lundi 28 mars 2011

Les insurrections singulières

Ce titre de roman recèle un mystère que le lecteur a envie de découvrir... C'est l'histoire d'Antoine, mal dans sa peau, ayant raté ses études. Il travaille à l'usine et renoue avec son identité ouvrière. Mais, Antoine ressent un malaise et une inquiétude sur son "devenir". Pour lui, travailler dans une usine, c'est mourir à petits feux... Il a observé ses parents ouvriers, leur vie de couple "durable", simple et aimante. Lui veut un autre destin. Après une rupture douloureuse, Antoine revient chez ses parents et rencontre un bouquiniste, passionné de livres rares et qui va jouer un rôle majeur dans sa vie. Antoine ne lisait pas, avait peur de ce monde inconnu et voilà notre personnage transformé par cette amitié : "Il est parti au camion, en est revenu avec une petite caisse en bois, façon vieille malle de voyage. Il la tenait bien serrée contre lui. (...) Il a ouvert avec précaution. Ils étaient là, bien rangés, ses livres, chacun enveloppé de papier cristal. C'étaint ses éditions rares. Celles qu'il ne sortait du camion que si un vrai connaisseur le lui demandait. Ce n'était pas rien, de me montrer son trésor. Je mesurais le geste, de me montrer son trésor. (...) D'abord l'admiration, une fois retirées les protections transparentes, devant les exemplaires magnifiques que j'avais sous les yeux. Puis, cet étrange effet : poser mes doigts sur les reliures en veau patiné, les dorures à l'or fin. Le sentiment d'avoir droit enfin, d'un coup, à ce qui est rare, à ce qui est beau." Antoine découvre une dimension, une "insurrection singulière", celle de découvrir après l'amour, le goût des livres... Il se sent en "décalage" avec les autres et grâce à Marcel, le libraire, Antoine va entreprendre un voyage au Brésil qui va le libérer de sa rage, de sa colère. Les mots vont naître, les sentiments vont re-naître, sa vie va reprendre un cours en harmonie avec ses rêves d'origine. Ce qui est remarquable dans ce roman de Jeanne Benameur, c'est le style mi-réaliste, mi-poétique du récit comme une longue mélopée traversée de pépites coléreuses sur la condition humaine, celle des perdants, des modestes, des vaincus. Un beau roman à découvrir et une femme-écrivain qui possède un style unique, qui peut déranger des lecteurs mais qui frappe, cogne, et réveille...
Encore un livre des Editions Actes Sud ! Et quel titre ! "Les révolutions sont d'abord intérieures. Et parce que "On n'a pas l'éternité devant nous. Juste la vie." (Extrait du résumé de la 4ème couverture)