jeudi 7 mars 2019

Pierrette Fleutiaux

J'ai appris le décès de Pierrette Fleutiaux d'une crise cardiaque. Née en 1941 à Guéret, son père dirige l'école normale primaire et sa mère est professeur de sciences naturelles. Elle obtient l'agrégation d'anglais à la Sorbonne. En 1968, elle part à New York où elle est correctrice dans une agence littéraire, puis, traductrice à l'ONU et professeure au lycée français. Anne Philippe l'introduit dans le monde de la littérature en publiant son premier roman en 1975, "L'histoire de la chauve-souris". Elle obtient le prix Femina pour "Nous sommes éternels" qui demeure son plus grand succès de librairie. J'ai découvert cette écrivaine à cette époque-là et j'ai tout de suite remarqué la qualité de son écriture et de son univers romanesque. J'ai surtout apprécié trois de ses livres, les plus récents. En 2003, la maison d'édition Actes Sud publie "Des phrases courtes, ma chérie", récit bouleversant, où elle raconte sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle écrit :"On fait avec le vieux parent comme on a fait avec ses enfants : on voudrait qu'il mène une vie saine, fasse du sport, ait de bons amis, se porte bien et ne vous colle pas aux basques. On fait ce qu'on sait faire. On devient tyrannique". Ce récit autobiographique d'une force émotionnelle impressionnante m'avait vraiment touchée surtout quand on partage une expérience similaire. La description de la maison de retraite avec le personnel, les proches et les amis se transforme en projet littéraire de premier plan. Un microcosme aussi réduit prend une dimension universelle sous la plume de l'écrivaine. J'ai lu aussi son témoignage sur la dureté de la vie politique en France avec son livre, "La saison de mon mécontentement", publié en 2008. Elle pose la question de la place des femmes dans la société à l'occasion de la présence de Ségolène Royal au second tour des élections présidentielles. Ce pamphlet, qui dénonce la misogynie ambiante avec un humour distancié traduit la fibre féministe de l'écrivaine. Après la mort d'Anne Philippe en 2010, elle lui rend hommage dans un très beau récit, "Bonjour, Anne, chronique d'une amitié". Comme j'appréciais Anne Philippe qu'on ne lit plus, hélas, j'ai beaucoup aimé ce récit intime, pudique et délicat. Son dernier roman, "Destiny" évoque la rencontre d'une grand-mère avec une jeune Nigériane qui a fui son pays. Cette relation un peu chaotique et fragile s'enclenche entre ces deux femmes si différentes. Voix singulière de notre littérature nationale, Pierrette Fleutiaux a aussi géré avec générosité la Société des gens de lettres. Les critiques littéraires ont toujours signalé sa discrétion naturelle et son élégance morale. J'ai toujours pensé que les écrivains, femmes et hommes, vont tout droit au paradis tellement ils ont enchanté le monde par leur présence. Merci, Madame Fleutiaux.