jeudi 4 mars 2021

Philippe Jaccottet, un poète disparu

 J'ai appris le décès de Philippe Jaccottet avec une certaine tristesse. Chaque fois qu'un poète ou une poétesse, un écrivain ou une écrivaine quittent notre monde, j'éprouve un regret tout en sachant que je peux les retrouver à tout moment dans leurs œuvres. Ce poète d'origine suisse s'est éteint à l'âge de 96 ans à Grignan dans la Drôme. Déjà enfant, il préférait lire que jouer avec ses camarades et il offre, à 15 ans, une anthologie de poèmes à ses parents. Il rencontre plus tard le grand poète suisse, Gustave Roud qui deviendra son mentor. Il lui fait connaître Ramuz, Claudel, le romantisme allemand, Novalis et Hölderlin. Après des études de lettres à Lausanne, le jeune Philippe s'installe à Paris et il est engagé par un éditeur Henry-Louis Mermod. Il devient traducteur entre autres de Thomas Mann et publie de nombreux textes de critique littéraire pour la presse. Grâce à l'éditeur, il rencontre de nombreux poètes comme Francis Ponge, Yves Bonnefoy, André du Bouchet. Son premier recueil, "L'Effraie" est publié en 1953. Il découvre, à cette époque, Grignan et s'installe dans ce village avec sa femme, artiste peintre. Loin de Paris et des influences littéraires, il s'adonne à ses traductions, à ses poèmes et collabore activement à la Nouvelle Revue Française. La famille s'agrandit avec la naissance du fils et d'une fille. Ses poèmes paraissent régulièrement et sont édités chez Gallimard dont, les carnets du poète de 1954 à 1979, regroupés dans "La Semaison" en 1984. Dans sa poésie, Philippe Jaccottet s'attache à décrire la nature et son rapport au monde. Dans un article du Monde, Monique Petillon écrit en évoquant la publication de la Pléiade en 2014 : "Scandé par les admirables carnets de la "Semaison", l'ouvrage fait la part belle à une prose poétique proche de la rêverie, mêlant la fraîcheur de la sensation à des demi-réflexions qui éclairent les poèmes, mais à peine, les poèmes : "Ne rien expliquer, mais prononcer juste". Lui même définissait l'acte poétique ainsi : "S'il existe pour moi, une justification profonde de la poésie, c'est que finalement elle vous porte très au-dessus de vous-même". Sa poésie célèbre en particulier la lumière, ses effets et sa présence qui, pour le poète, "circule dans les mots qu'il trace et pour veiller à n'écrire aucune ligne qui ne soit pour le lecteur un chemin de clarté". Traducteur de Rilke, d'Hölderlin, de Musil, il a offert aux amoureux du grec ancien, une nouvelle traduction de "L'Odyssée" d'Homère en vers de quatorze syllabes. Philippe Jaccottet a été nominé plusieurs fois pour le Prix Nobel de Littérature. Il n'aura pas eu cette reconnaissance. Encore une erreur de ce jury...  Je laisse la parole à ce poète :  "Peu m'importe le commencement du monde/Maintenant ses feuilles bougent maintenant c'est un arbre immense dont je touche le bois navré/Et la lumière à travers lui brille de larmes/Accepter ne se peut/Comprendre ne se peut/On ne peut pas vouloir accepter ni comprendre/On avance peu à peu comme un colporteur d'une aube à l'autre".