mardi 29 novembre 2011

"Les Intouchables"

Je fais donc partie de la "petite dizaine de millions" de Français qui sont allés voir "Les Intouchables". Je craignais un peu la popularité du film mais j'ai toujours envie de percevoir les tendances culturelles de notre époque. Le sujet du film que tout le monde connaît : un milliardaire tétraplégique engage un gars de la banlieue. Deux mondes vont s'affronter : le raffinement du milieu de l'homme handicapé et le milieu simple et ordinaire du Noir, issu de la banlieue. L'un posséde tout l'or du monde mais ne peut pas s'offrir la santé et une vie normale sur le plan physique. L'autre n'a rien, pas d'argent, pas de culture, pas de métier mais il possède la santé, l'énergie, la vitalité et la joie de vivre. Le film raconte cette amitié : le milliardaire va l'initier au bon goût avec la musique classique, l'art, la poésie. Lui, le gars rude de la rue, va lui donner la sensation, la vie matérielle, les sentiments et même l'amour. Les scènes sur la musique classique sont caricaturales mais c'est vrai qu'il y a du snobisme et de l'hypocrisie dans ce milieu musical très restreint et il est souvent difficile de le connaître. L'éducation est aussi une richesse qui n'est pas donnée à tout le monde. Driss apprend la patience, la délicatesse dans les soins, et la gentillesse. Le public aime ce film pour des raisons évidentes : une belle histoire d'amitié tirée d'une histoire vraie, la confrontation entre la maladie et la santé, les vraies valeurs de la solidarité, de la simplicité, de l'amour. La belle vitalité de Driss rythme le film et le spectateur sourit, rit et se pose aussi des questions sur la place des handicapés dans notre société, celle des enfants d'immigrés, la différence sociale, la culture élitiste et la culture populaire. Les scènes de souffrance ne sont pas oubliées car on voit la douleur physique de l'un et la douleur morale chez l'autre en rupture avec sa famille. Au fond, ce film mérite le succès phénoménal qu'il attire. C'est un conte de fée d'aujourd'hui et en temps de crise, l'humour et la générosité touchent le spectateur et peut-être, qu'une valeur morale sera plus présente dans notre société en crise : la tolérance !

lundi 28 novembre 2011

Eloge des Cent papiers

J'avais raté ce livre -cadeau, hors-commerce, en avril 2011 à l'occasion de la fête du livre en librairie. Heureusement qu'il existe maintenant la "communauté" des lecteurs sur Internet qui vendent leurs livres pour des raisons d'encombrement, d'économie, d'échange. J'ai donc retrouvé avec plaisir ce livre-hommage au métier de libraire et des livres. Dans l'introduction, Marie-Rose Guarnieri écrit une introduction émouvante sur les libraires : "Oui, ce métier, je le répète, c'est apprendre à créer des liens entre présent et passé, vivants et morts, lecteurs et livres, libraires et éditeurs et bien d'autres encore que je tairai...". Plus loin, un autre libraire définit la librairie comme "un lieu d'empathie et d'écologie urbaine". Suit un lexique très bien présenté sur les termes professionnels qui sont utilisés dans le milieu des livres. J'en cite quelques uns pour le plaisir des mots : acut, boustrophédon, drouille, esperluette, volumen, etc. Des textes d'écrivains illustrent cet amour des mots et des livres. Je suis heureuse de conserver ce bel ouvrage, un hymne aux mots, à la pensée, à l'intelligence et à la mémoire. Le métier de libraire et tous les métiers liés à la lecture, à l'écriture et à la connaissance, doivent absolument survivre dans cette mutation de la sphère "Gutenberg". Tant qu'il y aura des livres, il y aura des librairies... Pensez à les fréquenter pour vos cadeaux de Noël !

