jeudi 24 novembre 2022

"Rééducation nationale", Patrice Jean

 Le roman satirique, "Rééducation nationale", de Patrice Iean va faire sourire ou au contraire provoquer des agacements certains. Cet écrivain nantais a déjà une réputation de "conservateur", de "réactionnaire" et comme il est ultra minoritaire dans le panorama des médias très bienpensants, il est intéressant de le découvrir pour se faire une opinion personnelle. Son précédent livre, "La poursuite de l'idéal", vient de sortir dans la collection Folio. Le personnage principal de "Rééducation nationale", Bruno Giboire, professeur de français, ancien fonctionnaire municipal, est nommé dans un lycée de Nantes. Sa reconversion professionnelle se passe au mieux car il intègre avec enthousiasme le monde éducatif reformaté par le pédagogisme ambiant à la Philippe Meirieu.  Ce grand fervent des nouvelles méthodes où le bien-être de l'élève passe avant tout va se retrouver dans un milieu contrasté et contrarié. Les élèves constituent des "îlots bonifiés" et suivent des programmes modernisés en français. Adieu les classiques et bonjour à la littérature populaire et diversifiée. Déjà dans un précédent roman, "L'homme surnuméraire", Patrice Jean relatait, avec un humour corrosif, le projet des éditeurs qui avaient décidé de résumer les grands textes littéraires pour les rendre abordables. Au-delà des critiques sulfureuses sur le pédagogisme excessif qui règne dans l'institution scolaire, l'écrivain intègre une histoire rocambolesque concernant une statuette khmère, offerte par André Malraux. Deux groupes d'enseignants s'affrontent sur la vente ou non de ce trésor pour financer des ateliers citoyens.  Ce clivage symbolise évidemment les professeurs "modernes" contre les "passéistes". Cette farce scolaire permet à Patrice Jean de se moquer avec ironie des excès du pédagogisme au détriment des élèves, victimes de ces méthodes qui commencent à lasser les enseignants eux-mêmes. Parfois, la charge semble caricaturale mais, Patrice Jean a lui-même enseigné le français et il a traversé ces ambiances survoltées dans les salles de professeurs. Pour lui, l'idéologie et le dogmatisme, fers de lance d'une "rééducation nationale", n'ont pas leur place dans cette institution sacrée, hors du politique et des événements sociétaux. Patrice Jean épingle avec une férocité légère les travers et les ridicules d'un monde éducatif en crise. Ce roman court et hilarant sur le monde de l'éducation nationale devrait figurer sous le sapin de Noël des enseignants. Certains seront fâchés de se voir ainsi caricaturés, d'autres se réjouiront de cette lecture salutaire. Et les lecteurs et lectrices de Patrice Jean retrouveront les obsessions de l'auteur : le goût de la satire, la critique de la bêtise, l'amour de la littérature et la détestation de la médiocrité ambiante. 

mercredi 23 novembre 2022

"Quelque chose à te dire", Carole Fives

Le roman de Carole Fives, "Quelque chose à te dire", publié chez Gallimard, aborde la question de l'admiration-fascination d'une jeune autrice pour une écrivaine à succès. Elsa, divorcée, s'occupe de son fils une semaine sur deux. Elle a publié quelques romans peu lus et elle se sent en panne d'inspiration. La mort de Béatrice Blandy, sa grande écrivaine préférée à qui elle voue un culte, va changer sa situation médiocre dans le milieu littéraire. Elle s'était même servie d'une phrase d'elle en exergue de son dernier roman. Sa surprise est totale quand elle reçoit un message du mari de l'écrivaine, décédée d'un cancer foudroyant. Celui-ci veut la rencontrer pour la remercier de vive voix. Ce Thomas, riche producteur de cinéma, à la soixantaine élégante, subjugue la jeune romancière et elle finit, après quelques rendez-vous amoureux, à s'installer dans son très bel appartement de la rue de Rivoli. Thomas s'étonne d'avoir une compagne aussi jeune et la soupçonne de profiter de sa situation : "Dans le fond, ce qui vous plaît chez moi, c'est ma femme ! Je n'existe pas, je ne suis rien pour vous. C'est Béa que vous cherchez à travers moi". Mais, Elsa est fascinée aussi par le mode de vie de Thomas dans le milieu du cinéma. Le jeu de miroirs entre les deux femmes s'insinue dans le roman : l'une était belle, séductrice, rayonnante, l'autre "se sent moche, son regard triste, marron yeux de cochon, sa mine de chien battu". Le roman bascule quand Elsa trouve par hasard dans l'appartement parisien un manuscrit inachevé de Béatrice Blandy, une aubaine incroyable pour la romancière apprentie. Que va-t-elle faire avec ce texte inédit ? Le récupérer pour elle, l'enrichir et se l'approprier ? Je ne divulgue pas l'issue de ce thriller psychologique qui se lit avec un grand plaisir. Il est question de plagiat, de jeux de dupes, de manuscrit inachevé, de jeu littéraire. Dans un entretien sur France Culture, elle se confie sur son écriture : "Quand j'écris, j'ai l'impression de réponde à d'autres textes ou à d'autres films. Pour moi, la littérature est une grande conversation, de textes en textes, de livres en livres. Les gens se parlent". Et ce roman subtil et bien ficelé raconte ce rapport de voisinage dans l'écriture. 

