mercredi 22 février 2023

"Papiers collés", Georges Perros

 Parfois, je regarde ma bibliothèque avec un regard nouveau en me demandant pourquoi ce livre repose toujours sur une étagère. J'entreprends régulièrement mon propre "désherbage", acte courant dans les bibliothèques. Il faut bien faire de la place pour les nouvelles acquisitions. Donc, je saisis les ouvrages que je ne relirai plus et je les donne à la Médiathèque de Chambéry ou je les place dans les cabanes à livres. Mais, je ressens toujours une nostalgie de les voir quitter mon domicile. D'autres lecteurs et lectrices les découvriront et les livres vivront sur d'autres étagères dans des belles maisons ou appartements. En farfouillant ainsi dans mes rayonnages que je range souvent avec plaisir, j'ai eu la soudaine envie de relire un auteur dont j'ai conservé quelques titres et que j'avais abandonné depuis trop longtemps. Il s'agit de Georges Perros. Qui est donc cet inconnu de la littérature contemporaine ? Il est né à Paris en 1923. Avant de se lancer dans l'écriture, il est reçu à la Comédie-Française où il rencontre Gérard Philippe, Jean Vilar, Maria Casarès et d'autres comédiens célèbres. Comme il se lasse de la figuration théâtrale, il traduit des pièces de Tchekhov et de Strinberg. En 1959, il s'installe à Douarnenez dans le Finistère avec son épouse Tania où ils élèveront cinq enfants. En 1961, le premier volume des "Papiers collés" parait chez Gallimard. Il écrira aussi de très beaux poèmes en utilisant un langage simple d'un lyrisme maîtrisé. Il meurt à Paris en 1978 d'un cancer du larynx. Dans ses "Papiers collés", il propose des études sur la littérature en particulier sur Kafka, Rimbaud, Hölderlin, Kierkegaard. Comme il prend quotidiennement des notes griffonnées sur des papiers divers, il évoque sa vie, ses réflexions existentielles dans une langue dépouillée mais d'une densité certaine : "Pour ne rien perdre de cette incessante lecture, tout m'est bon - bouts de papier, souvent hygiénique, tickets de métro, boîtes d'allumettes, pages de livres. J'en suis couvert".  Il appartient à la famille de Chamfort, Joubert et Cioran. Aphorismes, citations, poèmes en prose, portraits d'écrivains, références littéraires, ce récit en miettes dégage un charme certain et procure un grand plaisir de lecture. Georges Perros compose un patchwork de textes où il parle de poésie, d'amour, d'amitié, de philosophie et sa sagesse est toute imprégnée d'une lucidité mélancolique : "Ecrire, c'est renoncer au monde en implorant le monde de ne pas renoncer à nous". La solitude choisie semble l'obséder dans sa Bretagne d'adoption. Ce poète écrivain d'une sensibilité à fleur de peau, a écrit une autobiographie originale sous la forme d'un grand poème, "La vie ordinaire", publié dans la collection Poésie/Gallimard. Cet amoureux fou des lettres françaises déclarait : "Je ne dirai jamais de mal de la littérature. Aimer lire est une passion, un espoir de vivre davantage, autrement mais davantage que prévu". Un avis partagé.