lundi 27 septembre 2021

Atelier Lectures, 1

 Enfin, l'atelier Lectures a démarré ce jeudi 23 septembre à la Maison de Quartier de Chambéry. Cette date ne convenait pas à toutes les participantes mais il faut bien enclencher le mouvement même si tout le monde n'est pas au rendez-vous. Après tant de mois d'interruption, depuis le mois d'octobre 2020, j'ai souhaité reprendre cette activité pour partager les traditionnels coups de cœur en début de séance et du thème proposé en deuxième partie. Comme j'aime les livres et la littérature, se retrouver autour de cette passion ne peut procurer que du "bien". J'espère que la crise sanitaire ne perturbera pas les séances prévues de septembre à juin. J'ai donc recueilli quelques coups de cœur des lectrices présentes. Mylène a commencé avec un roman d'Anne Roiphe, "Les eaux de la colère", publié chez Le Sonneur. Cette fresque historique et romanesque se situe à la fin du XIXe à Alexandrie en Egypte. Un navire venu de Calcutta transporte un dangereux passager clandestin : le microbe du choléra. A Paris, Louis Pasteur décide d'envoyer un groupe de jeunes scientifiques chargés de découvrir le microbe. Ils installent leur laboratoire dans un hôpital européen. Ils font connaissance de plusieurs notables alexandrins parmi lesquels le docteur Malina. Sa fille Este s'intéresse à Louis, un des scientifiques français et se met à envisager un avenir à ses côtés. L'équipe ne parvient pas à isoler ce microbe destructeur car l'épidémie s'amplifie au fil des jours. Mylène a apprécié ce mélange entre fiction et histoire et ce thème lui rappelait les dégâts de l'épidémie actuelle. Je ne connaissais pas cette écrivaine américaine, grande féministe dans les années 60, qui lui a été recommandée par une libraire... C'est devenu rare de nos jours. Agnès a découvert "Otages intimes" de Jeanne Benameur, publié chez Actes Sud en 2015. Etienne, photographe professionnel, a été pris en otage dans une zone en guerre. Quand il est libéré, il revient chez lui pour se reconstruire et ce retour ne se passe pas comme prévu. Ce beau récit d'une délicatesse propre à Jeanne Benameur se transforme en livre de sagesse pour le plus grand plaisir des lecteurs-trices.  Agnès, grande amatrice de romans policiers, nous a conseillé aussi "La vallée" de Bernard Minier. Dans une vallée coupée du monde, surgit une série de meurtres aux mises en scène particulièrement sophistiquées et macabres. Cette enquête haletante mérite de classer ce livre dans les très bons policiers de l'année. Véronique aime particulièrement Melissa da Costa et son roman, "Les lendemains". Réfugiée dans une maison en Auvergne, Amande vit un deuil impossible. En s'isolant, elle pense guérit plus vite. Elle va se réconcilier avec la vie grâce à la découverte de calendriers horticoles de l'ancienne propriétaire des lieux. Et le jardinage va la sauver de son naufrage. La suite, demain. 

"Le Guépard"

 Quand je m'évade dans une escapade, je pense à emporter un roman qui correspond au pays que je vais visiter. Au Portugal, je vais lire et relire Pessoa. Pour Berlin, je lirai des romans allemands, surtout le grand Thomas Mann. Pour l'Espagne, j'ai le choix entre Javier Marias et Cervantès. Et je peux continuer la liste. Je me souviens que je lisais Homère, Yourcenar, Jacqueline de Romilly quand je suis partie à plusieurs reprises en Grèce. Pour la Sicile, j'ai choisi de relire "Le Guépard" de l'écrivain et aristocrate italien, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, paru en 1958 à titre posthume. J'ai relu ce classique avec un intérêt croissant au fil des pages. Je me souviens du magnifique film de Visconti avec Burt Lancaster, Alain Delon et Claudia Cardinale. Le film avait obtenu la palme d'or à Cannes en 1963. L'écrivain sicilien retrace la vie de Don Fabrizio Corbera, prince de Salina. Avant de lire ce classique, il vaut mieux se renseigner sur l'Histoire italienne en 1860, le débarquement des troupes de Garibaldi, le renversement d'un ordre séculaire. Au milieu des tourments révolutionnaires du Risorgimento, le prince sicilien assiste au changement entre l'ordre ancien et un nouvel ordre. L'écrivain s'est inspiré en la romançant de la vie de son arrière-grand-père, Giulio Fabrizio di Lampudesa. L'intrigue romanesque repose sur la rencontre de Tancredi, le neveu charismatique, avec la fille du maire parvenu, la belle Angélique. La fille du Prince est amoureuse de son cousin qui ne voit pas cet amour trop familier. Le Prince accepte ce mariage pour des raisons financières car Tancredi est ruiné et il a besoin de la fortune de sa future femme pour se lancer dans la politique. L'histoire se déroule par tranches d'années de 1860 à 1910. La vie des "Guépards" siciliens est décrite avec une profondeur proustienne et ce Prince puissant et influent, patriarche traditionnel, assiste à sa propre impuissance. Seul, son chien Bandito et sa passion de l'astronomie le rendent heureux. Quand il analyse sa vie au moment de mourir, "il voulait ramasser petit à petit, hors de l'immense tas de cendres du passif, les paillettes d'or des moments heureux". Lire ce roman somptueux près des paysages que le Prince de Salina a certainement vus me rapprochait de ce pays si attachant. Le Prince ne se fait aucune illusion sur le cours de l'Histoire : "Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront les petits chacals, les hyènes. Et tous ensemble, Guépards, chacals, moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre".  Des passages du roman appartiennent à la mémoire littéraire universelle comme la célèbre scène de bal au centre du récit. J'ai relu cette fresque avec un vrai bonheur de lecture en comprenant mieux cette île particulière volcanique dans tous les sens du terme. Je suis tombée sous le charme de l'Italie depuis longtemps et plus le temps passe, plus je m'attache à ce territoire béni des dieux, qui, des Romains aux Italiens d'aujourd'hui, ont forgé une identité exceptionnelle autour de la langue et de l'art. La littérature italienne est ce pays que je visite régulièrement en attendant d'y retourner le plus souvent possible.