vendredi 17 juin 2022

"Les lieux de Marguerite Duras"

 J'avais lu cet ouvrage, "Les lieux de Marguerite Duras", à sa sortie en 2016, publié aux Editions de Minuit. Quand on aime vraiment un écrivain ou une écrivaine, tous les livres qui évoquent leur vie sont toujours intéressants à lire. Dans ma bibliographie pour l'atelier Littérature de juin, j'ai proposé le thème des lieux, de l'espace, une obsession que Georges Perec a su illustrer magistralement dans son œuvre littéraire, surtout dans "Espèces d'espaces". J'ai donc relu le récit de Michelle Porte sur Marguerite Duras et ses manières d'habiter son monde intime spatial. Ces entretiens se déroulent en 1976 et racontent ces lieux emblématiques : la maison de Neauphle, le parc, la forêt, Trouville, la mer, l'Indochine, et tant d'autres endroits qui forment les décors de ses romans. J'ai retrouvé Marguerite Duras dans ces textes quand elle évoque le silence des femmes, le rapport qu'elles entretiennent avec leur maison : "Moi, dans cette maison-ci, avec ce jardin, je suis dans des rapports que les hommes n'auront jamais avec un habitat, un lieu". L'écrivaine parle de ses romans, en particulier, "Nathalie Granger" et "L'après-midi de Monsieur Andesmas". Parfois un lieu la faisait rêver et de ce rêve éveillé, naissait un roman. Sa famille tient aussi une place essentielle dans sa matrice littéraire et Michelle Porte illustre les entretiens avec des photos de famille : son père qu'elle n'a pas connu, sa mère et ses deux frères. Son roman, "Le barrage contre le Pacifique", relate son enfance en Indochine et la faillite de sa mère qui possédait des terres envahies par la mer, ne produisant pas de riz. Ce lieu mythique aura influencé sa vie toute entière. Marguerite Duras déclare dans un des entretiens cette pensée prémonitoire qui date de plus de quarante ans : "La fin du monde arrivera lorsqu'il n'y aura plus sur terre que ces deux blocs monolithiques de la Russie et de l'Amérique qui se regarderont dans un désert. (...) Je pense à notre disparition, à la disparition de l'Europe". L'écrivaine se confie en toute confiance à son amie, Michelle Porte et poursuit ses réflexions sur les personnages féminins, en particulier, l'envoûtante Anne-Marie Stretter dans "India Song". Les lieux, "porteurs de mémoire", ont donc inspiré les écrits de Marguerite Duras, une magicienne des mots et de l'amour, surtout. Un document à lire pour tous les amoureux et amoureuses de cette écrivaine si singulière, si émouvante dans sa passion de l'écriture. Un souvenir "vintage", un retour au XXe siècle, ce si grand siècle de la littérature française.