mardi 22 novembre 2022

"La part des cendres", Emmanuelle Favier

 L'immense fresque romanesque d'Emmanuelle Favier met pratiquement le lecteur et la lectrice dans un état de sidération admirative. Comment une écrivaine peut-elle se lancer dans une telle aventure littéraire ? Ce roman ne peut pas se résumer ni linéairement, ni chronologiquement bien que les chapitres offrent des repères temporels. Je l'ai lu avec un intérêt soutenu alors que je n'ai plus trop envie de me lancer dans des ouvrages très épais qui sont baptisés "pavés". Emmanuelle Favier nous embarque dans une course folle, une chasse aux trésors, des trésors artistiques, spoliés et dérobés dans le courant du XIXe et du XXe siècle. Le roman démarre en 1812 quand la jeune Sophie Rostopchine fuit Moscou en feu. Elle emporte un mystérieux coffret où elle glisse son journal intime pour raconter son exil. Cette jeune fille en exil deviendra la fameuse Comtesse de Ségur. Cette écrivaine bien oubliée de nos jours a pourtant initié des centaines de milliers d'enfants à la lecture. C'était un premier souvenir de lecture éblouie d'Emmanuelle Favier. Elle rend un hommage fervent à tous les écrivains et écrivaines qui lui ont transmis cette passion de la littérature : Stefan Zweig, Marguerite Yourcenar, Virginia Woolf. Ils surgissent dans le texte pour ponctuer les événements historiques. A côté de ces instants biographiques, il est question aussi des musées européens, des œuvres d'art, des collections où certaines pièces proviennent de spoliations des familles juives. De sinistres personnages jouent le rôle de prédateurs d'art comme Hitler, Goebbels, Hesse et d'autres nazis infréquentables. Un personnage central revient comme un leitmotiv de droiture, d'honnêteté, une résistante exemplaire, bien oubliée aujourd'hui. Elle s'appelait Rose Valland, originaire de Grenoble. Elle notait dans des carnets tous les tableaux qui disparaissaient dans les camions des nazis et grâce à ce travail clandestin, elle a sauvé des milliers d'œuvres d'art. Le message sous-jacent de ce roman puissant pourrait se résumer dans une prise de conscience d'une actualité universelle. En s'appropriant l'art, les prédateurs totalitaires nient, détruisent, volent l'âme des peuples entiers. Elle évoque l'autodafé des livres à Berlin en 1933 où les nazis épuraient les bibliothèques de tous les écrivains juifs. Ce désastre historique remet en mémoire la fragilité de notre civilisation occidentale. Ce roman vibrant rend un hommage passionné aux livres et aux œuvres d'art, les symboles éternels d'une culture irremplaçable qu'il faut protéger, conserver, garder. Un tourbillon vertigineux, voilà comment je peux qualifier ce grand texte qui n'a, hélas, reçu aucune distinction dans les prix automnaux. Quel dommage ! Mais comme ce livre demande des efforts de lecture, des efforts largement récompensés, le jury n'a pas pris le temps de le lire ! Voilà une explication logique... 

lundi 21 novembre 2022

"Vivre vite", Brigitte Giraud, Prix Goncourt 2022

"Vivre vite" de Brigitte Giraud a reçu le prix Goncourt 2022 et récompense la délicatesse d'être, une certaine discrétion, le deuil, la mémoire et la fidélité. Evidemment, j'ai suivi les débats concernant cette nomination car le jury était très partagé. Les critiques avaient prédit le très bon roman de Giuliano da Empoli pour "Le Mage du Kremlin" mais il avait déjà obtenu le prix de l'Académie française. Tahar Ben Jelloun, membre du Goncourt, ne décolère pas de ce choix en qualifiant le roman de Brigitte Giraud de "petit livre" où "il n'y a pas d'écriture". Ce n'est pas très élégant de sa part... Il vaut mieux lire ce récit autobiographique sans tenir compte de ces dérapages médiatiques. L'histoire tragique de l'écrivaine se lit avec une empathie certaine. Son compagnon, âgé de 41 ans, se tue dans un accident de moto dans une avenue de Lyon. A partir de cette perte irréparable, Brigitte Giraud veut remonter le temps avec des "si". Si elle n'avait pas eu l'idée d'acquérir une maison, si elle n'avait pas eu l'idée d'appeler sa mère pour lui raconter cette nouvelle... La liste s'allonge avec une moto sportive que son frère va garer dans le garage. L'écrivaine s'absente à Paris pour rencontrer son éditeur et son mari s'engage alors dans le gouffre du néant en choisissant d'emprunter cette moto dangereuse pour aller travailler. Tout s'enchaîne dans une suite de hasards qui, en s'additionnant, provoque l'accident mortel. En énumérant tous ces événements, elle évoque son mari, Claude, discothécaire, passionné de rock, fou de vitesse, mari amoureux et père aimant. Vingt ans après, elle doit revendre cette maison et entreprend un bilan de sa vie. Comment vivre avec ce deuil épouvantable ? Avec cette absurdité de l'accident ? Partir à 41 ans en pleine force de la vie, c'est incompréhensible et tragique. Brigitte Giraud écrit : "J'ai emménagé seule avec notre fils, au cœur d'un enchainement chronologiquement assez brutal. Signature de l'acte de vente. Accident, déménagement, obsèques". Elle ne cache pas son désarroi, sa détresse d'avoir perdu son compagnon solaire. Son enquête d'un passé factuel l'amène à interroger ses amis, ses proches, les témoins de l'accident, compulse la presse de l'époque, se documente sur la moto fatale, une Honda japonaise de compétition : "Quand un drame surgit, on rebrousse le chemin, on revient hanter les lieux, on procède à la reconstitution. On veut comprendre à l'origine de chaque geste, chaque décision. On rembobine cent fois. On devient le spécialiste du cause à effet". Hasard, destin, elle interroge ces mots si chargés de mystère. Un critique du journal "Le Monde" compare ce récit autobiographique à une "ultime étreinte" pour son mari, Claude, parti trop tôt. En 2001, elle avait écrit un texte de deuil sur cet accident, "A présent". Le jury Goncourt, malgré ses dissensions, a tranché avec une majorité de voix pour Brigitte Giraud. Le public découvrira à travers ce chant d'amour d'une écrivaine pour son mari, le courage de vivre devant la perte et l'impossible deuil. Un beau récit autobiographique.     

