vendredi 30 mars 2012

Romans ou récits ?

J'ai intitulé mon billet "romans ou récits" car j'ai lu cette semaine deux livres très différents mais l'un est écrit par une femme, Michèle Gazier, "L'homme à la canne grise" et l'autre par Nicolas Fargues, "La ligne de courtoisie". J'apprécie la prose classique et sage de Michèle Gazier qui puise son inspiration dans l'histoire de sa famille, d'origine espagnole et son univers romanesque ressemble joliment à un ouvrage de dames, une broderie ancienne. Ce livre est un hommage à son père franco-catalan qui vient de mourir. Elle raconte avec beaucoup d'amour et de délicatesse la fin de vie de son père dans une maison de retraite et par bribes, elle confie une part de son secret sur sa participation à la Guerre d'Espagne. Cet événement tragique pourtant hors du commun restera une énigme pour la famille et son père se taira longtemps et ne livrera pas sa vérité de combattant républicain. Sa cécité assombrira sa fin de vie mais l'affection de sa famille (dont l'auteur) atténuera cette souffrance particulière. Un beau récit émouvant et un hommage tout en douceur... Le second livre ressemble à un récit autobiographique d'un écrivain, Nicolas Fargues. Il ne se passe pas grand chose dans ce roman mais j'aime ce ton ironique, ce style décalé. J'ai relevé des phrases qui m'ont fait sourire... Le narrateur-écrivain évoque son fils : "Soyons tout à fait franc : avec sa suffisance obtuse, avec pour unique source de culture générale et d'information le portail généraliste de son fournisseur d'accès à internet et les couvertures des gratuits du métro, avec son vocabulaire de bande-annonce commerciale pour compilation des tubes de l'été et sa prédilection écrasante pour le prêt-à-porter cintré et les téléphones intelligents, il incarnait un archétype assez convaincant du petit con d'époque". Plus loin, il décrit toujours son fils avec qui il ne communique plus : "Stanley appartenait structurellement à cette classe d'individus que la présence d'autrui ne rend pas plus polis, ni plus prévenants que s'ils étaient tout seuls. Ou, formulé un peu différemment, à l'espèce de ceux qui ne s'aventurent jamais à manifester la moindre attention aux autres si ce n'est dans leur propre intérêt, ou bien au seul motif de finir par leur fourguer leur petite propagande personnelle, soit, convenons-en, à peu près tout le monde". Nicolas Fargues possède un talent certain pour décrire les relations familiales et sociales souvent en pleine décomposition. Il part en Inde pour se changer les idées mais là-bas, il ne trouvera pas la sérénité et continuera à vivre une existence hasardeuse avec une ironie et un détachement libérateurs. Sa "ligne de courtoisie" est un mode d'emploi pour se supporter les uns, les autres.

