vendredi 28 août 2015

Maylis de Kerangal

En parcourant le cahier "Culture et Idées" du Monde, j'ai été agréablement surprise de retrouver Maylis de Kerangal dans un grand article, intitulé "Rituels et secrets d'une écrivaine". Trois pages évoquent, avec une empathie évidente de la part de Raphaëlle Leyris, la vie réelle, quotidienne et intellectuelle d'une jeune femme, mère de quatre enfants... La série de l'été "Le laboratoire de la création" de ce cahier, met à l'honneur cette écrivaine singulière qui a enfin conquis un vaste public grâce à son dernier roman, "Réparer les vivants". Je l'avais découverte avec "La naissance d'un pont" et déjà, j'avais remarqué son style inimitable, précis, fort, audacieux. Quand je lis, je porte une attention extrême à la langue française et même dans une traduction, la qualité linguistique me semble indispensable. Je ne me contente pas d'une histoire, d'une intrigue, d'une crise. Si on ne sent pas palpiter les mots dans la page, mon intérêt faiblit et s'épuise. La langue, le style, le rythme, la construction, l'originalité du sujet maintiennent l'intérêt du lecteur(trice). Maylis de Kerangal  insuffle à ses textes une "magie" particulière et combine tous les paramètres composant un roman réussi. Comment fait-elle pour écrire ? L'article du Monde répond à la question. Elle dispose "d'une chambre à soi", (titre d'un essai de Virginia Woolf), élément essentiel pour se retrouver seule, loin de sa tribu familiale dévorante. 12 mètres carrés dans le Marais suffissent à son bonheur d'écrire, comme une îlot de création littéraire. Puis, elle lit beaucoup, des auteurs de son écurie chez Verticales, de la documentation sur les sujets qu'elle traite. Elle a assisté à une transplantation cardiaque pour son dernier ouvrage. Prendre des notes (citations, ébauches, personnages) dans un carnet fait partie de ses rituels d'écriture.  Puis elle passe à l'ordinateur et quand elle termine un manuscrit, elle le confie à ses deux éditeurs qui, à leur tour, commentent et critiquent le tapuscrit. Vient le moment de la publication quand le texte est à point. J'ai découvert le prochain sujet de son futur roman qui se situera autour "des fac-similés  des grandes grottes préhistoriques comme Lascaux". J'ai vraiment hâte de la retrouver et je l'imagine dans son petit studio parisien, en train d'écrire la centième page de son futur livre...

jeudi 27 août 2015

Programme littérature

Dès le mois de juillet, Daniel, mon professeur de littérature (et de philosophie) nous a envoyé son programme de la rentrée. Je pensais qu'il voulait reprendre les cours sur la littérature féminine que j'avais suivis en début d'année. Or, j'ai été surprise, agréablement surprise par son choix de la rentrée. Il nous propose un programme ambitieux, sérieux et aussi très intéressant. Tout de suite, j'ai aperçu dans son fichier joint, trois portraits d'écrivains : André Malraux, Robert Musil et Primo Levi, trois grandes voix du XXè siècle. Nous allons étudier "La condition humaine" que j'avais lu quand j'avais une vingtaine d'années et j'avoue que je ne l'avais pas terminé... Je vais peut-être me réconcilier avec Malraux mais je préfère le Malraux, critique d'art que romancier. Robert Musil, un écrivain autrichien du début du siècle, difficile à lire, demande un effort de lecture, une motivation intense et surtout un éclairage plus que lumineux qui viendra de notre "animateur" littéraire. J'ai délaissé parfois de grands chefs d'œuvre car trop hermétiques à mes yeux et aussi, par manque de temps précieux pour décrypter ces  "montagnes magiques" de philosophie. J'avais découvert l'œuvre de Thomas Mann dans ma trentaine. Robert Musil m'intimidait davantage... Les lecteurs(trices) pourtant affamés de découvertes essentielles peuvent passer à côté de grands écrivains comme Musil. Je me suis procurée les quatre tomes de "L'Homme sans qualités" en Folio et traduits par le poète Philippe Jaccottet. Et j'ai trouvé la solution pour lire ces milliers de pages : commencer par le premier tome et en lire une trentaine par jour ! Devoir de lecture contre plaisir de lecture, je peux alterner sans problème ces deux moments. Le troisième écrivain choisi par Daniel n'est autre que l'immense et bouleversant Primo Lévi, et son "Si c'était un homme", un chef d'œuvre de la littérature sur les camps de concentration. Je vais le relire avec un esprit différent, à vingt ans de distance. Notre professeur de littérature a voulu relier son cours de philosophie à la littérature par sa volonté d'évoquer la "condition humaine"... Un programme vraiment passionnant pour l'automne à venir...

