jeudi 1 mai 2014

"La fête de l'insignifiance"

J'attendais beaucoup du dernier roman de Milan Kundera, un écrivain que j'aime tout particulièrement, mais à la fin de ma lecture, j'éprouve une légère perplexité.  Cela fait longtemps qu'il n'écrit plus de grands romans de forme classique avec une intrigue solide, des personnages attachants ou non, des idées imbriquées dans les mailles du texte, une critique radicale du totalitarisme communiste, la comédie de l'amour, la pratique de l'ironie dans la vie. J'avais dévoré "L'insoutenable légèreté de l'être", "La plaisanterie", "La valse aux adieux". Depuis 20 ans, il préfère la forme courte, qu'il nomme roman, mais qui ressemble plus à des essais même si des personnages de plus en plus elliptiques et évanescents donnent chair à sa philosophie teintée de désespoir. J'ai quand même suivi sa démarche à la Diderot, appréciant sa nouvelle façon d'écrire. Ses faux romans ("La lenteur", "L'identité" et "L'ignorance") et ses essais sur la littérature ("Les testaments trahis", "L'art du roman", "Le rideau") font de lui, évidemment, l'un des derniers grands écrivains vivants. Son dernier opus s'avère rétif au compte-rendu traditionnel. Comment raconter les discussions entre quatre amis ? Comment comprendre l'anecdote sur les vingt-quatre perdrix de Staline, leitmotiv du livre ? Et parfois, je retrouve les réflexions fulgurantes de Milan Kundera sur la solitude, l'absurdité de la vie, des événements, la complexité des êtres, l'incommunicabilité mais ce genre littéraire appartient plus à l'essai philosophique qu'au roman. Je cite un passage de la pensée "kunderienne" : "L'insignifiance, mon ami, c'est l'essence de l'existence. Elle est avec nous partout, toujours. Elle est présente même là où personne ne veut la voir : dans les horreurs, dans les luttes sanglantes, dans les pires malheurs. Mais il ne s'agit pas de la reconnaître, il faut aimer l'insignifiance, il faut apprendre à l'aimer." Peut-être faut-il lire avec plus d'attention "La fête de l'insignifiance" pour une meilleure compréhension ? Je conseille néanmoins la lecture de la critique du Monde des Livres par exemple (daté du 4 avril) pour entrer plus aisément dans cette fête des mots, de la littérature et d'une pensée d'une subtilité parfois obscure...