jeudi 29 mars 2012

Hommage à Antonio Tabucchi

Un immense écrivain italien est mort ce dimanche à Lisbonne d'une "longue maladie". Quand je suis tombée sur cette information en consultant Internet, j'ai ressenti un regret et un sentiment de perte. Il avait à peine 68 ans et son oeuvre aurait encore grandi vers des sommets d'intelligence et de lucidité extraordinaires. Né en 1943 à Pise, Antonio Tabucchi a découvert Fernando Pessoa au hasard dans une librairie à Paris et cette découverte a changé sa vie. Il a traduit Pessoa en italien et il est devenu encore plus portugais que les Portugais de Lisbonne. Ses romans ont rencontré un succès d'estime et un prix Medicis l'a fait connaître du public en 1989 avec "Nocturne indien", adapté au cinéma par Alain Corneau. J'attendais la sortie du "Tabucchi" comme un Philip Roth, un Pascal Quignard. Chacun des romans de Tabucchi me fait réfléchir, grandir, rêver, admirer, et bien d'autres verbes relevant du bonheur de lecture, une impression de lire un ami génial avec qui on partage des idées communes... Peu d'écrivains procurent un effet de proximité à ce point. Il faut lire absolument "Requiem", "Pereira prétend", "Tristano meurt" et son dernier "Le temps vieillit". J'ai lu attentivement les articles de Libération et du Monde sur sa disparition. Bernard Comment, son traducteur et ami, dit "Avec lui, on se sentait plus fort, plus intelligent. On se sentait protégé de la bêtise et de la médiocrité. Il fut par-dessus tout un homme courageux. Très courageux. Il savait trop la réalité des tyrannies, fascites ou autres.(...) C'est une énorme perte. Mais ses livres restent. Et nous permettent de mieux voir le monde." Je me souviens des colères de Tabucchi contre cet histrion de Berlusconi. Ses livres sont parcourus de méditations sur le temps et la mémoire, sur la sombre Histoire broyeuse des destins individuels, sur la notion d'identité multiple en la personne de Pessoa. Il m'a fait connaître évidemment Pessoa et son "Livre de l'intranquillité". Dans ma bibliothèque, je conserve les ouvrages des écrivains que j'aime et que je lis et relis sans cesse. Tabucchi fait partie de mon Panthéon personnel, côté frères de plume, comme Albert Camus et Milan Kundera. J'espère qu'il rentrera dans la Pléïade le plus vite possible... Il va retrouver Fernando Pessoa attablé dans un café d'une Lisbonne reconstituée dans le Paradis des écrivains...

mardi 27 mars 2012

La culture d'un Président

L'actualité en mars se résume en deux mots : assassinats insupportables d'un nazillon islamiste et élections présidentielles. Pour revenir sur un quotidien plus "normal", on peut se remettre à écouter les paroles des uns et des autres pour se choisir un candidat ou une candidate pour le 6 mai. Le Journal Le Monde du 24 mars dans son cahier "Culture et Idées" pose la question suivante : "Un président doit-il être cultivé ? ". Raphaelle Bacqué évoque la passion de Pompidou (Agrégé de Lettres) pour l'art moderne, Mitterrand et sa fascination pour les écrivains et la littérature, Chirac et son attirance pour les Arts Premiers. Chacun a marqué la culture en créant des musées et la Bibliothèque Nationale. Et Sarkozy ? On connaît sa méconnaissance de la littérature (voir sa diatribe ridicule sur la Princesse de Clèves). Que restera-t-il du quinquennat sarkoziste en matière de culture ? Je n'en sais trop rien. Il avoue avec franchise son goût pour la télévision et le sport comme des millions de Français. Pourquoi pas ? La seule très bonne idée en matière culturelle, c'était de célébrer Camus et le "panthéoniser". Mais la famille a refusé cet honneur suprême. Pour les candidats, la presse parle très peu de leur culture. François Hollande ne lit que des documents, de l'Histoire, et pas de littérature. C'est dommage pour lui, car se priver de littérature ressemble à une "amputation intellectuelle"... Quid des lectures d'Eva Joly, de Marine Le Pen, de Nathalie Arthaud, etc. Je ne vais pas citer les dix candidats. On connaît l'amour de Mélenchon pour Victor Hugo pour des raisons politiques plus que littéraires... Ce dossier sur la culture des anciens présidents est très symbolique de l'air du temps des années 2000. Des jeux vidéos, de l'internet, de la télévision avec une offre pléthorique, et nos politiques d'aujourd'hui reflètent bien l'emprise des médias et des nouvelles technologies sur la population dans son ensemble. La seule différence pour moi consiste à sauvegarder un maximum de temps pour me consacrer à ma passion préférée : lire... Les candidats devraient se retirer de temps en temps dans un espace-temps et lieu où la solitude pourrait leur être bénéfique et porteuse d'idées nouvelles et originales... La campagne électorale ne se base que sur des chiffres et des comptes, des bilans et des projets financiers. ls devraient tous s'adonner à la lecture de romans pour stimuler leur imagination bien en panne d'idées originales et remuantes...

lundi 26 mars 2012

"La seconde vie"