vendredi 25 novembre 2011

Haro sur les prix littéraires

Un article du journal le Monde daté du 23 novembre a retenu mon attention. Un écrivain-éditeur, Luis de Miranda, déplore l'effet "prix littéraires" dans la vente des livres, surtout en fin d'année. Il définit même ce phénomène comme un assassinat des petits éditeurs. Les gros éditeurs formeraient une oligarchie très organisée pour étouffer la vraie création littéraire. Les jurés votent pour leur propre éditeur, etc. Une comédie sans fin, celle du mileu parisien, concentre l'essentiel des ventes en librairie. Il relate aussi la déception de beaucoup de lecteurs qui ont acheté les prix et qui, après les avoir lus, éprouvent une déception. Ce cri de colère d'un éditeur, meurtri parmi les mille éditeurs français, m'a alertée sur cette tendance facile d'aller directement sur les romans cités par la presse littéraire. Moi-même, je ne suis pas insensible aux romans primés et je les ai mentionnés dans ce blog. J'accorde bien volontiers à Luis de Miranda le sentiment d'une immense injustice que vivent ces centaines d'écrivains sans cesse refusés par les grands éditeurs et occultés par la critique. Ces grandes maisons ne veulent pas prendre de risque et ne diffusent que des valeurs sûres. Ce gachis constaté par l'auteur de l'article a le mérite de nous faire réagir et d'éveiller notre curiosité de lecteur. Ma participation au Festival du Premier Roman de Chambéry répond a ce besoin de découvrir d'autres voix de l'écriture, hors sentiers battus, hors idées dominantes. Chaque lecteur ou lectrice peut fabriquer sa propre opinion sur une trentaine d'auteurs, qui ont réussi à franchir un premier cap, le Cap Horn de la prise en charge chez un éditeur, si modeste soit-il. Le ton et les arguments de l'article sont inscrits dans l'outrance et l'exagération. Mais j'aime bien ces coups de griffe, ce cri de colère et cet esprit de révolte de Luis de Miranda...

jeudi 24 novembre 2011

Rubrique cinéma

Cette semaine, j'ai vu deux films français conseillés par la critique. Le premier, "Toutes nos envies" avec Vincent Lindon est tiré d'un livre d'Emmanuel Carrère et m'a semblé très triste, lugubre même. C'est pourtant un beau portrait de femme-juge qui essaie de limiter les dégâts du surendettement. Une belle amitié se noue entre les deux juges qui se lancent dans la bataille juridique pour trouver une solution permettant de libérer ces victimes naïves, de cette spirale infernale. Ce cinéma social a le mérite de nous montrer des personnages ordinaires, simples, humains, loin des stéréotypes habituels. On sort de la salle avec un sentiment mitigé entre la satisfaction de voir des magistrats honnêtes et vigilants défendant la cause des "petits" contre les "gros", et le regret attristé de voir que le cancer est une "saloperie", un summum de l'injustice qui tue au hasard. C'est un bon film sur la crise sociale, le malaise de la justice, la place du cancer dans les familles. Le deuxième film vu le lendemain, "L'Excercice de l'Etat", est un véritable coup de poing. Ce film, au lieu de réconcilier le citoyen avec son élite politique, ne fait que l'en éloigner encore plus. Le personnage du ministre des transports essaie de maintenir les gares dans le secteur public car le premier ministre veut les privatiser. Ce personnage est présenté comme une marionnette dans les mains du pouvoir, représenté par le Premier Ministre et surtout par le Président. La description sans concession du milieu politique qu'il soit de droite ou de gauche donne au film un goût amer et mordant. La scène dans la caravane entre le ministre et ce couple d'ouvriers illustre l'incompréhension entre "l'élite de la nation" et les gens "d'en bas"... Le mutisme glacial de la part de ceux qui n'ont aucun pouvoir se mue en frontière infranchissable face à ceux qui se partagent les privilèges et les honneurs. Quand le cinéma se politise, il offre une image déplorable de l'Etat et de ses commis, élus ou pas... Cinéma efficace, cinéma social, cinéma qui ne fait pas rêver, qui ne donne pas la pêche mais qui réveille le spectateur, alerte sur les dérives économiques et politiques, et révèle la crise de "civilisation" que nous traversons....

mardi 22 novembre 2011

Festival du Premier Roman

J'ai terminé un premier roman avec agacement. Il s'agit de "Ma petite Française" de Bernard Thomasson aux Editions du Seuil. Pourtant, le sujet semble séduisant : un retour aux sources pour une Française, expatriée aux Etats-Unis, universitaire et historienne. Elle revient donc à Berlin où elle a effectué un séjour quand elle avait dix-huit ans dans un Berlin muré et grillagé. Le Mur de Berlin est un personnage important dans la trame du récit. Ma déception se porte surtout sur le style trop commun, relâché et brouillon. J'ai eu du mal à croire à cette histoire invraisemblable d'une rencontre entre un journaliste français ont la mère était juive et qui a été recueillie par le couple d'Allemands et Ellen, la jeune Française. Ce couple était la famille d'accueil de la petite Française ! L'intrigue manque de réalisme et de cohésion, d'authenticité. Le personnage d'Ellen est certes fort sympathique. Elle raconte ses rencontres avec ses nouveaux amis : un jeune immigré Turc évidemment macho, une jeune fille foldingue dont elle tombera amoureuse et qui se suicidera, un couple inséparable qui se chamaille sans cesse. Le seul élément qui m'a étonnée dans le roman se situe dans la relation d'Ellen et de Sam, Sam se révèlant être une femme...
Dans le comité, nous donnons des étoiles : j'en propose une pour ce premier roman surtout pour Berlin et le personnage d'Ellen.

