lundi 4 septembre 2017

"Lire le monde"

Quand je pratiquais mon métier de bibliothécaire, je lisais des ouvrages professionnels sur les aspects sociaux et culturels du monde des livres, sur le développement des bibliothèques, sur le phénomène de la non-lecture. Il fallait attirer le maximum d'enfants et d'adultes à fréquenter ces lieux de service public alors que les enquêtes sérieuses estimaient que la barre de 30 % de lecteurs serait rarement franchie. Je pourrais citer des dizaines d'ouvrages sur ces questions culturelles. Je les ai oubliés car la mémoire tamise ces textes techniques pour ne conserver que quelques pépites. J'ai pourtant fait une exception avec "Lire le monde, expériences de transmission culturelles aujourd'hui" de Michèle Petit aux éditions Belin. Cet ouvrage se lit facilement et évoque des questions simples et complexes à la fois : "à quoi ça sert de lire ? Pourquoi lire ? Comment devient-on lecteur(trice) ? Comment donner le goût de la lecture ? Michèle Petit écrit : "Ce livre est un plaidoyer pour que la littérature, orale et écrite, et l'art sous toutes ses formes, aient place dans la vie de chaque jour, en particulier dans celle des enfants et des adolescents". Elle présente des initiatives qui permettent de transmettre les pratiques culturelles liées à l'art et aux livres. Ces expériences de terrain démontrent souvent la démarche volontariste des novateurs dans ce domaine. Michèle Petit parle de ces belles rencontres autour de la lecture plurielle. L'essayiste illustre avec de nombreuses citations les raisons pour lesquelles la lecture devient indispensable pour "lire le monde". Elle rappelle la belle phrase de Michel de Certeau : "Lire, c'est être ailleurs (...), c'est créer des coins d'ombre et de nuit dans une existence soumise à transparence technocratique". Elle insiste sur la "fabrication" de l'imaginaire que la fiction engendre comme une naissance au monde et à soi. Michèle Petit croit à ce "braconnage vital" (référence à Michel de Certeau) qui change la vie et transforme une vision étriquée du monde. J'ai retrouvé dans cet essai optimiste, clairvoyant et empathique beaucoup de mes convictions sur les bienfaits infinis de la lecture. Je cite l'auteur pour la conclusion : "J'ai souvent pensé qu'on lisait sur les bords, les rivages de la vie, à la lisière du monde. Dans des temps un peu dérobés, en marge du quotidien. Et qu'il ne fallait peut-être pas faire la lumière sur cette activité, mais lui préserver sa part d'ombre, de secret. Comme à l'amour". A méditer...