez Chabrol, le peintre Baugin dans "Tous les matins du monde". Jusqu'au bout de sa vie, il poursuivra sa vie de comédien et d'acteur dans un registre culturel de très grande qualité. A l'âge de 91 ans, il compose un Tartuffe exceptionnel dans une mise en scène de Michel Fau. Je n'évoquerai pas sa vie privée car le plus important pour moi réside dans sa mission première : se mettre au service des grands textes littéraires, des grandes pièces de théâtre et des films qui appartiennent dorénavant au patrimoine cinématographique. Le Président lui a rendu un hommage national ce mercredi aux Invalides, une cérémonie bien méritée, un éloge de la culture, enfin...