lundi 21 novembre 2011

"Grâce leur soit rendue"

Ce roman, écrit par Lorette Nobécourt, aux Editions Grasset, n'a pas été trop remarqué à la rentrée littéraire. Pourtant, les lecteurs-lectrices qui aiment un certain souffle romanesque, un effet "touffu", un ressort dramatique, des personnages hors du commun et la description d'un milieu artistique peuvent apprécier ce livre de 449 pages... Roberto et Unica forment un couple passionnément amoureux l'un de l'autre. L'histoire se passe à Barcelone dans les années 80. L'auteur évoque aussi l'exil forcé de Roberto et Unica, fuyant le Chili, pays meurtri par Pinochet et sa bande immonde de tortionnaires. La lectrice "motivée" et patiente que je suis s'est tout de suite attachée au personnage d'Unica, vivant sa vie comme un absolu, sans compromis et sans fadeur. Ce portrait de femme éclaire le roman d'une lueur noire et blanche à la fois. Cette femme au sommet de la passion amoureuse finira par se suicider. Roberto se reconstruit avec leur fils Kola et retrouvera un équilibre grâce à l'amour paisible et rassurant de la psychanalyste d'Unica. Kola partira à la recherche de ses racines au Chili et résume à lui seul le parcours chaotique de ses parents, voués à la création littéraire, se transformant en force de destruction, surtout pour Unica. J'ai été sensible aussi à toutes les références culturelles et artistiques de l'époque, et au style puissant et imagé de Lorette Nobécourt. En voici un exemple : "La bourgeoisie ! Apeurée, craintive, réductrice, méprisante, avare, hypocrite jusqu'à la méchanceté, baignant dans ses dénis dédaigneux, ses funestes non-dit, infectée par la haine de soi, gâtée par son aversion du passé, solidaire dans la perversité, rivale dans le gain, épargnante. La bourgeoisie où, vêtus de costumes trois pièces, circulaient des porcs." Je me demande pourquoi ce livre a été quelque peu marginalisé dans cette rentrée encore dominée par des écrivains masculins, certes très talentueux mais qui ne possèdent pas cette vision passionnée de l'amour et de la vie dans la littérature. Seule, une femme écrivain ne pouvait que composer une telle symphonie de mots et de personnages inscrits du côté de la vie "excessive"...
Un petit mot sur l'auteur trouvé sur le site de Decître :
Lorette Nobécourt est née à Paris en 1968.
Elle est l’auteur de plusieurs romans dont La Conversation (1998), Horsita (1999, En nous la vie des morts (2006), La Démangeaison (2009) et L’Usure des jours (2009), tous publiés chez Grasset. Grâce leur soit rendue est son neuvième livre.
Je vais donc découvrir ses romans antérieurs avec curiosité.

vendredi 18 novembre 2011

Hommage à Pierre Dumayet

Encore une mauvaise nouvelle pour moi : la disparition d'un homme qui m'a donné le goût et l'amour de la littérature, Pierre Dumayet. Pierre Dumayet était un critique littéraire "cultivé" avec "lectures pour tous" "Lire, c'est vivre", un pionnier de la télévision exigeante et intelligente avec l'émission mythique, "Cinq colonnes à la une", un écrivain singulier, un homme honnête, rigoureux, peut-être démodé mais aussi intemporel et classique, un modèle pour tous ceux qui aiment la littérature anti-bling-bling et anti-commerciale. Je l'ai rencontré il y a une petite dizaine d'années dans une journée professionnelle à Bron, oû il intervenait sur le rôle de la critique littéraire. Je l'avais écouté "religieusement" et j'ai pris la parole à la fin de la journée pour lui poser des questions. En fait, j'ai improvisé un hommage oral en affirmant que sans lui, je ne serais pas devenue libraire et bibliothécaire. Je me souviens de ces émissions toujours lumineuses d'intelligence, de modération, d'admiration muette de sa part face aux écrivains qu'il interrogeait. Je l'ai donc remercié in vivo en saluant avec une sincérité absolue son influence sur ma vocation et sur celle des bibliothécaires présentes à cette journée professionnelle. Je me souviens de l'ovation du public à son égard et j'en étais fort heureuse pour lui. Ce grand Monsieur qui aimait la littérature et l'écriture a vraiment marqué la vie littéraire des années 60 aux années 80. Ses silences, sa discrétion, sa voix si profonde nous manqueront.