Le dernier roman de Dermot Bolger aborde le thème de l'adoption d'une façon paradoxalement poignante et distancée. Cet écrivain irlandais, reconnu dans son pays, écrit depuis vingt ans et a fidélisé son lectorat grâce à la parution de bons romans dans le genre "saga familiale" impitoyable et authentique. Son dernier livre raconte l'histoire d'un homme dans la quarantaine qui vit mal sa condition de fils adopté. Il va traverser une crise majeure quand il est victime d'un accident de voiture où il a frolé la mort. Il prend conscience à cet instant précis qu'il veut retrouver sa mère naturelle et comprendre les raisons pour lesquelles elle l'a abandonné. Il part à la recherche de cette mère "indigne" et un portrait de cette femme se dessine subtilement dans le roman car des chapitres rares l'évoquent. Lyzzie était très jeune quand elle est tombée enceinte. Dermot Bolger nous offre un très beau portrait de femme dans une Irlande intolérante, glaciale dans son carcan moral, à une époque où les religieuses veillaient sur ces femmes "rompues et humiliées" que les familles catholiques écartaient de la société. Le personnage principal essaie de reconquérir son passé d'enfant adopté par un couple aimant. Cette obsession met en danger son propre couple. On apprend au fil du récit l'amour total de sa mère qui a pourtant refait sa vie et a mis au monde trois filles. Mais elle n'oubliera jamais son bébé et le cherchera en vain tout au long de sa vie. Un film "Magdalene Sisters" avait traité de ce sujet mais Dermot Bolger ne peut que nous émouvoir avec cette histoire troublante de filiation et d'héritage familial. Il est temps pour Sean Blake, le fils de deux mères, de solder ce passé lourd et dramatiquement injuste. Les retrouvailles avec sa mère ne se réaliseront pas mais il apprendra par une soeur de sa mère qu'elle n'était pas responsable de cet abandon... Ce beau roman aborde avec émotion le thème douloureux de l'adoption et apporte un apaisement grâce à une ultime réconciliation avec le passé...

vendredi 23 mars 2012

Illettrisme, un fléau social

Je m'intéresse comme beaucoup de citoyens et de citoyennes à la campagne présidentielle et un encart dans le Monde du mercredi 21 mars a retenu mon attention. Tous les candidats sont obsédés à juste titre par la lutte contre le chômage et la relance économique, la sécurité, la réforme des services publics, la dette, les réformes sociétales, la justice, ou d'autres thèmatiques clivantes comme le mariage ouvert aux homosexuels, l'euthanasie, le droit de vote aux étrangers, la réforme fiscale. Peu de candidats abordent le monde de la culture, et les médias ne répercutent pas ce sujet considéré comme secondaire, futile et même obsolète en ces temps de crise sociale, économique et politique. L'encart du journal "Le Monde" traite de l'illettrisme, fléau qui toucherait trois millions d'adultes en France. Ce sont des citoyens qui ont "oublié" les bases de la lecture et de l'écriture et cet handicap intellectuel les marginalise et les fragilise dans leur vie personnelle et professionnelle. Ils seraient donc trois millions d'adultes à souffrir de cette perte de repères du langage. Imaginez leur quotidien pour circuler, pour travailler, pour faire ses courses, se soigner, etc. Il existe certainement des solutions traditionnelles et l'Agence National de Lutte contre l'Illettrisme propose des actions contre ce fléau social. Les candidats à la Présidentielle vont-ils entendre ce cri de colère ? Ils devraient tous aider les associations et c'est une question de dignité humaine. Le combat pour l'autonomie intellectuelle n'est ni de droite, ni de gauche. C'est une cause juste en dehors des clivages politiques. Il faut utiliser ce temps d'élection pour cibler les vraies priorités que sont l'éducation, la maîtrise de la langue française, la lecture et l'écriture... En fait, je rêve que les adultes, souffrant de ce problème, fréquentent les écoles, collèges, lycées, lieux du savoir et des apprentissages fondamentaux. Ces "cours de rattrapage" seraient ouverts le soir car le milieu scolaire a raté son objectif éducatif... Et les bibliothèques municipales devraient, elles aussi, s'y mettre et créer des ateliers de retour à la lecture : vaste utopie irréalisable, faute de moyens humains et financiers...

