lundi 28 février 2011

Des gens très bien

Le dernier livre d'Alexandre Jardin est un véritable cri de colère, une colère salutaire à l'encontre de son grand-père Jean Jardin dit Le Nain Jaune. Ce grand-père fut le collaborateur de Pierre Laval de 1942 à 1943. Ce livre-témoignage devient un réglement de comptes familial et raconte une tranche très sombre et honteuse de l'Histoire de France.
Le message de ce document pourrait se résumer en une seule question : comment un fils ou un petit-fils peuvent-ils survivre à la honte ? La honte de faire partie d'une filiation dont on se remet pas. Le père d'Alexandre Jardin a vécu dans le déni de réalité en écrivant des romans légers et superficiels. Le petit Alexandre a longtemps fait semblant de croire à une légende de "gens très bien" égarés par hasard sur un chemin de "sauvegarde nationale" afin de protéger le peuple français du nazisme. Alors que certains Français résistaient au péril de leur vie, d'autres collaboraient... Ces gens honnêtes, éduqués, formatés au conformime social se sont retrouvés sur un terrain miné. Pourquoi "ces gens très bien" ont-ils basculé dans l'immonde, l'impensable en fermant les yeux sur les convois de la mort, l'Holocauste ? Alexandre Jardin nourrit son livre de toutes ces questions insolubles. Mais il va dénoncer cette cécité et enfin rompre avec un passé familial honteux. Pour survivre et surtout pour ces propres enfants, il crie sa colère, son dégoût et sa rancoeur. Il écrit "Ce livre aurait pu s'appeler "fini de rire". C'est le carnet de bord de ma lente lucidité".
Livre-vigie, livre-bilan, livre-courage, cet opus digne de Stéphane Hessel, réveille en nous un sentiment d'indignation face à la Collaboration de Vichy. Les liens familiaux ne peuvent pas se perpétuer quand l'un des siens commet l'irréparable : se conduire comme l'a fait ce grand-père si bien élevé... Alexandre Jardin signe là son "testament" amoureux de la vérité et de la dignité.