jeudi 17 novembre 2011

Philip Roth

Le dernier roman de Philip Roth, "Le rabaissement" m'a quelque peu déconcertée : je n'ai pas retrouvé la plume géniale de cet écrivain américain, un de mes préférés. L'histoire d'amour entre un acteur à la soixantaine dépassée et une jeune femme, dans la trentaine, ne fonctionne pas. La jeune femme, homosexuelle conquérante, entreprend une liaison "torride" avec Simon Axler, comédien en crise et en déclin. Elle défie ses parents, amis de ce dernier. Simon Axler est une homme naïf et déprimé et Peegen, la jeune femme cynique et désinvolte compose un personnage troublant et peu sympathique. Elle entreprend une pause dans sa vie amoureuse trépidante. Simon la transforme en vraie femme "féminine" et croit qu'elle va vraiment refaire sa vie avec lui. Il va même s'imaginer une vie de famille avec un enfant qui changerait tout pour lui. Alors qu'il fantasme sur un changement radical dans sa vie, Pegeen se dérobe et finira par fuir cet amour encombrant. Je ne raconte pas la fin du roman pour vous inciter quand même à le lire. Philip Roth a composé un roman très noir sur les relations amoureuses, les relations sociales et le monde tel qu'il. Ce n'est pas un "grand cru philip-rothien" mais il mérite quand même le détour...

mardi 15 novembre 2011

Rabaissement

Ce mot employé par Philip Roth pour son dernier livre (j'y reviendrai jeudi) m'a semblé approprié pour évoquer le langage de notre ministre de l'Education Nationale comparant François Hollande à Babar et Nicolas Sarkozy à Astérix... Quand un ministre de la République utilise des personnages de BD pour qualifier des hommes d'Etat, je me pose des questions sur ce "rabaissement" culturel que nous sommes en train de vivre. Je n'ai rien contre Babar, adorable éléphant pour les enfants, et Astérix, malin petit Gaulois, mais je préfère des personnages plus représentatifs de notre culture littéraire : des Vautrin, des Rubempré, des Julien Sorel, des Cosette, des Jean Valjean, des Ulysse, des Hector, des Gargantua... Il existe des centaines de types littéraires dans notre patrimoine français ou occidental... Je suppose que nos lycéens d'aujourd'hui peuvent mentionner Tintin et Milou dans leur copie du Bac, comme un couple hautement philosophique. Cette emprise de la bande dessinée sur les médias et sur la culture m'étonne un peu. Quand j'étais bibliothécaire, je me souviens des prêts de BD surtout du côté des garçons, les filles, courageusement, lisaient des romans. Je suis d'une génération où le texte a beaucoup d'importance et les bulles des BD ne comblent pas mon appétit de lecture. Je ne fais pas ma "prof" en déplorant ce phénomène. Je comprends parfaitement l'engouement des jeunes et des moins jeunes pour cet art de l'illustration, mais quand un de nos ministres utilise ces références, on imagine mal François Mitterrand comparer un de ses rivaux avec un personnage de BD. Le terme rabaissement convient décidément bien aux paroles des "politiques" qui devraient montrer l'exemple pour le "bien-parler" et l'esprit de culture ainsi qu'un comportement exemplaire sur le plan civique. Un zéro pointé pour notre ministre...

