mardi 2 avril 2024

Escapade à Venise, le Dorsoduro

Le quartier Dorsoduro est toujours mon lieu de prédilection. L'appartement sur les Zattere donnait sur le canal de la Guidecca, large de 400 mètres. Le matin, j'ouvrais les volets et devant mes yeux, commençaient le ballet des mouettes rasantes et la noria des ferries, des vaporetti, des péniches. L'église des Gesuati (appelé aussi Santa Maria del Rosario) se situait à dix mètres de l'appartement et j'entendais les cloches de cette église baroque du XVIII avec le plafond peint par le minutieux Tiepolo. J'ai visité évidemment ce lieu si cher à Philippe Sollers. En plus de Tiepolo, une remarquable toile du Tintoret sur la Cruxifiction du Christ se distingue des autres dans les chapelles. Le vendredi, le soleil inondait la ville. Le canal de la Guidecca se transformait en large ruban ondoyant avec des reflets argentés. Comment explorer Venise pour la quatrième fois ? En découvrant des lieux nouveaux, quartier par quartier en évitant les plus fréquentés. De la Punta de la Dogana à la Station maritime, j'ai exploré le Dorsoduro en présence des mouettes qui m'accompagnaient sans cesse. En s'éloignant du quai, j'ai découvert plusieurs églises fabuleuses : la Chiesa di San Sebastiano où est enterré Véronèse, la Chiesa dell'Angelo Raffaele, la Chiesa di Carmini sans oublier celle de San Nicolo dei Mendicoli. Dans chaque édifice religieux, un trésor m'attendait : un rétable de Lorenzo Lotto, un cycle de Véronèse, un Guardi, pour les plus connus.  Dans le Squaro di San Traverso, j'ai observé un atelier de réparation des gondoles en activité depuis le XVIIe siècle ! J'ai vu quelques employés calfater ces embarcartions symboles de Venise. Les "fondamenta", ces espaces pavés le long des canaux, ressemblent à des labyrinthes mineraux où le regard se pose sur un vieux palais, une église, des terrasses en bois sur les toits et soudain, un campo (Philippe Sollers évoquait celui de San Agnese) avec un arbre, un étal de fruits et légumes, un kiosque à journaux et des trattoria succulentes. Sur le campo San Agnese, des enfants jouaient au ballon. Et chaque fois, un certain silence, la présence de l'eau canalisée, le ciel bleu, des mouettes dansantes, une vie tranquille hors d'une modernité agressive et fatigante (entre Paris et Venise, quelles différences !). Le Dorsoduro abrite aussi le musée de l'Académie et la Salute, une église baroque magnifique qui porte sur ses flancs plus de 125 statues et quand on entre dans son sein, le Titien, Palma le Jeune, le Tintoret nous tendent les bras ! Les anciens locaux de la Punta de la Dogana abrite le musée d'art contemporain de François Pinault. Quand je prenais le vaporetto pour me rendre à la Guidecca, je contemplais la rive du Dorsudoro composée de palais certains modestes, d'autres plus sophistiqués, et les églises toujours présentes, et ces deux entités architecturales symbolisaient la grande Histoire de la ville marine formant un décor de théâtre, un théâtre mouvant, vibrant, illuminé par le soleil vénitien et patiné par les siècles.