vendredi 18 novembre 2022

Marcel Proust, le jeune homme éternel

Ce jour fatidique du 18 novembre 1922, Marcel Proust s'est éteint dans sa chambre au 44, rue de l'Amiral-Hamelin à Paris. Emporté par une bronchite mal soignée à l'âge de 51 ans, il nous reste une photo émouvante de l'écrivain, photographié par Man Ray au lendemain de sa mort. Il est enterré au Père Lachaise et Barrès a dit sur le parvis de l'église : "Enfin, c'était notre jeune homme !". Depuis le début de l'année, l'écrivain de la "Recherche" n'a jamais été autant fêté, distingué, exposé, commenté, décortiqué, exploré et exploité. J'ai suivi avec attention cette Célébration exceptionnelle en me rendant à la belle exposition du Musée Carnavalet à Paris où j'ai vu sa redingote, sa canne, son lit, des objets familiers que l'écrivain a touchés. France Culture a aussi joué un rôle majeur pour faire connaître cet écrivain génial qu'il faut lire et relire sans cesse. De nombreuses émissions ont évoqué la vie de Marcel Proust, son immense "cathédrale de mots", "La recherche du temps perdu" en sept tomes avec ses trois mille pages, des heures éblouissantes de lecture. Quand je lis Marcel Proust, je me lis comme beaucoup de ses admirateurs et admiratrices. Et son texte me parle, parle de l'amour, de l'amitié, de la famille, de la maladie, et surtout de la place de l'art dans la vie. La littérature, la musique, la peinture, la beauté des paysages, des monuments, de la nature, rien n'échappe à la curiosité multiforme du Narrateur. La vie pour lui est une source inépuisable de sensations et de sentiments. J'avais presque les larmes aux yeux en lisant la mort de sa grand-mère, un grand moment de la Recherche. Je souris quand il décrit avec un humour féroce les travers de la haute société bourgeoise avec les ambitieux Verdurin en tête. Et je reconnais la populaire Françoise, l'employée de maison, souveraine de son royaume, se démenant pour tuer un poulet. Swann, le délicat esthète, le raffiné cultivé, s'amourache d'une cocotte inculte mais comme elle lui rappelle un Botticelli, il s'égare dans cet amour invraisemblable pour une femme "qui n'était pas son genre". Marcel Proust décrit avec génie la puissance de l'amour et la déflagration de la jalousie, la beauté du monde et la noirceur des comportements humains, la vie sublimée par l'art. Je n'avais pas relu Proust depuis des années et comme le temps passe hélas trop vite, j'ai décidé de tout relire pour mieux le comprendre. La magie de la "Recherche" ne peut se ressentir profondément qu'à partir d'un âge certain. Cela tombe à merveille pour moi... Proust m'a accompagnée depuis ma jeunesse en l'étudiant à l'université. Je ne l'ai jamais perdu de vue ensuite mais aujourd'hui, j'éprouve le besoin de le relire encore plus attentivement, plus profondément pour naviguer dans ces phrases tortueuses, méandreuses, composées à partir de sa musique intime. Pour terminer cet hommage, je citerai cette phrase si célèbre : "les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie, mais de l'obscurité et du silence". La "Recherche du temps perdu", un vrai livre, le Graal de la littérature.   

jeudi 17 novembre 2022

Escapade à Paris, 5

 Après ma visite de la BNF Richelieu, je ne voulais pas manquer aussi une rétrospective d'un peintre viennois expressionniste, Oscar Kokoschka (1886-1980) au Musée d'Art Moderne de Paris. Quand je monte à Paris, je me rends souvent dans ce musée de la ville de Paris dans le 16e arrondissement qui réunit une collection extraordinaire de peintres modernes du XXe et du XXIe siècle. De Braque à Picasso, de Giacometti à Brancusi, de Chirico à Modigliani, ce musée exemplaire et éclectique présente l'ensemble de la production artistique picturale et sculpturale de nos temps modernes. Installé dans une aile du Palais de Tokyo, bâtiment Art déco emblématique de Paris, ce musée immense propose une balade formidable dans le monde de l'art. J'ai revu avec plaisir des toiles mythiques dont celles de Zao Wou Ki, Vieira Da Silva, Bonnard, etc. La salle de la Fée électricité de Raoul Dufy raconte les progrès scientifiques et techniques de la société française. J'étais venue pour Kokoschka et j'ai vu ses toiles très provocantes. Cet artiste, mais aussi écrivain et poète, peint les états d'âme de son époque. Enfant terrible de Vienne, ami de Klimt et de Loos, il inspire aussi Egon Schiele. Dans les portraits qu'il dresse, il met en lumière "l'intériorité de ses modèles avec une efficacité inégalée". Amant malheureux d'Alma Mahler, il s'engage dans l'armée pendant la Première Guerre Mondiale. Il sera gravement blessé. Voyageur compulsif, il parcourt l'Europe, l'Afrique, au Moyen Orient. Les nazis considèrent son art comme "dégénéré". et excluent ses tableaux des musées allemands. Le peintre fuit alors en Angleterre et s'engage dans la Résistance. Après la guerre, il devient une référence de la scène internationale intellectuelle. Il s'installe en Suisse en 1951 jusqu'à sa mort en 1980. Quand j'ai contemplé ses toiles, je n'étais pas dans un admiration béate que procure l'art "ancien" comme Raphaël ou Bellini, Le Caravage ou Le Tintoret. Mais, je me trouvais devant un novateur, un provocateur et un écorché vif. Sa démarche artistique sans concession bouscule le regard habitué à la beauté classique. Comme ses frères en art, Egon Schiele et Gustav Klimt, il ne laisse personne indifférent et provoque même une curiosité piquante pour comprendre leur monde intérieur. Oscar Kokoschka prendra le chemin de Bilbao en 2023 au Musée Guggenheim. En l'espace de trois jours, j'ai constitué ma réserve d'images pour l'hiver, des belles images au Louvre et à Orsay, des images décapantes avec Munch et Kokoschka, des sculptures antiques, des vases grecs, des manuscrits, des enluminures, des estampes, et Paris en toile de fond avec sa Tour Eiffel vigilante et omniprésente comme la plus grande toile du monde aux tons gris avec des touches bleues venues du ciel. Si on aime les musées, direction Paris !   

