lundi 20 février 2012

"La liseuse"

Ce roman de Paul Fournel a retenu toute l'attention bienveillante de Bernard Pivot dans le Journal du Dimanche et de François Busnel dans l'Express. Je l'ai lu sur leurs conseils souvent très justes. C'est l'histoire d'un éditeur quelque peu découragé et supportant avec fatalisme les transformations inévitables du monde de l'édition. Ce monde parisien peuplé de stagiaires fort mal payés évolue très vite au détriment d'une tradition séculaire bien ancrée dans le bons sens et le bon goût. Robert Dubois, notre éditeur fatigué de tous ces changements, se voit offrir une "liseuse", machine infernale, froide mais séduisante aussi par son côté "stockage"de milliers de livres. Quand Robert Dubois fait peser son "machin", je le cite : "Dans les gros doigts de René, c'est le poids définitif de la littérature mondiale. 730 grammes. Hugo + Voltaire + Proust + Céline + Roubaud, 730 grammes. Je vous rajoute Rabelais ? 730 grammes. Louise Labbé ? 730 grammes." Cet outil révolutionnaire, la tablette électronique, le perturbe totalement et lui donne envie de fuir ce milieu de l'édition. Ce roman nostalgique d'un monde perdu a touché ma fibre de lectrice "traditionnelle" de papier. Paul Fournel nous confie ses peurs mais aussi ses bonheurs dans le milieu littéraire et il défend des valeurs liées à la lenteur, l'authenticité, la qualité et la non-marchandisation de la littérature. Je choisis encore un passage à la fin du livre, extrait significatif du style de Paul Fournel : "Je suis un homme livre. Ma muraille me protège. Et je lis pour, lentement, posèment, la détruire. Je prendrai les briques sans ordre ni précipitation, la lecture viendra selon son propre hasard et je sais que l'ordre sera le bon. Laissés en liberté, les livres ne se trompent guère. (...) Lorsque j'aurai terminé la lecture du dernier mot de la dernière phrase du dernier livre, je tournerai la dernière page et je déciderai seul si la vie devant moi vaut encore la peine d'être lue." Ce roman concerne tous ceux et toutes celles qui ont envie de découvrir la comédie du milieu de l'édition et qui partagent la crainte de perdre des repères rassurants pour entrer dans un monde nouveau, celui de la lecture électronique...