lundi 14 novembre 2011

Hommage à Hubert Nyssen

Ce soir, en surfant sur les dernières informations, Libération m'apprend le décès d'Hubert Nyssen, le fondateur d'une des plus belles maisons d'édition en France, je veux parler d'Actes Sud. Hubert Nyssen avait 86 ans et son oeuvre littéraire est moins connu du grand public qui associe son nom à cette maison d'édition, située à Arles et qui a maintenu dans ses parutions une qualité littéraire incontestable. Hubert Nyssen a découvert Paul Auster, Nina Berberova, Nancy Huston et tant d'autres écrivains. Il était né à Bruxelles et a été naturalisé Français en 1976. Sa vie se confond totalement avec sa maison d'éditions et son oeuvre littéraire compte des romans, des essais, son journal, des poèmes et même des livres pour la jeunesse. Je le lis depuis quarante ans... Et dernièrement, je suivais ces carnets intimes sur le site web d'Actes Sud. j'aimais sa façon de voir le monde, la vie, les écrivains, la littérature, la culture. Une référence essentielle pour moi et pour de nombreux amateurs de littérature. Je l'avais rencontré à Lyon dans la grande librairie Flammarion au tout début des années 90 et il était venu présenter trois de ces auteurs. Il y avait peu de monde pour l'accueillir, on devait être une petite quinzaine de lecteurs (pour une ville comme Lyon !) et lui, royal et serein, nous a parlé de son rôle d'éditeur et de sa passion pour les écrivains qu'il publiait... J'en ai gardé une trace dans ma mémoire "littéraire" et sa modestie, à cette époque, était surprenante. Quand un homme hors du commun disparaît, un homme pétri de culture et de passion pour la littérature, j'éprouve un sentiment de tristesse et je me dis aussi qu'il est bon d'admirer un écrivain-éditeur aussi unique qu'Hubert Nyssen. Je n'oublie pas les romans aussi que j'ai lus et qui m'ont toujours charmée. Je vous conseille de lire ses carnets où il raconte sa vie de lecteur, ses rencontres avec les écrivains, sa vie de famille, ses amis, son goût jamais perdu de la vie alors qu'il prenait de l'âge... J'espère qu'un ouvrage-hommage lui sera rendu et que France 5 re-diffusera une émission "Empreintes" que j'avais vue avec émotion à l'époque.

vendredi 11 novembre 2011

Festival du Premier Roman de Chambéry

Le deuxième roman, "L'écrivain de la famille" n'est pas un coup de coeur comme le précédent mais je l'ai lu "jusqu'au bout"... Car, parfois, le courage me manque pour terminer un ... premier roman ! Je suis donc arrivée à la dernière page et j'avoue que c'est un livre attachant, un peu trop "illusions perdues", déceptions, échecs et ruptures, Le narrateur raconte sa vie promise d'écrivain, au sein de sa famille quand il écrit des poèmes dès son plus jeune âge. Son mariage se fait "par hasard", ses conquêtes féminines le conduisent aussi à l'échec. Il gagne de l'argent grâce à la publicité en utilisant son talent littéraire évident. L'auteur décrit l'ambiance des années 70 et 80 en ponctuant son récit de repères littéraires, cinématographiques et musicaux. Je cite un exemple : "Cette année-là, René Belletto publia "L'enfer", Marguerite Duras, "La pute de la côte normande" et "Le nom de la rose" devint un film tandis que mon oeuvre s'enrichissait d'un titre pour une annonce qui promouvait l'ordinateur Commodore 64..." Ce premier roman a donné lieu à une critique dans le Monde des Livres du 25 février 2011 signée Raphëlle Leyris où elle qualifie le livre de "texte délicat, écrit sourire triste en coin. Tandis que les quarante dernières années défielent en arrière-plan, l'auteur dit la difficulté de s'extirper des rêves que les autres ont formulés pour vous, d'échapper à l'identité qu'ils vous ont assignée. ça ne l'empêchera pas de devenir écrivain. Mais en cessant de laisser la vie et les autres décider à sa place." Un premier roman qui mériterait de figurer sur la liste des auteurs invités en Mai 2012