mercredi 16 novembre 2022

Escapade à Paris, 4

 Après ma visite mémorable au Louvre, j'ai voulu revoir la BNF, la Bibliothèque Nationale de France, rue de Richelieu, rénovée et ouverte en septembre dernier après douze ans de travaux. Quand j'avais quitté mon Pays basque en fin 1981 pour monter à Paris comme beaucoup de provinciaux, le site Richelieu m'avait attirée car j'avais l'intuition de devenir bibliothécaire après mon expérience de libraire. Et un de mes rêves secrets était de travailler dans ce lieu magnifique. Mais, j'ai pris un chemin de traverse en revenant en province où j'ai obtenu un poste à Eybens, près de Grenoble après ma formation de bibliothécaire-documentaliste dans l'IUT de la ville. Adieu Paris et bonjour la région Rhône-Alpes ! Revenir sur les traces de la BNF d'avant le site François Mitterrand, dans le 13e arrondissement, quai François Mauriac, m'a redonné un coup de jeunesse revigorant ! Ce berceau historique rassemble des salles de recherche sur les Arts du spectacle, les Cartes et les Plans, les Estampes et la Photographie, les Manuscrits, les Monnaies, les Médailles et la Musique. Seuls les chercheurs et chercheuses peuvent entrer dans ce lieu du savoir. La belle salle Labrouste peut tout de même se visiter à l'entrée en respectant le silence religieux qui règne à l'intérieur. La nouvelle salle ovale rénovée propose 20 000 ouvrages accessibles au public comme un petit Beaubourg mais dans un cadre patrimonial exceptionnel. La BNF Richelieu expose dans sa galerie Mazarin plus de 900 œuvres : des tableaux, des anciennes cartes, des vases grecs magnifiques et objets antiques. J'étais émue devant les vitrines des livres anciens et des manuscrits. J'ai remarqué tout particulièrement les "Pensées" de Pascal, "Le Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir, les "Fragments d'un discours amoureux" de Roland Barthes et "A la recherche du temps perdu" de Proust. Voir l'écriture de ces génies littéraires sur ces pages jaunies s'apparente à un geste de "dévotion" ! La matrice des textes avec les ratures, les suppressions, les changements montre le processus de création. Un objet insolite m'a attiré l'œil : le trône de Dagobert ! Mon pèlerinage culturel à Richelieu a comblé ma curiosité de lectrice passionnée. Il faut absolument voir ce lieu dédié aux livres et à la connaissance au centre de cet arrondissement qui concentre aussi le Louvre, la Comédie française, le Palais royal, la galerie Vivienne ! Une étape réjouissante dans mon parcours parisien. 

mardi 15 novembre 2022

Escapade à Paris, 3

 Je suis "montée" à Paris pour Haendel au Théâtre des Champs Elysées, pour Munch à Orsay et aussi pour une exposition qui était annoncée depuis un an au Louvre et je ne voulais en aucun cas la manquer. Dans mes engouements récurrents, j'avoue que je suis fascinée par les Natures Mortes. Dès que je visite un musée, je me renseigne sur la localisation de ces peintures que l'on baptise aussi "still-life", vanités, vie silencieuse, nature reposée ou inanimée. Que trouve-t-on en particulier dans ces tableaux ? Du gibier, des objets, des fruits et des légumes, des livres, de la vaisselle, des fleurs, des coquillages, des instruments de musique, en résumé, en deux mots, des Choses. Le Louvre a intitulé sa grande exposition "Les Choses". L'hommage du Louvre envers ces œuvres parfois oubliées et souvent considérées comme un genre mineur met à l'honneur la vie quotidienne dans toute sa beauté retrouvée. L'humanité s'est toujours entourée d'objets depuis l'origine. Le peintre ordonne l'image des choses dans une intention quasi philosophique. Cette mise en ordre dans le désordre du monde ne peut que convenir à mon esprit de bibliothécaire. Le genre "Vanité" livre son message "memento mori", ou "n'oublie pas que tu vas mourir". Sage précepte. A travers ces "choses" de l'exposition, j'ai vu les peurs et les angoisses des artistes sur la place qu'elles occupent dans nos vies. Aujourd'hui, on pense à la surconsommation et au gaspillage. La commissaire de l'exposition, Laurence Bertrand Dorléac, a choisi 170 natures mortes de l'Antiquité à nos jours. Heureusement, dès le matin, j'ai regardé en toute quiétude, les œuvres présentées sans la bousculade d'Orsay. Chaque tableau, chaque sculpture, chaque objet rappelle la fragilité et la brièveté de l'existence humaine. Evidemment, de très belles vanités avec le crâne exposé symbolise notre finitude. J'ai remarqué une composition subtile de Louise Moillon,  "Coupe de cerises, prunes et melon", une femme artiste tellement rare dans le monde de l'art à son époque. J'ai retrouvé avec joie un Morandi avec des bols d'une banalité rare mais qui distillent un message philosophique teinté d'une douce mélancolie,  Van Gogh et sa chambre d'Arles, toute modeste, Lubin Baugin et sa nature morte à l'échiquier, l'asperge de Manet, Chardin, Chirico, Dali et tant d'autres artistes aussi percutants que les cités. Cette exposition exceptionnelle m'a littéralement enchantée et j'ai arpenté l'espace à deux reprises tellement sa mise en scène était elle aussi artistique. Des citations d'écrivains complétaient l'exposition et des panneaux pédagogiques sur ce genre pictural éclairaient avec intelligence la démarche des artistes. Je citerai Robert Musil : "Aucun objet, aucune personne, aucune forme, aucun principe, ne sont sûrs, tout est emporté dans une métamorphose invisible, mais jamais interrompue". Je savais que je me plongerai vite dans le magnifique catalogue de l'exposition pour revivre cette visite magique. Avant de quitter le Louvre, j'ai  salué amicalement la Vénus de Milo, revu la galerie de la peinture italienne (dont je ne me lasserai jamais), l'art grec, évidemment où je voulais revoir la stèle funéraire adorable de deux femmes qui s'offrent une fleur, datée de 500 ans av. J.-C. Ce musée ressemble à un immense espace de rêve, du sublime où chacun peut établir en toute liberté un lien privilégié avec l'Art et pour un prix symbolique. 

