jeudi 20 décembre 2018

"Fille de révolutionnaires"

Laurence Debray raconte dans ce livre, "Fille de révolutionnaires", son héritage familial, un héritage patrimonial encombrant et embarrassant. Ses parents, célèbres pour leur engagement politique, s'appellent Régis Debray et Elizabeth Burgos. Le père de Laurence a démarré sa carrière en épousant la cause cubaine, la révolution castriste et l'utopie communiste. Son ami mythique, Che Guevara, en fera un guérillero dans la jungle bolivienne. Sa mère, vénézuélienne, est une amie de Fidel Castro et  rejoint son compagnon dans les luttes anticapitalistes contre les dictateurs sudaméricains. Régis Debray sera arrêté en Bolivie et restera plus de trois ans en prison. La grand-mère de Laurence soutiendra son fils et le fera libérer en remuant ciel et terre et en s'appuyant sur ses nombreuses relations politiques dont le Général de Gaulle. Dans ces années 60, la légende de ce couple de révolutionnaires marquera la politique française. Laurence Debray relate avec sincérité et avec une dose d'humour acide les liens qu'elle entretient avec ce drôle de père. Les parents de l'auteur ne vivront jamais ensemble et leur fille éprouve souvent un sentiment de solitude. Souvent absent, Régis Debray préfère la politique en tant que conseiller de Mitterrand, son métier d'intellectuel et oublie de bercer sa petite fille. Elle passe son enfance tourbillonnante dans le milieu intello parisien. Sa marraine se nomme Simone Signoret et son parrain, le peintre chilien Matta. A dix ans, elle est envoyée dans un camp de pionniers à Cuba où elle apprend le maniement des armes… Elle est entourée de réfugiés des dictatures d'Amérique du Sud. Les anecdotes sur la vie de ses parents forment une fresque pittoresque et colorée, correspondant à l'un des aspects de notre histoire contemporaine. Comment ces intellectuels ont-ils basculé dans cette utopie révolutionnaire, inspirée de Cuba ? Laurence Debray ne mâche pas ses mots pour fustiger l'aveuglement de tout un pan de la gauche française. La petite Laurence peut compter sur ses grands-parents, surtout la mère de Régis Debray, Janine, une figure tutélaire et charismatique. Elle cultive aussi ses racines vénézuéliennes en se rendant souvent dans le pays de sa mère. Elle décrit les petitesses de son père, sa raideur idéologique, son égocentrisme et son étourderie légendaire. J'ai découvert à travers ces pages une image un peu froissée de cet écrivain brillant et iconoclaste. Laurence Debray, en dévoilant l'intimité de ses parents, règle un peu ses comptes à cause d'une enfance privée d'attentions quotidiennes et d'affection inconditionnelle. Ce récit autobiographique révèle une forte personnalité, celle de l'auteur, qui prend le contrepied de ses parents. Elle a écrit une biographie du Roi Juan Carlos, a travaillé dans une banque et préfère le capitalisme au communisme… Quelle famille ! Un ouvrage percutant, décapant, lucide.