mercredi 1 septembre 2021

"Alphabet triestin"

Une ville italienne me fait toujours rêver depuis longtemps mais je n'ai toujours pas concrétisé un séjour là-bas, tant d'autres cités me semblaient prioritaires comme Rome, Venise, Naples, Florence, Pise, Sienne, Milan, Turin et tant d'autres en Toscane en particulier. Trieste s'installe à demeure dans ma tête rêveuse et parfois, je conserve quelques idées de balade pour l'avenir, bien que les années passent trop vite à mon goût. En attendant cette rencontre avec Trieste, j'ai lu l'ouvrage de Samuel Brussel, "Alphabet triestin", publié aux Editions de la Baconnière à Genève. L'écrivain tient un journal intime en menant une enquête sur la vie littéraire singulière et envoûtante de la ville avec des écrivains illustres comme Italo Svevo, James Joyce, Rilke, les "naufragés de la modernité". Mais, trois noms se détachent de cette galaxie exceptionnelle : Bobi Bazlen, Umberto Saba et Anita Pittoni. Le narrateur, infatigable voyageur, ne pouvait que se passionner pour Trieste où circulent ces fantômes littéraires. De rencontre en rencontre, il tisse un univers disparu qui, soudain, refait surface pour lutter contre l'oubli. Samuel Brussel connait parfaitement l'attraction irrésistible de la ville avec sa "bora", un vent terrible qui balaye tout sur son passage. Quand le narrateur découvre une correspondance entre Anita Pittoni et Balzen, il décide de retourner à Trieste pour raconter cette ville : "Trieste est le lieu de toutes les diasporas, où le choix entre l'exil et les racines, entre l'apaisement et la neurasthénie n'existe plus". Anita Pittoni a donné un "ancrage" à cette cité fantomatique en créant la maison d'édition, "Zibaldone". La ville regorge de librairies anciennes où l'écrivain poursuit son enquête sur la vie littéraire glorieuse de l'époque. Tous ces écrivains se réunissaient dans les cafés typiques : "Libraires, éditeurs, artistes, écrivains et poètes : tous ces artisans ne formaient qu'un seul monde, le monde de la beauté et de la connaissance qui révèle à chacun son identité". Archiviste de cette planète unique dédiée à la littérature, Samuel Brussel traque à sa manière les traces de ces créateurs qui ont donné une "aura" à la cité. Souvenirs, anecdotes, rendez-vous avec les libraires, lettres, extraits de poèmes, images, tous ces ingrédients disparates forment un formidable hommage à Trieste et surtout à la Littérature avec un grand L. Après la lecture de ce journal intime, mon rêve d'arpenter les quais, les cafés, les librairies, les bibliothèques se réalisera un jour prochain et cet ouvrage me servira de guide cultivé, extrêmement cultivé. En attendant ce moment, j'ai acheté par curiosité un livre d'Anita Pittoni, l'éditrice de Zibaldone, au titre alléchant, "Confession téméraire". Trieste, une ville de rêve comme beaucoup de ces cités de la péninsule, des écrins de beauté, peut-être trop saturées de références culturelles, mais sans passé, une ville peut-elle prétendre à se nommer ainsi ?