vendredi 25 janvier 2019

"Arcadie"

Emmanuelle Bayamack-Tam vient de publier son onzième roman, "Arcadie", aux éditions P.O.L. Le lecteur qui ouvre un livre de ces éditions sait qu'il entre dans une zone littéraire souvent originale, particulière, singulière. "Arcadie" présente donc ces qualités rares dans la production éditoriale. Le personnage principal s'appelle Farah, une jeune adolescente qui vit dans une communauté depuis l'âge de six ans. Une immense bâtisse, un ancien internat de jeunes filles, lovée dans une vallée, près de Nice, accueille des inadaptés sociaux de toutes sortes : les anticonformistes, les écologistes anti-ondes, les végétariens, les phobiques des nouvelles technologies, les handicapés, bref, tous ceux qui rejettent les normes sociales et préfèrent la liberté des mœurs. Un chef charismatique, nommé Arcadie, règne dans cette microsociété paradisiaque. Ce jouisseur bedonnant subjugue tous les membres de ce clan tel un gourou traditionnel. Son grand slogan, "l'amour triomphe de tout", rythme la vie du groupe. La petite Arcadie adopte cette règle car elle veut offrir sa virginité à Arcadie. Mais, Farah n'est pas totalement une femme. Son identité sexuelle, proche de l'androgynat, la magnifie aux yeux d'Arcadie qui l'initie à l'amour physique. A Liberty House, tout est permis. Dans cet Eden d'un autre âge, l'irruption du monde extérieur se manifeste avec l'arrivée clandestine d'un migrant africain. Farah veut l'accueillir, sa générosité débordante l'incite à cacher et à nourrir cet homme esseulé. Comme "l'amour triomphe de tout", la jeune adolescente compte bien intégrer le nouveau venu. Mais, après une délibération du groupe, Arcadie refuse l'aide au migrant. Le dépit de Farah la conduit à quitter la communauté et à rejoindre le monde de la réalité sociale. Elle va rencontrer une amie dans une boite de nuit et entame sa première relation amoureuse. A la fin du roman, Arcadie et les membres de la communauté sont dénoncés par la presse et tout est remis en question. Je ne dirai pas la fin de ce roman étrange et dérangeant. Cette fresque à la Jérôme Bosch, servie par une écriture baroque, n'a pas obtenu de prix littéraire : elle aurait mérité le Prix Médicis…