vendredi 17 février 2023

"Mes Fragiles", Jérôme Garcin

 Jérôme Garcin, animateur de l'émission "Le masque et la plume" et écrivain de talent, a déjà évoqué l'histoire de sa famille dans un de ses ouvrages précédents, 'Olivier", son frère jumeau tragiquement renversé par une voiture en 1962, à l'âge de 6 ans. Plus tard, l'écrivain perd son père en 1973 et il raconte ce drame dans le récit, "La chute de cheval". Le voilà le dernier survivant de cette famille dans son dernier livre, "Mes Fragiles", édité chez Gallimard en janvier dernier. Un journaliste du Monde écrit en qualifiant Jérôme Garcin : "Ses deuils sont le creuset de sa vocation littéraire. Ecrire est une manière de prolonger les vies". Surviennent dans ce texte les deux décès à six mois de délai : celui de sa mère et celui de son frère. Sa mère, Françoise, usée par différentes maladies, s'éteint à 89 ans en septembre 2020 dans de grandes souffrances. Jérôme Garcin raconte la vie de cette femme originale, très croyante et amie du comédien Michaël Londsdale. Elle travaillait au Louvre comme restauratrice de tableaux. Son frère, Laurent, "un grand petit garçon", atteint d'obésité et handicapé mental, succombe du Covid en 2021 à l'âge de 55 ans. Lui aussi s'adonnait à la peinture et ses toiles très colorés témoignaient de son mal intérieur et de la vision qu'il avait du monde. Elle a toujours protégé son fils Laurent au comportement imprévisible et elle est morte sans connaitre le secret familial que l'écrivain révèle dans ce récit pudique. Il est porteur d'une maladie génétique rare, (le syndrome de l'X fragile), responsable d'un déficit intellectuel : "Je me sens responsable d'avoir propagé ce que j'ignorais avoir hérité". Malgré cette menace qui plane dans la transmission familiale, il regarde le réel avec une confiance renouvelée et ne perd jamais l'espoir d'éviter les dégâts ravageurs de cette maladie génétique. L'écrivain montre dans ce récit, la vulnérabilité des êtres, les liens de famille frappés par la fragilité. Comment vivre avec ses "chers disparus" ? En utilisant les mots, la littérature. Il leur consacre un tombeau mémoriel pour lutter contre l'oubli : "Mais plus le temps passe et je crois en la présence des morts. Ils sont là. Leur âme demeure, plane et s'obstine. Ils s'annoncent souvent entre chien et loup, dans une lumière tamisée de petit matin ou de fin de jour (...) Je leur parle en silence depuis si longtemps".  Dans "La Grande Librairie", Jérôme Garcin était "habitée" par ses "Fragiles" et ce livre pose la question universelle de notre rapport à la mort.  Une lecture consolatrice, malgré tout.