jeudi 22 mars 2012

"La route"

Je viens de lire un roman, "La route" de Cormac McCarthy, que je n'avais pas eu envie d'ouvrir depuis sa sortie en 2008. Je connaissais la réputation du livre : noire et désespérante, glaçante et dérangeante... Or, j'ai pris ce poche dans mon sac et j'ai démarré les premières pages dans l'avion qui me transportait vers mon pays natal, le Pays Basque. Et malgré la noirceur totale des pages que je parcourais avec attention, j'ai compris pourquoi ce livre a marqué les lecteurs. Cormac McCarthy décrit une époque post-apocalytique où les humains ont quasi disparu après un cataclysme effroyable (un accident nucléaire géant ?). Un père et son fils sont seuls au monde dans un monde hostile où le soleil ne réchauffe plus la Terre en laissant la place à la pluie, le froid et la neige. Ces deux personnages représentent l'humanité "gentille" dit le jeune garçon à son père. Les autres humains se livrent au cannibalisme et à la violence. Le père n'a qu'une obsession vitale : protéger son enfant et survivre. Le lecteur se prend à imaginer ces paysages dévastés, les rencontres violentes, la recherche épuisante d'aliments, la découverte des maisons abandonnées, la maladie qui épuise le père, le courage du fils. Je n'avais pas vu le film des frères Cohen, mais le roman possède un rythme cinématographique qui tient le lecteur en alerte. Il n'est pas dans mes habitudes de lire des ouvrages d'anticipation ou de science-fiction mais ce roman pose la question de la survie dans un monde redevenu sauvage et cruel. Qu'elle nous semble magnifique, la civilisation... En ces temps difficiles pour la République et la démocratie, il est essentiel de comprendre que la sauvagerie et la barbarie font, hélàs, partie intégrante de la condition humaine. L'actualité ressemble parfois à une fin du monde quand un individu inhumain, fou et haineux massacre des enfants par idéologie religieuse... Moment effroyable pour la société française. Je ne devrais paut-être pas aborder ce sujet douloureux dans mon blog mais en tant que citoyenne, je ne peux qu'exprimer mon effarement devant cet acte terroriste insensé, odieux et incompréhensible. La littérature sert aussi à décrire la fragilité de la civilisation et la tentation de la folie meurtrière des hommes...

mardi 20 mars 2012

"Libération des écrivains"

Le jeudi 15 mars, à l'occasion du Salon du livre qui se tenait à Paris, Libération a sorti son édition spéciale, "Le Libé des écrivains" avec Hélène Cixous comme rédactrice en chef. Son éditorial en page 3 est un cri de révolte qui percute le lecteur-lectrice de plein fouet. Elle accuse évidemment le pouvoir actuel de taper sur les plus faibles et parle de "panser tant de plaies". Elle écrit aussi "ne pas oublier l'eau, ne pas oublier l'air. Ne pas oublier l'art. Sauver la politesse qui fait attention à autrui. Ne pas oublier le bonheur de créer au travail, le bonheur de travailler utile et honorablement. (...) Réveillons l'éthique, pansons la langue, évoquons les amis qui sont partis et que nous ne quittons pas. Inventons l'avenir." Dans ce journal, j'ai retrouvé parmi la quarantaine de signatures, celles de G. Brisac, Nicolas Fargues, Nancy Huston, Maylis de Kerangal, etc. J'ai remarqué l'éloge de Geneviève Brisac pour la série politique danoise "Borgen", diffusée sur Arte ou comment une femme du centre "gauche" se bat pour imposer une éthique salutaire au sommet de l'Etat. Quand Libé confie ses articles aux écrivains, l'actualité prend un angle de vue tellement plus original, frais, authentique, non blasé et sincère même si les opinions des uns et des autres frôlent une dimension excessive. Je propose à Libé d'intégrer des espaces pour des écrivains dont le rôle serait d'évoquer un aspect caché des faits divers ou des événements. Cette expérience novatrice de confier le commentaire des actualités, je la retrouve dans le billet ironique et insolent de Sollers, toujours un dimanche par mois dans le Journal du Dimanche. Quand Nancy Huston écrivait dans "Le Monde", c'était profond et superbement intelligent... Les journalistes n'osent pas "se lâcher" comme le font nos écrivains sur l'actualité. A quand un "Le Monde" par les écrivains, un "Nouvel Obs", un "Point" ? Cela redonnerait un sens, une compréhension, un éclairage à l'actualité souvent morose et tragique comme aujourd'hui...

