jeudi 11 janvier 2024

'Un Barrage contre le Pacifique", Marguerite Duras, 1

 J'avais lu le roman de Marguerite Duras il y a bien longtemps et j'avais envie de retrouver l'ambiance durasienne. Publié en 1950 en pleine guerre d'Indochine, ce texte largement autobiographique évoque la propre adolescence de l'écrivaine dans le personnage de Suzanne. Dans l'Indochine française, en 1931, une mère, devenue veuve, s'installe dans une plaine marécageuse de Kam, proche d'un petit port de Ram. Les deux enfants s'appelent Joseph (20 ans) et Suzanne (16 ans) et vivent pauvrement avec leur mère dans un bungalow en bien mauvais état. Ils possèdent une vieille voiture bien bralante et se nourrisent d'échassier que le garçon chasse souvent dans les parages. La mère, une ancienne institutrice, a travaillé dans un cinéma comme pianiste durant quinze ans et ses économies ont permis l'achat d'une concession, une terre cultivable pour le riz qui s'avère inondable lors des grandes marées de la mer de Chine. La mère s'obstine malgré la réalité du terrain et construit sans cesse des barrages pour contenir l'eau. L'administration corrompue du cadastre ne fonctionne qu'avec des pots de vin. Un jour, la famille fait la connaissance d'un jeune et riche planteur, M. Jo. La mère s'imagine alors que Suzanne pourrait se marier avec sa fille pour aider la famille à sortir de la misère : "C'est ainsi qu'au moment où elle allait ouvrir et se donner à voir au monde, le monde la prostitua". Commence alors la passion de ce jeune planteur fort laid pour la jeune fille. Il vient tous les jours voir Suzanne sous la surveillance de la mère. L'homme se désespère de ne pas être aimé et il offre des cadeaux pour l'amadouer jusqu'à lui demander de se montrer nue pour obtenir un phonographe. Ces tranctations sordides entre la famille et cet homme riche montrent les effets de la misère matérielle sur le comportement des protagonistes. M. Jo offre un diamant à la jeune fille afin de l'épouser. Mais Suzanne refuse ce mariage car elle rêve de partir, de quitter ce lieu maudit. Ce diamant va jouer un rôle dans cette histoire dramatique car la mère veut le revendre pour combler ses dettes. Entretemps, Joseph entretient une relation amoureuse avec une femme mariée, Lina.  La mère devient de plus en plus déprimée et s'enfonce dans la folie. Marguerite Duras l'a décrit ainsi : "Elle avait aimé démesurèment la vie et c'était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu'elle était devenue, une désespérée de l'espoir même". (La suite, demain)