lundi 14 novembre 2022

Escapade à Paris, 2

 Le matin suivant mon arrivée, je me suis dirigée vers le Musée d'Orsay en traversant le pont du Carrousel et j'ai vu tout de suite la foule des touristes, attendant sagement de pénétrer dans l'enceinte de la gare muséale. Il faut dire que les contraintes sécuritaires provoquent toujours ces files d'attente, car, il est nécessaire de montrer le contenu des sacs avant de franchir le portique. Une fois à l'intérieur, tout le monde se disperse dans les salles et les étages pour se précipiter en priorité vers les Impressionnistes. Orsay organisait aussi trois expositions et j'étais spécialement venue pour Edward Munch (1863-1944)  un peintre norvégien du XXe siècle. Comme dans toutes les expositions surmédiatisées, nous étions vraiment très nombreux à admirer les toiles du Maître. Il fallait presque s'imposer quelques secondes pour voir les tableaux. Pourtant, j'avais réservé le créneau horaire du matin et mystère, il y avait foule. Malgré ce désagrément, j'ai beaucoup aimé ces toiles expressionnistes d'une puissance figurative rehaussée par des couleurs vives et criantes. La notion de cycle joue un rôle clé dans la pensée du peintre car des motifs reviennent régulièrement dans ses peintures. Pour lui, "l'humanité et la nature sont unies dans le cycle de la vie, de la mort et de la renaissance". Influencé par Nietzche et par Bergson, Munch élabore sa propre philosophie considérant la vie "comme une alternance de joies et de peines, de souffrance et d'amour, tout en contemplant la mort au cœur de tout". Il suffit de rester devant son célèbre "cri" pour ressentir l'angoisse existentielle. Les visages de ces personnages paraissent absents au monde mais, il persévère dans sa croyance quasi mystique où "Tout est en nous - et nous sommes en tout". Cette fusion avec la nature se lit dans ces œuvres venues du musée d'Oslo. J'avais vu quelques-unes de ces toiles à Stockholm mais toucher de mes yeux cette centaine de tableaux demeure une expérience esthétique marquante. Plus tard, j'ai revu quelques peintres que j'aime bien comme Cézanne, Vuillard, Bonnard, Hammershoï, Van Gogh sans oublier l'architecture spectaculaire de la gare d'Orsay, un chef d'œuvre en lui-même avec ses horloges géantes, ses espaces grandioses peuplés de sculptures dont celles de Rodin. Ces quelques heures passées dans ce lieu mythique constituent déjà un voyage initiatique dans une Europe culturelle au passé artistique si précieux à mes yeux.  L'après-midi, j'ai revu le Panthéon en m'inclinant devant mes chers écrivains : Voltaire, Rousseau, Zola, Malraux, Dumas. Vite, notre Président devrait honorer des femmes de lettres ! Je lance un appel pour mes deux Marguerite, Yourcenar et Duras. Ces dames mettraient une sacrée ambiance dans la crypte. Mais, elles n'ont pas marqué notre Histoire de France comme tous les militaires, les hommes politiques, les scientifiques de haute volée. J'ai admiré les vitrines-sculptures d'Anselm Kiefer sur la guerre de 14, qui racontent avec émotion la disparition de tous ces soldats inconnus. Une journée à Paris ne se mesure pas en heures quotidiennes mais en instants forts et passionnants devant tant de beauté. On dit souvent que Venise est un musée à ciel ouvert. Paris avec la Seine, son architecture harmonieuse, ses ponts et son ciel et ses monuments rejoint ma belle cité italienne. 