lundi 19 mars 2012

"Crépuscule"

Le dernier roman de Michael Cunningham m'a quelque peu déçue. J'avais beaucoup aimé son roman "Les heures", paru en 1999, et adapté au cinéma. Ce roman sur trois femmes, trois lieux, trois époques (dont Virginia Woolf) était puissant, profond, magnifique. Alors, je m'attendais à retrouver ce souffle romanesque. Hélàs, ce "Crépuscule" n'a pas tenu ses promesses. Mais, il se lit quand même avec intérêt. C'est l'histoire d'un couple de New-Yorkais aisés, les Harris : l'homme du couple, Peter, travaille dans une galerie d'art contemporain et sa femme Rebecca collabore à une revue culturelle. Ils sont mariés depuis vingt ans et ont une fille, Béa, déprimée et solitaire, qui a choisi un travail modeste dans un hôtel. Dans cette vie de privilégiés de la caste médiatique, un grain de sable va s'introduire symbolisée par le personnage de "The mistake", le jeune frère de Rebecca. Ce jeune homme, marginal et drogué, fait le désespoir de ses soeurs, dont Rebecca, et se refugie à New York dans le beau loft pour reprendre pied et chercher un travail. Or, Ethan, alias Mizzy, de nature androgyne, attire le mari de sa soeur qui retrouve en lui la beauté de sa femme, vingt ans avant. Le romancier aborde la crise de la quarantaine chez Harris : est-il amoureux de Mizzy ? Aime-t-il encore sa femme ? Le cadre urbain américain, le milieu de l'art et de la presse culturelle, la mosaïque familiale fragile et menacée, les tourments de la vie du couple, la fragilité des êtres, tous ces ingrédients composent un roman agréable à lire mais on est loin des oeuvres antérieures de Michael Cunningham... Dommage mais il vaut tout de même le détour !

lundi 12 mars 2012

Revue de presse

En tout début de mois, j'évoque le contenu des mensuels culturels que j'achète pour bien me tenir au courant des sorties de livres à lire et de films à voir. "Transfuge" de mars propose un dossier sur la comédie française au cinéma grâce au succès de "The Artist". Pour la littérature, des articles sur "comment écrire après Fukushima", "les blogs littéraires", "rencontre avec Jonathan Ames" et toutes les rubriques habituelles. Cette revue littéraire et cinématographique représente pour moi un rendez-vous incontournable pour s'informer et surtout picorer des idées de lecture. La deuxième revue, "Philosophie magazine", aborde un sujet très actuel : "L'homme débordé, peut-on retrouver le temps ?", je vous livre un extrait d'un article, écrit par Hartmut Rosa, qui m'a plu : "Ne mesurons pas la qualité de notre journée par notre poids, notre compte en banque ou le nombre d'amis que nous avons sur Facebook ! Laissons nos vies être guidées par ce que j'appelle des moments de résonance. Un exemple : certains comptent leurs pas lorsqu'ils se promènent dans la nature, et rien ne se passe. Face à la mer, vous sentez un réel contact avec la nature, le monde semble vous répondre, le roulement des vagues devient la respiration du monde. Pour d'autres, ce sera l'art : en écoutant un morceau de musique, votre âme résonne en vous et répond à la musique." Pour ce sociologue allemand, il faut donc savoir s'extirper de ce temps "contraint" par le travail et les obligations familiales et sociales, de l'accelération du temps subi de la vie moderne. J'apprécie ses reflexions sur les instants de résonance dans la vie quotidienne et cette résonance, on peut la cultiver sans modération : lire, écrire, regarder un film, contempler le ciel et les arbres, pratiquer l'art de la conversation avec des amis, des voisins, savourer avec lenteur des fruits, marcher, et se promener, en fait, prendre son temps dans tous les actes du quotidien : quel luxe aujourd'hui... La revue "Philosophie" nous a donc offert un dossier passionnant sur ce sujet de l'homme (ou la femme) débordé, à méditer sans perdre du temps...