dimanche 23 août 2015

Le Mondaneum

Ce dimanche, en ouvrant Google, j'ai vu des fichiers de bibliothèque en bois blond... Mon reflexe d'ancienne bibliothécaire a été d'en savoir plus sur ce "doodle" du jour. En fait, ces fichiers en bois font référence à une invention de Paul Otlet (né le 23 août 1868) et d'Henri La Fontaine, baptisée Mondaneum. Ce projet fou de classifier le monde n'est autre qu'un "Internet de papier". Ces deux savants belges voulaient archiver tous les savoirs du monde dans un lieu unique et centralisé en constituant un répertoire bibliographique composé de millions de fiches. Paul Otlet et son ami ont crée en 1895 l'Institut international de bibliographie. Ils étaient persuadés que la connaissance apportait la paix... Ces pionniers avaient imaginé une utopie irréalisable que l'on vit sans se poser de questions avec Internet, ce gigantesque champ d'informations, de connaissance, de savoirs, d'échanges, dans tous les domaines. Que sont devenus ces fichiers en bois ? Ils sont exposés depuis 1998 dans un espace d'expositions temporaires situé à Mons, (capitale de la culture 2015) en Belgique. Google rappelle que "Paul Otlet fut un pionnier de la mise à disposition libre de l'information. Des décennies plus tard, les ingénieurs se sont inspirés de sa vision afin de rendre possible le partage technologique d'informations ». Toutes ces informations proviennent d'un article paru dans la revue Le Point de cette semaine. J'ai récupéré des fichiers en bois qui partaient à la benne et je les ai transformés en tables de chevet. Beaucoup de bibliothèques ont abandonné ces magnifiques outils bibliographiques centenaires pour de rutilants ordinateurs... J'ai réagi à cet hommage car j'ai démarré ma carrière en établissant ces petites fiches qui permettaient aux lecteurs de retrouver les documents dans les étagères. J'ai donc éprouvé un brin de nostalgie ce dimanche avec le Mondaneum des savants belges, fous de bibliographie...

jeudi 20 août 2015

Rentrée littéraire

Les premiers frémissements de la rentrée littéraire démarrent vers le 18 août. J'ai reçu la revue Lire avec la couverture alléchante : "Les romans français qu'il ne faut surtout pas rater". En tant que lectrice  passionnée et en retrait de la vie sociale et professionnelle, la rentrée pour moi, ne rime plus avec les préparatifs scolaires, le retour d'un rythme au travail, les programmes de formation que j'organisais pour les étudiants. Depuis cinq ans déjà, la rentrée s'est transformée en projets divers : un séminaire de philosophie en début septembre, un voyage en Grèce, un cours de littérature en octobre, et évidemment, ma sacro-sainte rentrée littéraire avec des articles sur les nouveautés. L'hebdo Télérama a mis en couverture le portrait de Christine Angot, en la baptisant "l'extrême"". Son roman sur l'amour maternel semble avoir conquis les critiques. La revue évoque Mathias Enard, Diane Meur, Nicolas Fargues, Delphine de Vigan, etc. Dans un article de trois pages, il est question de la lecture, "Une page qui se tourne". Les journalistes reprennent des chiffres alarmants : 83 librairies ont fermé à Paris entre 2011 et 2014, les grands lecteurs sont en voie de disparition, la diversité des lectures s'appauvrit. En 1978, 28 % des Français lisaient plus de 20 livres par an, et aujourd'hui, le chiffre est tombé à 16 % ! Beaucoup de facteurs rentrent en compte dans cette baisse manifeste de la pratique lecture : l'attraction d'Internet, des jeux vidéos, des réseaux sociaux, de la télévision en replay, etc. "Le multitâche" dévore le temps disponible et comme la lecture exige une certaine lenteur, la littérature risque de disparaître, selon les sociologues de l'écrit. Ne parlons même pas des tirages ridicules pour un premier roman (1 000 exemplaires) et pour un grand écrivain comme Pascal Quignard (10 000 exemplaires). Mais, on peut encore espérer que la littérature survive, vive et même se porte bien dans notre pays. Maylis de Kérangal avec son "Réparer les vivants" a touché plus de 150 000 lecteurs alors que son éditeur vendait un millier d'exemplaires de ses œuvres précédentes... Oui, la lecture n'est plus au centre de nos occupations pour beaucoup d'entre nous, mais il existe encore des résistants de l'écrit, des archaïques du papier, des rêveurs d'histoires, des amoureux de littérature et tant pis si nous ne sommes pas majoritaires ! J'ai toujours préféré appartenir aux minorités...

