vendredi 25 avril 2014

"Le tort du soldat"

J'ai déjà évoqué l'écrivain italien, Erri De Luca, dans ce blog et il fait partie de mon "Panthéon" littéraire personnel tellement sa voix est unique, originale, émouvante, empathique, proche et familière. Je viens de terminer "Le tort du soldat", récit emblématique sur la plus grande tragédie du XXème siècle : la Guerre de 39-45 et l'extermination des Juifs. On entend deux voix, celle du narrateur, Erri De Luca et celle de la fille d'un criminel de guerre, responsable de la Shoah. La première partie du récit repose sur les impressions de l'écrivain concernant une rencontre dans une auberge où il aperçoit ce couple fille-père à une table du restaurant. Il évoque aussi son amour pour la langue yiddish et sa littérature qu'il veut sauver de l'oubli. Il rend évidemment un hommage appuyé aux livres. Je cite un passage : "J'ai peu joué, je préférais lire. Dans les livres, il était impossible de se sentir grand. Les histoires étaient immenses, en comparaison ma lecture était petite. (...) Les livres confirmaient ma taille minuscule. Mais quelque chose grandissait en moi. (...) Moi, j'avais l'impression que c'était au contraire ma capacité pulmonaire qui augmentait. La lecture de Stevenson m'a rempli d'air d'océan. La poésie napolitaine me déliait la langue. London m' a appris la neige." Erri De Luca est un conteur merveilleux et nous fait ressentir des émotions très simples devant le moindre événement vécu. La deuxième partie du récit révèle une voix étonnante de la fille du criminel nazi, voix lucide et déchirée par l'identité insupportable de son père. Comment survivre à cet héritage ? Le père, se sentant toujours traqué, vit sous une fausse identité et nie sa culpabilité en prononçant cette sentence : "Le tort du soldat, c'est la défaite." Face à ce père assassin, intraitable et privé de remords, il n'existe qu'une solution : rompre avec lui. Mais, je ne dévoile pas la fin du récit. Un petit livre d'à peine 88 pages, mais surtout un grand récit sur la mémoire, la filiation et la folie des hommes...