mercredi 5 août 2020

"Le Phare, voyage immobile"

Paolo Rumiz, né à Trieste en 1947, est considéré comme un des plus grands écrivains-voyageurs italiens. En 2015, il publie "Le phare, voyage immobile" chez l'éditeur Hoebeke dans la collection "Etonnants Voyageurs" dirigée par Michel Le Bris. Cet ouvrage a obtenu le prix littéraire "Nicolas Bouvier". L'écrivain a traversé l'Europe de l'Arctique à la Mer Noire, descendu le cours du Pô, est allé sur les traces d'Hannibal, sur la voie Appia. Dans ce récit, il entreprend son premier voyage "immobile". Il s'installe dans l'un des phares les plus isolés de la Mer Adriatique, avec pour seuls compagnons, les gardiens. Le lieu reste un secret pour les lecteurs(trices) et il refuse de nommer ce phare isolé. Cet enfermement volontaire dure trois semaines et implique la solitude, voie d'accès à une certaine liberté sans connexion (ni radio, ni télévision, ni Internet) avec le monde extérieur, sans horaires, sans contacts. Loin de tout mais au centre de tout, dans une nature indomptée et indomptable. Sa grande occupation dans ces journées consiste à observer avec une acuité nouvelle cet environnement parfois hostile et souvent magique. Il raconte la vie élémentaire et rude des gardiens. Il écrit : "Le voyage immobile est le plus difficile de tous, parce qu'on n'a pas d'échappatoire, on est seul avec soi-même, en proie aux visions". Sa première découverte : "La première, c'est le sens de la limite. On est très petit, en fait. L'illusion de dominer la nature est une pure folie". Il décrit la météo avec une multiplicité des vents, des tempêtes, des pluies. Il évoque ses repas frugaux, ses lectures et ses moments de rencontres avec les gardiens qui partent très souvent à la pêche. Il relate ainsi sa journée car ses amis l'avaient prévenu qu'il s'ennuierait : "Comme sur un bateau, on a toujours une tâche qui vous occupe. Faire le pain, vérifier le baromètre, monter dans la lanterne du phare pour y lire le livre fait exprès pour ça, sortir pêcher, mitonner un risotto, tenir bien propre son espace personnel, (...) apprendre le nom des vents". Le récit fourmille d'anecdotes sur les animaux de l'île, les goélands, les poissons. Le journal intime de Paolo Rumiz raconte cette expérience d'une certaine vie à nu, un voyage immobile ou une "sorte de métamorphose insulaire". Un récit idéal pour la pause estivale. Pour ma part, j'aurais bien aimé tenter une aventure semblable mais grâce à l'écriture du narrateur, je me voyais dans ce phare du côté de la Croatie... J'ai choisi ce livre pour l'atelier lectures de la rentrée dont le sujet porte sur les escapades de toutes sortes, un besoin fondamental après deux mois de confinement au printemps dernier. Lire représente déjà un grand voyage et surtout avec Paolo Rumiz...