vendredi 11 novembre 2022

Escapade à Paris, 1

 Trois heures en Tgv me séparent de Paris et ce serait dommage de ne pas profiter de l'offre culturelle de la capitale française. Lundi, je suis partie pour quatre jours avec un programme alléchant. Dès mon arrivée à l'hôtel, rue Saint-Roch, je me suis baladée dans les jardins des Tuileries que j'apprécie pour sa beauté et son calme. Le célèbre jardinier du roi, André Le Nôtre, a dessiné ce jardin à la française qui sert d'espace vert entre le Louvre et la place de la Concorde. Les statues de Maillol côtoient celles de Rodin, de Giacometti et de tant d'autres sculpteurs moins connus. Les deux bassins autour desquels les visiteurs s'installent sur les chaises vertes ponctuent l'espace avec élégance. Cette promenade m'enchante dès mon arrivée et je salue les mouettes rieuses du bassin qui virevoltent au-dessus de nos têtes. La rue de Rivoli prend une drôle d'allure sans voitures. Le règne des vélos et des trottinettes a supplanté les "vilaines" automobiles, les ennemies de la mairie parisienne. Il faut remarquer la multiplication des nouveaux usagers à la mobilité légère, indisciplinée et dangereuse. Les piétons doivent décupler leur prudence avant d'avancer d'un pas pour traverser une rue. Paris se définit aussi par la présence nombreuse des brasseries, un lieu de convivialité incontournable pour se retrouver. Dans la brasserie de la Rotonde Saint-Honoré, j'ai rencontré un serveur parisien d'un humour incroyable. Trente-deux ans de métier, une vélocité traditionnelle, un accueil chaleureux, une complicité évidente avec les clients et clientes. Leur réputation de mauvais coucheur ne correspondait pas à ce professionnel. Le soir, j'avais rendez-vous avec la musique, celle de Haendel, un de mes génies préférés sans conteste. J'ai assisté au concert du Théâtre des Champs-Elysées, "Ariodante" avec le contreténor, Franco Fagioli. Trois heures de musique baroque, le rock de l'époque ! Créé en 1735 à Londres, cet opéra était tombé dans l'oubli jusqu'en 1970. Le contreténor argentin, Franco Fagioli, a illuminé grâce à la tessiture de sa voix, cette soirée enchanteresse. J'écoute évidemment beaucoup mes CD mais, assister à un concert dans un moment précis, dans un endroit de rêve, entourée d'un public quasi religieusement recueilli, procure une adhésion fusionnelle avec l'art musical, la musique baroque, si sublime, si joyeuse, si vivante. Un anachronisme sonore qui perpétue la tradition culturelle. Nietzsche déclarait que vivre sans musique était une erreur... J'étais donc plongée dans un océan d'ondes sonores qui caressaient mon corps et mon âme, un instant d'éternité. Et seule la capitale m'offrait ce spectacle...   

samedi 5 novembre 2022

Hommage à Maurice Olender

 J'ai appris récemment le décès d'un grand éditeur, Maurice Olender. Né en 1946 à Anvers, cette figure de l'édition vivait à Bruxelles. Il a créé dans les années 90 l'exceptionnelle collection, "La librairie du XXe siècle" aux Editions du Seuil avec plus de deux cents titres qui ont marqué le paysage intellectuel en France. Sur la liste prestigieuse de Maurice Olender, j'ai lu Michelle Perrot, Arlette Farge, Jacques Rancière, Marc Augé, Olivier Rolin, Antonio Tabucchi et surtout Georges Perec et son délicieux "Penser/Classer".  Le travail de l'éditeur ne se contentait pas de recevoir les manuscrits et de les éditer. Il suscitait la créativité des auteurs, les accompagnait, les veillait et se comportait comme un ami attentif, mais exigeant. Ce n'était pas un professionnel banal dans ce milieu intellectuel. Chercheur en archéologie et à l'histoire ancienne, philologue talentueux, il maîtrisait le grec ancien comme une langue maternelle. Grâce à ses postes successifs à la rue d'Ulm, à l'Ecole française de Rome et à l'Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales, il a attiré ses complices de l'époque comme Nicole Loraux, Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant. Lui-même auteur d'un livre très savant, "Les Langues du Paradis", il a fondé une revue, "Le Genre humain" qui refusait les usages racistes et idéologiques de l'Antiquité. Dans son ouvrage, "Un fantôme dans la bibliothèque", publié en 2017, il évoque son enfance dans une famille juive polonaise face à l'inexplicable, il refusait d'apprendre à lire. Heureusement, il a renoncé à ce funeste projet pour devenir un grand intellectuel. Il se définissait comme "un enfant analphabète qui a fini érudit". Dans un entretien, il déclarait : "Ce qui me bouleverse souvent, c'est la créativité des auteurs. Qu'est-ce qu'une œuvre créatrice ? Peut-être une exigence qui s'exerce sans concession. Avec générosité, offerte à tous. Une pratique qui intègre divers ingrédients de savoirs, d'esthétiques. Comme une cuisine qui allie avec adéquation les aromates d'ici et d'ailleurs". Cette figure austère et intègre du milieu éditorial a partagé sa vie avec la psychanalyste et romancière Lydia Flem. Je tenais à lui rendre hommage car j'ai découvert grâce à cette collection du Seuil des livres passionnants à lire et ces heures de lecture intelligente, on ne les oublie jamais. 