vendredi 9 mars 2012

Festival du Premier Roman de Chambéry

Après une quinzaine de rencontres à la BU de Chambéry, le temps est venu d'établir la liste des meilleurs premiers romans lus par des centaines de lecteurs et lectrices. Quatorze premiers auteurs seront invités au Festival à la fin du mois de mai. J'ai reçu la "promotion" 2102 et avec une grande satisfaction, j'ai noté la présence de quelques romans que j'avais appréciés. En tête de la liste, le très remarquable "Kosaburo, 1945" de Nicole Roland aux Editions Actes Sud. Dans notre comité Campus, nous l'avons placé en premier sur notre propre liste. Je suis ravie pour ce choix audacieux car ce roman original, très bien écrit, dense et passionnant, pouvait "intimider" le lectorat du Festival. Deuxième surprise : le roman dépouillé, philosophique de Sophie Schulze, "Allée 7, rangée 38". qui se retrouve en sixième position. Tant mieux pour ce bijou littéraire... j'avais assez aimé "Comme elle vient" de Raphaëlle Riol qui est classé en dixième position et aussi "L'écrivain de la famille" de Grégoire Delacourt. En fait sur les quinze titres, je retrouve donc avec plaisir quatre premiers romans lus dans le comité de la BU. Ce sera un plaisir de rencontrer comme on dit ces quatre auteurs en "chair et en os" et je prendrais du temps pour découvrir les autres livres qui n'ont pas tourné dans notre cercle de lectrices. Il nous reste deux mois pour les lire et je conseille la lecture des romans choisis pour vivre avec plus d'intérêt les rencontres du Festival. Participer à un groupe de lecture me semble un "loisir" très stimulant car lire isole souvent le lecteur, mais lire en échangeant ses impressions avec d'autres lecteurs-lectrices donne à cet acte de solitude une dimension sociale chaleureuse et conviviale...

jeudi 8 mars 2012

8 mars, la journée mondiale des Femmes

Ce jeudi 8 mars 2012, je ne peux pas m'empêcher de penser à toutes les femmes du monde entier, à toutes les femmes du passé, du présent et de l'avenir. Je suis devenue féministe très jeune au lycée en découvrant les injustices, les inégalités, le machisme, la misogynie, le mépris des hommes et aussi leurs violences souvent insupportables à notre égard. Quand j'étais libraire à Bayonne dans les années 75, je proposais un rayon très fourni en livres sur les femmes, pour les femmes afin de soutenir notre cause tellement justifiée, de la Préhistoire à nos jours... C'était à à ce moment-là l'éclosion du féminisme, des luttes belles et incroyables pour l'autonomie financière, la liberté sexuelle, le droit à l'avortement, l'égalité salariale, la dignité... Quand je vois encore aujourd'hui le nombre de viols, de violences faites aux femmes, le retour des femmes voilées, la mise à l'écart des femmes au foyer, la non-parité politique, la pauvreté des retraitées, le non-partage des tâches ménagères (même si les hommes ont quand même un peu changé), les meurtres passionnels, la non-représentation des femmes dans les institutions de la République, je me dis que notre esprit de tolérance est incommensurable... C'est pour toutes ces raisons que je suis et resterai une féministe "indécrottable" et je ne suis pas prête de renoncer ! Pour connaître notre histoire, je conseille évidemment les cinq tomes de Georges Duby et Michelle Perrot, "Histoire des femmes", édité chez Plon en 1991. Cette série unique en France se décompose ainsi : "L'Antiquité", "Le Moyen Age", "XVIe-XVIIIe" siècles, "Le XIXe siècle", "Le XXe siècle". Cette somme historique forme une fresque passionnante d'érudition et d'éclairage sur la vie des femmes, sur notre vie en fait. Je possédais beaucoup de livres sur les femmes mais beaucoup ont été écrits sur le vif et passent mal le temps. Par contre, ces cinq tomes n'ont pas pris une ride (l'avantage des livres !) et sont toujours à ma disposition pour un chapitre ou un aspect de notre histoire que j'ai envie de découvrir... On devrait fêter les femmes 365 jours par an et leur témoigner respect, gratitude et admiration... pour tout le travail que nous effectuons dans la famille, dans le milieu professionnel et dans la vie en société...

