mardi 9 juillet 2019

Jean-Paul Kauffmann, 3

J'ai emprunté à la Médiathèque de Chambéry, "31, allées Damour", une biographie de Raymond Guérin (1905-1955), écrite par Jean-Paul Kauffmann. Quand je découvre ou redécouvre un écrivain, je suis saisie d'une curiosité insatiable. Je veux rattraper le temps perdu. Je connaissais Raymond Guérin comme un écrivain complétement oublié aujourd'hui. Cette biographie peut-elle sauver Guérin des ténèbres dont souffrent beaucoup d'auteurs qui ne correspondent plus aux goûts des lecteurs(trices) contemporains ? Peut-être que le travail de mémoire de Jean-Paul Kauffmann va attirer quelques passionnés de littérature qui se hasarderont dans les méandres de cet écrivain bordelais singulier. Encore faut-il trouver ses romans dans les bibliothèques, les librairies d'occasion ou les brocantes… J'ai vérifié dans le catalogue de la Médiathèque et je peux emprunter en prêt indirect le seul livre de Guérin : "Retour de barbarie", où il relate la période de l'Occupation en 1943 alors qu'il venait de passer trois ans et demi dans un stalag. La préface est signée par…  Jean-Paul Kauffmann. Pourtant, l'écrivain biographié ne soulève pas une empathie immédiate. Inclassable, Raymond Guérin est mort à cinquante ans. Agent d'assurances à Bordeaux, il avait commencé sa carrière dans un hôtel à Paris. Prisonnier en Allemagne, il revient avec un roman, "Les Poulpes" d'une noirceur irrémédiable. Il compose une œuvre originale qu'il nomme "La mythologie de la réalité". Apprécié par quelques écrivains connus comme Jean Grenier, Henri Calet, Malaparte, Raymond Guérin n'a jamais acquis une réputation littéraire incontestable qui l'aurait apaisé. Le biographe mène une enquête très fouillée sur la vie de cet homme malheureux et incompris. Il s'imprègne de son univers, visite son appartement, rencontre son ancienne employée de maison, raconte ses amours, ses parents. Il symbolise la figure de l'écrivain non reconnu, subissant le dédain de l'élite éditoriale parisienne. Cet écrivain maudit fascine littéralement Jean-Paul Kauffmann, journaliste des causes perdues. Dans un article du journal Le Monde, le destin injuste de cet écrivain oublié l'a ému  et il voulait lui rendre hommage : "Le livre de Guérin (les Poulpes) publié en 1953 n'a pas rencontré son public malgré sa grande force littéraire. Je lisais son journal avec un sentiment d'angoisse, une prémonition de la catastrophe (son enlèvement)". Cette biographie originale et très bien documentée se lit comme un roman et révèle un personnage romanesque hors du commun qui se nomme Raymond Guérin. J'ai ajouté un de ces livres dans mon programme de l'été…