vendredi 4 novembre 2022

Atelier Littérature, 4

 Colette a choisi un récit documentaire de Florence Aubenas, "L'inconnu de la poste", publié en livre de poche. Une postière, Catherine Burgod, a été tuée par vingt-huit coups de couteau par un homme dans son lieu de travail d'un village de l'Ain. Qui a commis ce crime ? Personne ne le sait. Il est question peut-être d'un jeune acteur, enfant de la DDAS, au chômage et de ses copains de misère. Florence Aubenas décrit un coin de France abandonné et sans avenir. Elle évoque aussi la postière, mère de famille, peut-être malmenée par la vie.  La journaliste reconstitue tous les épisodes de ce crime dans une France que l'on aurait tort de dire ordinaire. Le talent incontestable de la journaliste sociologue se met au service d'une réalité sociale difficile et se manifeste amplement dans ce récit reportage d'une empathie totale pour ces Français modestes et désemparés. Odile a changé de registre en parlant d'un roman policier "écologique", "Impact" d'Olivier Norek. Virgil Solal et sa femme ont perdu leur petite fille en raison d'une maladie des poumons due à la pollution. Il va chercher à venger sa fille par tous les moyens, y compris les plus violents, à contraindre les pollueurs à adopter vraiment la transition écologique. Un roman d'actualité brûlante. Pascale a bien apprécié un récit autofictionnel d'Edouard Louis, "Combats et métamorphoses d'une femme", publié en livre de poche. L'auteur narrateur relate la vie de sa mère : "Ma mère a vécu dans la pauvreté et la nécessité, à l'écart de tout, écrasée et parfois même humiliée par la violence masculine. Pourtant, un jour, à quarante-cinq ans, elle s'est révoltée contre cette vie, elle a fui et petit à petit elle a constitué sa liberté". Ce récit percutant est l'histoire de cette métamorphose maternelle. Véronique, absente lors de la séance, a envoyé un message pour signaler son coup de cœur, "La salle de bal" d'Anna Hope. En 1911, Ella est internée dans un asile après avoir brisé une vitre de la filature où elle travaillait depuis l'enfance. Elle est révoltée par sa situation puis résignée. Elle rencontre un Irlandais mélancolique lors d'un bal hebdomadaire, unique moment où hommes et femmes sont réunis. Mais, le médecin de l'asile a des projets dangereux pour guérir les malades. Ce roman subtil et sensible à découvrir sans tarder. Régine, elle aussi absente, m'a confié son coup de cœur original et surprenant, "Entre fauves" de Colin Niel. Martin, garde au parc national des Pyrénées surveille les ours. Il soupçonne un chasseur d'avoir éliminé l'un d'eux. Sur Internet, il voit une jeune femme devant une dépouille d'un lion. A partir de ce cliché, il va chercher à comprendre qui est cette jeune femme. Entre chasse au fauve et chasse à l'homme, entre les Pyrénées et la Namibie, ce roman raconte une intrigue palpitante selon notre amie Régine. Un livre voyage nuancé sur la chasse. Nous nous retrouverons le jeudi 24 novembre sur le thème des réseaux sociaux, d'internet et sur leur influence dans la littérature contemporaine. Tout un programme. 

jeudi 3 novembre 2022

Atelier Littérature, 3

Dans la deuxième partie de l'atelier, nous avons évoqué quelques coups de cœur. Annette a présenté le dernier roman de Laurent Gaudé, "Chien 51", publié chez Actes Sud. Le personnage central, Zem Sparak, étudiant engagé, vit dans une Grèce dystopique, vendue au plus offrant. Le jeune homme s'est engagé comme supplétif à la sécurité dans la mégapole du futur. Ce chien (ou policier) opère dans un zone la plus misérable de la cité. Mais, au détour d'une enquête, le passé revient à la surface. Ce roman de science-fiction politique a séduit Annette et Laurent Gaudé ne laisse jamais ses lecteurs dans l'ennui. Geneviève a choisi des nouvelles de Pierre Péju, "Effractions", publié chez Gallimard en mai. Ces trois nouvelles percutantes montrent trois personnages à trois âges de la vie. Geneviève a évoqué celle d'un homme solitaire, qui, se sentant vieillir, s'inscrit dans un club secret dont les membres se sont engagés à se rendre mutuellement un terrible service afin d'échapper au déclin. Ce recueil de nouvelles parle d'art, d'identité, de littérature, de la vieillesse. Pierre Péju, écrivain discret, peu connu du grand public, mérite vraiment notre attention. Danièle a aimé un album jeunesse bilingue, très original, "Le rideau de Mrs Lugton" de la sublime Virginia Woolf. Ce texte méconnu de l'écrivaine anglaise raconte l'histoire loufoque d'une vieille dame au coin du feu. Elle coud et quand elle sombre dans le sommeil, des animaux sauvages, qui ornent le tissu, se mettent à s'animer. Mais, attention, si la gouvernante ouvre les yeux, tout se figera à nouveau. Cet album est une super idée de cadeaux pour Noël pour se l'offrir et faire aussi plaisir à nos petits-enfants. Odile a lu un documentaire historique de Philippe Sands, spécialiste reconnu des Droits de l'Homme, "La dernière colonie". Les Etats-Unis ont installé une base militaire avec l'accord de la Grande Bretagne sur Diego Garcia, près de l'île Maurice dans l'Océan indien. Les habitants de l'île sont chassés de leur foyer et contraints à l'exil. Depuis 50 ans, Liseby Elysé se bat pour retourner sur son île natale. Philippe Sands retrace ce combat en mettant en lumière l'impérialisme britannique et les crimes perpétrés sur les habitants de l'île. Dans les coups de cœur des lectrices amies, peu d'essais et de documentaires apparaissent et Odile a eu le mérite de mettre en lumière un épisode de notre histoire contemporaine totalement occulté par les médias. Même si ce drame se situe à des milliers de kilomètres de chez nous, sa portée demeure universelle. (La suite, demain)