jeudi 10 novembre 2011

Festival du Premier Roman de Chambéry

A chaque rencontre, (deux fois par mois), les lectrices présentes du Comité Campus ont quitté la bibliothèque avec un, deux ou trois livres chacune. Pour ma part, j'ai choisi deux romans ; "Kosaburo, 1945" de Nicole Roland et "L'Ecrivain de la famille" de Grégoire Delacourt. Le premier roman que j'ai lu très vite m'a beaucoup intéressée car Nicole Roland a traité un sujet peu courant dans la littérature, je dirai même original et surprenant. C'est l'histoire de deux soldats japonais, kamikazes, et dont l'idéologie les mène à la mort, au sacrifice de leur vie pour le pays et l'Empereur. L'auteur nous décrit la vie des deux amis, l'un se nomme Kosaburo et l'autre est une jeune fille qui va prendre l'identité de son frère, pour suivre la formation élitiste des aviateurs kamikazes. Je ne veux pas dévoiler la fin de ce drame de la Guerre entre le Japon et l'Amérique. Tous ces soldats fanatisés s'empêchaient de vivre et d'éprouver des sentiments humains. C'étaient des "machines de guerre" qui étaient utilisés pour combattre l'ennemi. Il est rare de lire un très bon premier roman, les coups de coeur sont assez limités dans les lots successifs que le Festival nous confie tous les quinze jours. Je me félicite d'en avoir déjà trouvé un, mais il faut au minimum deux avis positifs pour qu'il soit sur une liste sélective d'ici le mois de février.
Ce livre possède des qualités indéniables : une écriture élégante, une histoire émouvante, un cadre historique peu connu, une identité usurpée, un destin tragique.
Un coup de coeur, un beau moment de lecture...

mardi 8 novembre 2011

"Les souvenirs"

Ce beau roman de David Foenkinos n'a pas obtenu de prix littéraire mais il avait été remarqué par les critiques. Cet écrivain rencontre un succès auprès d'un large cercle de lecteurs et lectrices. Je ne l'avais jamais lu auparavant et j'ai découvert une écriture délicate, sensible, un talent indéniable (il est édité chez... Gallimard, une consécration en soi...). Je reviens à ce roman qui se lit avec un très grand plaisir. On sent la présence plus que sympathique du narrateur qui va s'occuper de sa grand-mère, pensionnaire d'une maison de retraite. Il est veilleur de nuit dans un hôtel et cette occupation va lui permettre de se lancer dans l'écriture. Il nous introduit dans ce milieu des maisons de retraite si difficile à vivre quand on ne choisit pas. Sa description d'un tableau représentant une vache illustre le désastre ambiant d'un mauvais goût généralisé et déprimant où la beauté est absente. Sa grand-mère va fuir et il partira à sa recherche. Il finira par la trouver et ces retrouvailles vont changer sa vie. Ses parents divorcent alors que lui se marie. Les événements familiaux forment la trame de l'histoire. Le narrateur va enfin rencontrer l'amour et le perdra aussi. David Foenkinos possède un regard plein de malice et de générosité sur l'entourage familial de son personnage central. Ses remarques "sociétales" touchent la lectrice que je suis, en particulier quand il décrit la retraite de son père et la coupure qui prend forme entre ceux qui travaillent, et ceux qui se retirent... Je pourrais citer de nombreux passages tellement le ton me semble juste, vrai et teinté d'humour, d'ironie et de tendresse. Je le conseille comme un livre-cadeau car il ne peut que plaire et enchanter un lectorat sensible aux histoires de famille, ces histoires que nous vivons tous et que nous aimons retrouver dans la littérature. David Foenkinos a déjà écrit neuf romans et je vais les découvrir avec plaisir...

lundi 7 novembre 2011

Prix littéraires 2011, deuxième épisode

Le Prix Médicis 2011 a été attribué le 4 novembre à Mathieu Lindon pour son roman "Ce qu'aimer veut dire" (P.O.L). Il a été élu au premier tour par cinq voix contre quatre à "Dans un avion pour Caracas", de Charles Dantzig (Grasset).
Le Médicis étranger a récompensé, à l'unanimité, David Grossman pour son roman "Une femme fuyant l'annonce" (Seuil). Sylvain Tesson a reçu, au troisième tour, le Médicis essai pour "Dans les forêts de Sibérie" (Gallimard).
Le prix Goncourt des Lycéens a distingué Carole Martinez pour son "Domaine des Murmures" et le prix Fémina a choisi Simon Liberati pour "Jane Mansfield". Il reste le Prix Interallié qui sera donné bientôt. Les récompenses de cette rentrée correspondent souvent aux pronostics de la presse littéraire. Pour ma part, j'ai déjà parlé du beau récit de Mathieu Lindon sur son père, Jérôme Lindon, créateur des Editions de Minuit, et Michel Foucault, son mentor intellectuel et son amant.. L'éditeur Gallimard sort grand vainqueur avec le prix Goncourt, celui des Lycéens et le prix essai du Médicis avec Sylvain Tesson. Une bonne moisson pour les fêtes de fin d'année si vous n'avez pas d'idées de cadeaux...
Pensez surtout à Delphine de Vigan pour offrir un livre à une femme. Son livre méritait mieux que le prix France-Télévisions... Je lui avais attribué le Goncourt et je lui accorde en mon nom propre !

vendredi 4 novembre 2011

"Les librairies vont-elles disparaître ?"

