lundi 8 août 2022

Marcel Proust, "Du côté de chez Swann", 1

 L'année 2022 célèbre le centenaire de la mort de Marcel Proust, le Parisien absolu, avec des expositions à Paris, des émissions spéciales sur France Culture,  des documentaires télévisuels. J'avais le désir de tout relire depuis longtemps et comme j'ai suivi le formidable podcast de France Culture et vu l'exposition au musée Carnavalet en mars dernier, je me suis plongée dans son œuvre avec un sentiment de délectation. J'ai étudié l'écrivain lors de mon année de licence de lettres dans les années 70. Lire Proust dans sa pleine jeunesse et le relire quatre décennies plus tard, c'est prendre le risque de la déception ou de l'indifférence. Bien au contraire ! Dès les premières pages du premier volume, "Du côté de chez Swann", j'ai retrouvé le parfum de ma propre jeunesse, de ma juvénile admiration pour cette prose fastueuse, méandreuse, sensuelle et poétique. Je suis entrée dans une sorte de Panthéon de la Littérature, où le respect et le silence règnent quand nos yeux se posent sur les mots dès la première phrase : "Longtemps, je me suis couché de bonne heure". Dans la première partie du roman, le narrateur raconte son enfance à Combray. Eclate déjà dès les premières scènes son amour pour sa mère dont il réclame la présence avant de se coucher. Il évoque le décor de ses chambres, le rituel du soir, la présence magique des livres, l'attente angoissée de sa mère si aimante. Ce petit garçon d'une sensibilité exacerbée reconstitue avec poésie et avec humour la galerie des personnages proustiens savoureux dont la célèbre Françoise, la cuisinière au franc-parler populaire ou la tante Léonie, une malade imaginaire. La scène de la volaille qu'elle tue pour le dîner est un passage homérique. Le narrateur aborde déjà le thème de la cruauté humaine. Un autre personnage majeur apparaît dans le premier volume : Swann, l'esthète, le dilettante, l'homme jaloux, l'ami des parents du narrateur. Sa grand-mère tient un rôle central et le narrateur la décrit avec un chant d'amour filial en la traitant comme sa complice, sa référence affective avec sa généreuse façon d'être. Tous ces souvenirs procèdent de la mémoire volontaire définie comme la mémoire de l'intelligence d'après l'écrivain. La Grande Œuvre de Proust, "A la recherche du temps perdu", magnifique titre, ne parle que de ce sujet universel, le Temps,  tellement humain, tellement profond. Marcel Proust, je l'imagine comme un archéologue du passé intérieur, du passé intime, d'un passé reconstitué par son génie créatif. Des phrases cultes jalonnent le texte comme celle-ci : "Un homme qui dort, tient en cercle autour de lui le fil des heures, l'ordre des années et des mondes". Le bonheur de lecture naît souvent au détour d'un paragraphe quand l'écrivain intègre dans son texte des réflexions philosophiques, psychologues et sociologiques sans oublier le contexte historique de l'époque. L'univers affectif et culturel du jeune narrateur se dessine déjà dans ce premier volume d'une beauté intrinsèque inoubliable. (La suite, demain)