mardi 6 mars 2012

Le printemps des Poètes, 14e édition

Et le Printemps revient avec sa célébration bien modeste et peu médiatisée de la poésie du 5 mars au 18 mars. Pour se renseigner, il suffit de surfer sur le site "Le printempsdespoetes.com" pour vous donner l'envie de lire de temps en temps un poème classique et découvrir des talents nouveaux. Le thème de cette quatorzième édition concerne l'enfance, terreau originel de tous les humains, sujet traditionnel et universel. Il faut aussi lire l'article éclairé du Monde du samedi 3 mars dans le cahier Culture et Idées. Le journaliste Amaury Da Cunha rend compte de la place mineure qu'elle occupe dans le milieu littéraire : des éditeurs peu aventureux, des libraires peu motivés, des bibliothécaires peu curieux, des médiateurs en fait inexistants. Et il faut ajouter à ce tableau lucide et pessimiste, la réputation de la poésie, qui oscille entre miévrerie et grandiloquence, incompréhension et occultation, dédain et moquerie. Comment sortir de cette impasse ? La poésie mérite souvent le détour du lecteur-trice, encore faut-il trouver dans le monde poétique des poètes qui nous parlent, qui nous plaisent et là s'opère l'adhésion à la poésie. La poésie ressemble à la musique. Je n'aime pas tous les compositeurs, apprécie davantage Bach que Beethoven, Telemann que Mozart, Haendel que Wagner, Haydn que Chopin... Les poètes sont des musiciens du langage. Des poètes officiels et classiques me toucheront toujours comme Nerval, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, René Char, et tant d'autres connus et inconnus. En fait, la poésie se déguste comme un plat rare et unique, mais il faut posséder une certaine ouverture d'esprit et une appétence pour la parole poétique... Un site est recommandé dans l'article cité plus haut : "poezibao.typepad.com", très intéressant pour les amateurs de poésie !

lundi 5 mars 2012

"La chair du temps"

Je connaissais Belinda Cannone par réputation mais je n'avais lu aucun de ses ouvrages. J'ai choisi en librairie son dernier opus, un journal intime, qu'elle baptise, "La chair du temps". Cette épaisseur du temps concerne en fait une perte irréparable pour elle, symbolisée par le vol de deux malles contenant ses souvenirs écrits sous la forme de carnets, notes, journaux, lettres, cartes postales. Ce matériau de papiers, vrais outils intellectuels, l'aide à composer son oeuvre littéraire. Ce vol intervient dans sa vie, désormais fragilisée sur le plan psychologique. Elle raconte ce vol dans sa maison de campagne comme un viol de son intimité et se demande tout au long du journal qui est l'auteur de ce crime "particulier". Ces malles de souvenirs représentaient pour elle son passé, et surtout sa mémoire. On ne peut pas vivre sans la mémoire du passé. Ecrire donne un sens à sa vie et la perte de cette mémoire écrite ressemble à une catastrophe intime. Je cite un passage : "Pour moi, l'écriture correspond à une nécessité vitale. (...) J'en ai besoin à l'échelle de ma vie entière, de son sens. Ce texte-ci se distingue donc des précédents parce qu'il est écrit dans l'urgence immédiate, pour supporter. L'événement a provoqué une brutale modification de mon identité que je dois assimiler : je suis soudain devenue quelqu'un qui a perdu sa mémoire, une autre , une qui n'a plus de passé. La perte a modifié en profondeur (mais pas en surface) qui je suis. D'où l'urgence d'écrire chaque jour pour affronter ce changement brusque, me faire à cette nouvelle identité." Je ne veux pas raconter si les malles seront retrouvées... Ce drôle de journal m'a donné envie de rebondir sur les essais de Belinda Cannone et de découvrir ses romans. Une femme-écrivain obsédée à ce point par l'écriture, par la mémoire, par le passé, ne peut que m'attirer...