Il est assez rare de trouver une couverture d'un hebdo consacrée à la disparition probable des librairies. Cet hebdo se nomme Télérama et évidemment, la revue télévisuelle s'intéresse au sort inquiétant des librairies concurrencées par les grandes surfaces, les chaînes commerciales, Internet, et la nouvelle lecture sur tablette et autres jouets électroniques. Les trois pages sur le malaise des librairies sont très claires, efficaces et percutantes. Pourrons-nous sauver les petites librairies de quartier, les bonnes librairies de province qui font toutes un travail formidable pour maintenir une présence culturelle dans nos villes ? Il y a tant de banques, de magasins de décoration, de téléphonie, de choses inutiles et encombrantes qu'il ne faut surtout pas acheter... Les livres par contre enrichissent visuellement les murs des salons, comme une présence chaleureuse et quasi humaine. Sauvons donc nos librairies qui souffrent à cause des loyers qu'on leur demande, du manque de clientèle qui butine un peu partout pour acheter moins cher. Leur chiffre d'affaires a diminué de 5% et va s'accentuer... Les pouvoirs publics doivent réagir en les aidant et en soulageant leurs nombreuses charges. Quand j'étais moi-même libraire à Bayonne dans les années 70, j'avais été stupéfaite de payer une taxe à la mairie pour ma modeste vitrine et panneau signalant mon échoppe. Un fonctionnaire municipal était venu me préciser cet impôt alors que je démarrais et que j'étais loin très loin de me rémunérer... Je pense aux 30 ans de la loi Lang, prix unique du livre, qui a certainement sauvé quelques milliers de petites librairies en France car même le gouvernement actuel n'ose pas la mettre en question ! Je plaiderai toujours pour la librairie et me sens toujours solidaire de ces drôles de "commerçants" qui ne feront jamais fortune mais qui s'enrichiront éternellement au contact des livres et des idées... Lundi, je vais en librairie respirer l'air des livres et en adopter un pour l'installer dans ma maison...

jeudi 3 novembre 2011

Atelier d'écriture, la cuisine de ma mère

J'avais écrit il y a trois ans un texte sur ma mère que j'ai composé dans le cadre de l'atelier d'écriture animé par Mylène au sein de la bibliothèque universitaire. Je l'ai complétement transformé. En ce mois de novembre, nos chers disparus nous manquent et le chagrin de les avoir perdus nous taraude le coeur. Mardi, j'ai déposé un texte sur mon père. Aujourd'hui, c'est un hommage que je veux rendre à ma mère, partie il y a un an à peine.
"France dans sa cuisine
Prenez une femme française, née en 1918, qui se nomme France, baptisée de ce prénom si beau par un parrain militaire, ami de son propre père, lui aussi militaire de carrière. France a passé sa vie dans la cuisine, dans sa cuisine, sa pièce principale, où, dès huit heures du matin, elle étalait ses légumes, pommes de terre, carottes, poireaux, navets, céléri pour confectionner une soupe, qui tenait trois jours et qui dégageait une odeur unique au monde. Je crois qu'elle avait ses secrets de sorcière en ajoutant une louche de graisse de canard... Ma mère possédait une collection impressionnante de livres de cuisine : de la cuisine basque pimentée à la cuisine landaise grassouillette, de la cuisine italienne tomateuse à la cuisine espagnole tapageuse, de la cuisine française classique nourrissante à la contemporaine plus légère, elle feuilletait ses trésors culinaires et tentait des nouvelles recettes dans les grandes occasions. Le rituel de la soupe était suivi par la composition des repas "solides" pour les travailleurs qu'elle nourrissait : rôtis de toutes sortes, poulets de la ferme, soles meunières, lapin à la moutarde, pigeons lardés, sauté de veau, boeuf mironton, paella, saucisses confites, magrets landais et bien d'autres plats accompagnés de légumes, frites, pâtes, riz. Je me souviens particulièrement de sa recette qui nous faisait fondre de plaisir : le foie gras de canard aux pommes. France se levait tôt comme un curé de campagne. Elle aimait le frais, le vrai, le naturel, la viande du boucher, le jambon du charcutier, les produits du pays comme les cèpes. Son credo, c'était la qualité et la fraîcheur. Ma mère était notre Rebuchon à nous, notre Bocuse, notre reine des papilles. Aller au restaurant avec elle était un pari risqué. Nous étions toujours un peu déçus par la prestation du cuisinier et ma mère se sentait flattée si l'on faisait la moue devant ces plats fades et sans originalité des restaurateurs jamais à la hauteur. A la fin de sa vie, elle avait perdu un peu la mémoire des gestes culinaires mais ma soeur qui s'est occupée d'elle avec un dévouement exemplaire, a soulagé sa souffrance en devenant son "assistante" pour préparer les repas quotidiens. Elle a vécu jusqu'à la fin cette passion pour la cuisine et la confection de milliers de repas pour sa famille et a ainsi montré tout l'amour solide qu'elle nous donnait, une France nourricière comme une légende d'antan... Je rends hommage à ma mère qui m'a évidemment rendue trop gourmande, mais c'est une qualité incomparable, car bien se nourrir aujourd'hui devient un acte réellement révolutionnaire avec toute la malbouffe qu'on nous propose !