mercredi 2 novembre 2022

Atelier Littérature, 2

 Mylène a beaucoup aimé le récit de Lola Lafon, "Quand tu écouteras cette chanson", qui a déjà obtenu le Prix Décembre et le prix de la revue, "Les Inrockuptibles". Odile avait évoqué ce coup de cœur dans l'atelier de septembre. Cet ouvrage émouvant raconte Anne Franck à Amsterdam et redonne l'envie de se replonger dans le journal de la jeune fille, victime de l'Holocauste. Mylène a lu un extrait du livre de Lola Lafon et ce passage significatif a confirmé l'intérêt de ce témoignage essentiel. Annette a eu un certain courage de choisir un roman imposant, "La part des cendres" de l'écrivaine, Emmanuelle Favier. Ce livre est "inracontable" tellement il brasse une infinité de thèmes. De l'incendie de Moscou à un manoir breton, de Dresde à Odessa, de Nuremberg à New York, l'écrivaine nous emporte dans une fresque monumentale où l'on croise des héros de l'Histoire, des monstres nazis, des écrivains enchantés comme Marguerite Yourcenar. Une cassette contenant le journal de la Comtesse de Ségur circule de génération en génération. Un personnage, Mathilde, hérite de cet objet. Devenue adulte, elle se passionne pour les objets d'art volés, et travaille dans une commission qui remet de l'ordre dans les spoliations des Juifs. Ce roman exceptionnel, d'une écriture flamboyante, mériterait un commentaire plus complet. Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt et je partage l'avis d'Annette : un livre original, touffu, foisonnant, pléthorique, cultivé, et qui, hélas, n'obtiendra aucun prix littéraire. Trop exigeant, trop "élitiste" certainement. Colette a bien apprécié "Sa préférée" de Sarah Jollien-Fardel. Ce roman terrible met en scène les dégâts psychiques de la maltraitance dans les familles toxiques. La petite Jeanne a vu son père alcoolique tyranniser sa famille en humiliations diverses. Pas de mots inutiles, des phrases courtes et précises. Une description quasi clinique de la violence intrafamiliale. La narratrice évoque cette tragédie car sa sœur, violée par son père, se suicidera. Comment survivre à ce naufrage ? Il faut, malgré tout, lire ce récit puissant qui n'est pas, selon Colette, une "lecture joie". Odile n'a pas été emballée par "Que reviennent ceux qui sont loin" de Pierre Adrian, publié chez Gallimard alors que Geneviève l'a bien aimé. Après de longues années d'absence, un jeune homme retourne en Bretagne dans la grande maison familiale pendant le mois d'août. Plage, balades, fêtes sur le port, il mesure avec mélancolie le temps passé. Cette chronique douce-amère commence dans une lumière d'été et se termine par un drame. Pascale a présenté "La vie clandestine" de Monica Sabolo, publié chez Gallimard. Les années Action directe des années 80 passionnent l'écrivaine qui trouve dans ce groupe de terroristes d'extrême gauche des points communs avec son propre passé : le silence, le secret et la violence. Elle pose la question : comment vivre en ayant commis l'irréparable ? Que sait-on de ceux que nous croyons connaître ? Un roman fort de Monica Sabolo sur la complexité des êtres et qui figure sur la liste du Prix Médicis.  

mardi 1 novembre 2022

Atelier Littérature, 1

 J'avais proposé une liste des nouveautés de la rentrée littéraire pour l'Atelier Littérature d'octobre. La saison des prix littéraires approche et les pronostics s'affinent. Qui obtiendra le Goncourt ? Quatre noms restent en lice. Et le Femina ? Et le Renaudot ? Et les autres ? En attendant le festival des primés et des primées, les amies lectrices ont évoqué certains titres de cette bonne récolte 2022. Geneviève a commenté avec talent son choix qu'elle a beaucoup apprécié : "On était des loups" de Sandrine Collette, un roman captivant qui raconte l'histoire d'un père, Liam, et de son garçon, Aru. Un ours a tué sa femme dans sa maison et il doit s'occuper de son fils malgré lui. Ils partent loin de ce drame et va se créer entre eux un lien indéfectible dans une nature menaçante. Danièle a beaucoup aimé le récit très émouvant de Brigitte Giraud, "Vivre vite", publié chez Flammarion. L'écrivaine tente de remonter le temps en essayant de comprendre ce qui a provoqué la mort de son mari dans un accident de moto en 1999. Elle revient sur ces journées qui s'étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu'à l'accident fatal. Ce récit sensible et émouvant, d'une belle écriture, selon Danièle, figure dans la finale du Goncourt. Odile a évoqué le grand roman de Yannick Haenel, "Le Trésorier-payeur", publié chez Gallimard. Cet écrivain iconoclaste raconte le destin d'un jeune homme philosophe, diplômé d'une école de commerce, qui voue sa vie à la banque de France à Béthune. Il prône la dépense, défend les surendettés, s'engage dans une confrérie solidaire, collabore avec Emmaüs et rencontre la femme de sa vie. Comment combiner la banque et la générosité ? Ce personnage, poète et libertaire, rejette le calcul, l'économie et privilégie l'amour et la bonté entre les êtres. Un roman penseur, un roman romanesque et un roman original comme son auteur, Yannick Haenel, surprenant, follement littéraire. Un des meilleurs livres de la rentrée littéraire. Agnès a été attirée par le titre du roman, "Trouver refuge" de Christophe Ono-Dit-Biot. L'histoire de Sacha et de Mina se déroule en Grèce. Ce couple a fui la France avec leur petite fille. Ils veulent protéger un secret explosif au Mont Athos, un sanctuaire interdit aux femmes. Brutalement séparé de Mina, Sacha s'y retrouve avec sa fille qui découvre avec émerveillement ce paradis grec dans une nature grandiose. Ce roman est une invitation à la transmission d'un père à sa fille et une ode à l'amour, à la nature et à la beauté. (La suite, demain)