mercredi 19 avril 2023

"La Plaisanterie", Milan Kundera, 1

 Publié en 1967 avant le Printemps de Prague, le roman de Milan Kundera, "La Plaisanterie" se déroule en Tchécoslovaquie après 1948 dans la période communiste du pays. Ludvik Jahn, étudiant et militant enthousiaste de la "cause", est exclu du Parti et renvoyé de l'Université. Il subit ainsi l'opprobre des dirigeants de sa cellule pour une blague de potache. Pour séduire son amoureuse, militante convaincue comme lui, il lui envoie une carte postale alors qu'elle suit un stage de formation (ou de formatage) sur le marxisme. Il lui déclarait cette formule : "L'optimisme est l'opium du genre humain ! L'esprit sain pue la connerie ! Vive Trotski !". Cette "plaisanterie" est prise très au sérieux dans l'entourage politique de la jeune fille. On ne plaisante pas dans ce pays du communisme sérieux, la dernière "illusion lyrique" du XXe siècle. Ce jeune étudiant a conservé un certain humour qui le range dans la catégorie des "intellectuels", un qualificatif dangereux, un individu arrogant pour les tenants du dogme. Il est enrôlé de force dans l'armée avec les "noirs", les déviants et ennemis de classe, loin de Prague dans un camp. Il rencontre des récalcitrants comme lui et raconte cet enfer kafkaïen où il côtoie toutes sortes de gens que le pouvoir suspecte de trahison comme ce peintre cubiste, représentant un courant artistique contraire à l'idéologie communiste. Dans ce roman polyphonique, quatre destins se croisent : Ludvik, le renégat, Jaroslav, son ami musicien, attaché aux traditions populaires de son pays, Helena, femme de son collègue à l'origine de son exclusion, Kostka, un ami croyant et Lucie, une femme discrète et apolitique. Quand il est en permission et après plusieurs aventures légères et hâtives, il tombe amoureux d'une femme timide et douce, Lucie, "la déesse des brumes" au passé malheureux car elle a été violée et le jeune homme l'ignore. Ce personnage très émouvant lui échappera malgré l'amour qu'il ressent pour elle : "On parle volontiers de coups de foudre. L'amour tend à façonner la légende de soi-même, à forger après coup le mythe de ses commencements". Plus tard, Ludvik vivra avec ce souvenir d'amour : "Elle m'habitait jour et nuit, comme une nostalgie silencieuse ; je la désirais comme on désire des choses perdues à jamais". Milan Kundera a toujours précisé qu'il écrivait des romans d'amour et ne revendique en aucun cas que ses textes soient considérés comme des essais politiques de dissident. (La suite, demain)