vendredi 2 mars 2012

Atelier d'écriture, les proverbes

Mylène nous a lancé dans la confection de proverbes détournés. Cet exercice oulipien peut provoquer des trouvailles pleines d'humour et d'impertinence. Elle nous a fait établir une liste d'une dizaine de proverbes et ensuite, nous devions choisir dans les listes constituées, des proverbes qui nous plaisaient pour les contourner. Voici ceux que j'ai écrits :
Oeil pour oeil, dent pour dent !
Optic 2000, vive les implants !
Araignée du matin, calin,
Araignée du soir, angoisse.
Rien ne sert de pourrir, il faut mûrir à point !
L'homme est un loup pour l'homme,
la louve est la femme du loup.
Les petits sots font les grands torrents de la bêtise.

Deuxième étape : prendre un de ces proverbes et en faire un petit texte,
j'ai repris araignée du soir :
Araignée du matin, calin,
Araignée du soir, angoisse,
Araignée du matin, chagrin,
Araignée du soir, espoir,
Je déteste les araignées,
J'épargne la première pour le calin,
J'écrase la seconde pour l'angoisse,
J'écrabouille la troisième pour le chagrin,
Je vénère la quatrième pour l'espoir.

Voilà nos écritures ludiques et sans prétention...

jeudi 1 mars 2012

Rubrique cinéma, "Albert Nobbs"

Albert est serveur dans un hôtel de Dublin à la fin du XIXe siècle. Albert Nobbs correspond parfaitement au portrait du domestique compétent et dévoué. La vie terne, servile de ce personnage nous est racontée dans un film de Rodrigo Garcia. Cet homme solitaire et pathétique est joué par l'immense actrice, Glenn Glose. Albert Nobbs est donc une femme... Pour pouvoir travailler, elle se déguise en homme depuis trente ans. Un corset lui cache sa poitrine et elle a coupé ses cheveux très courts. On la suit dans son travail quotidien servant des nobles débauchés, des bourgeois dublinois, un médecin alcoolique, etc. Sa vie bascule quand elle rencontre un artisan peintre, Herbert Page. Herbert découvre qu'Albert est une femme et lui-même vit en concubinage avec une autre femme. Albert va tout avouer et se met à rêver d'une vie "normale" : vivre en couple, être propriétaire d'une petite boutique grâce aux économies amassées depuis trente ans. Elle va donc proposer à une jeune serveuse de sortir avec lui-elle. La petite serveuse lui extorque des cadeaux sous l'influence de son petit ami, arnaqueur et violent. Je ne livre pas la fin tragique du film. La situation des femmes du peuple à cette époque ressemblait à de l'esclavage à l'intérieur de leur famille. Le travail leur était pratiquement interdit... J'ai trouvé ce film très émouvant et révoltant aussi car il dénonce cette injustice totale et scandaleuse de la condition féminine dans les siècles passés mais aussi de nos jours encore dans certains pays rétrogrades. Ce film ne sera pas un gros succès populaire et c'est bien dommage... Glenn Glose confirme son talent de représenter des femmes singulières, fortes comme dans la très bonne série "Damages". Peu de comédiennes accepteraient un rôle d'homme sans maquillage et sans fard. J'aime vraiment les films de ce genre, tendus, précis, sobres, déroulant une histoire humaine loin de la banalité et du conformisme ambiant. Une réussite...