mercredi 2 novembre 2011

Série Prix littéraires 2011, premier épisode

Je m'attendais à ces deux premiers primés : Alexis Jenni pour "l'art français de la guerre" chez Gallimard, un premier roman, événement rarissime pour le Goncourt. Je vais l'inscrire dans ma liste de livres à lire et j'en reparlerai plus tard. Le prix Renaudot est allé à Emmanuel Carrère pour sa biographie "romancée" de Limonov, écrivain russe sulfureux, ultranationaliste fascisant. Passer des heures avec ce personnage "déplaisant" me semble un exploit pour tout lecteur motivé mais il faut se "forcer" de temps en temps pour découvrir l'âme complexe de certains individus très antipathiques. La littérature est le monde de la liberté, de l'audace, du désordre. Elle s'affranchit des règles, des normes, des contraintes. Elle décrit les humains comme ils sont, ni blancs, ni noirs, tout en nuances subtiles et contradictoires... Le prix France-Télévisions a été descerné à Delphine de Vigan pour "Rien ne s'oppose à la nuit" que j'avais choisi pour le prix Goncourt (j'ai perdu mon pari...) mais je me "console" car ce roman a déjà conquis un très large public et n'a aucun besoin d'un prix pour exister !

mardi 1 novembre 2011

Atelier d'écriture, séance 3, le vin de mon père

Mylène nous a proposé le thème du vin après nous avoir lu du "Colette"... Le vin, à cette époque des vendanges terminées, des foires aux vins et du Beaujolais Nouveau, m'a inspirée ce texte en hommage à mon père, Germain.
"Le vin de mon père
Boire du vin, aimer le vin, ça s'attrape en famille, à l'origine comme une éducation, comme une évidence, comme un cadeau. Mon père possédait un cave fournie, très fournie. Ses nombreuses relations lui permettaient de rencontrer des représentants de "Bordeaux. Combien de fois ai-je vu mon père baigner dans un bonheur parfait quand il choisissait une bouteille pour un anniversaire, une fête de famille, un repas dominical ! "Aujourd'hui, fermez les yeux et savourez ce nectar." Alors, nous buvions en communion, en silence, tout en concentration et respect du rite. "Alors, qu'est-ce que vous en dites ? Pas mal, papa, il est fort ce Bordeaux... Mais, c'est un Château-Latour !" Je restais souvent silencieuse et je m'en remettais à son expertise. Quand on a vingt ans, ce cérémonial me semblait futile, je préférais un petit rosé tout frais ou un vin blanc pétillant. Quel manque de goût et de savoir-boire pour mon père, le spécialiste du vrai vin... Un verre de Bordeaux en famille se transformait en hostie, on était obligé de l'avaler ! Plus tard, j'ai vraiment appris à déguster des "bons vins". La passion de mon père pour le Bordeaux est gravée dans ma mémoire familiale. Dans les grandes occasions, il ne buvait ni Bourgogne, ni vin de Loire, ni vin du Languedoc. Seul, le Bordeaux représentait la quintessence de la France, l'amour pour ce pays. Ses parents venaient d'Espagne, ayant fui la pauvreté au début du siècle dernier. En buvant ce vin légendaire, il voulait devenir encore plus français que les Français dits "de souche"... Quand je descends dans mon Pays Basque et que je déguste un verre de Saint-Emilion, je lève mon verre à mon cher père, disparu depuis treize ans, et le salue tendrement. Je suis persuadée que le Paradis ressemble au vignoble bordelais..."