mercredi 19 août 2015

"Théra"

J'avais vraiment beaucoup aimé le dernier livre de Zeruya Shalev, "Ce qui reste de nos vies", paru chez Gallimard en septembre 2014. Ce roman fulgurant et passionnant a obtenu le Prix Femina Etranger. J'avais donc envie de découvrir l'œuvre entière de cette écrivaine, née en 1959 en Israël. J'ai trouvé "Théra" à la médiathèque, écrit en 2005 et j'ai renoué avec le thème fort et fascinant de Zeruya Shalev dans ce grand roman de 500 pages : la famille, la famille et rien que la famille. Mais quelle famille ? Il faut lire "Théra" pour comprendre cette notion qui, au fond, concerne tout un chacun.  Ella, la narratrice, analyse avec une précision de chirurgien, les sentiments qu'elle éprouve pour son mari, Ammon, pour son petit garçon, âgé de six ans. Elle met fin à son couple après dix ans de vie commune et se retrouve seule et isolée. Ses parents traditionnalistes désapprouvent cette décision, ses amis se détournent d'elle, et son mari refuse la séparation. Comme elle est archéologue de métier, elle fouille son passé pour comprendre cette décision irréversible. Elle décrit ses angoisses, ses cauchemars, ses peurs. Elle se débat avec une culpabilité paralysante car elle prive son fils de son père, une semaine sur deux, et vivre sans son enfant devient un tourment permanent. Alors qu'elle commence à douter de sa rupture et à redouter cette liberté retrouvée, elle rencontre un parent d'élève, Oded, psychiatre de métier, et lui aussi, en rupture conjugale. Ils se sentent bien ensemble et décident de partager un appartement. Mais son nouveau compagnon a aussi deux enfants. Commence alors la recomposition de deux familles. La vie quotidienne, les modes de vie, les personnalités des enfants provoquent de nombreux incidents, de nombreuses blessures et des incompréhensions. Chacun cherche sa place au sein de ce nouvel espace familial et les dissonances semblent plus nombreuses que les moments de sérénité au sein de la nouvelle fratrie. Entre le rêve d'un amour retrouvé et la réalité de la vie quotidienne, la marge peut se transformer en gouffre... Ella ne vit pas à la surface des "choses", ne joue pas à la comédie sociale. Elle idéalise les relations amoureuses, familiales et ne veut pas renoncer à la pérennité des liens. Mais comme dans ses évocations de Théra, une ancienne civilisation située à Santorin et disparue à cause d'une éruption volcanique, Ella, notre archéologue de la famille, du couple, des enfants, tient en haleine son lecteur(trice) tout au long de ces 500 pages volcaniques, flamboyantes dans une prose qui dévale comme de la lave et nous emporte dans un psychodrame familial qui prend des allures de tragédie grecque...

lundi 17 août 2015

Rubrique cinéma

Cet après-midi, direction l'Astrée pour un film espagnol, recommandé par un critique du Monde... "La Nina del fuego" du réalisateur Carlos Vermut, ressemble à du Almodovar, mais je n'ai pas retrouvé le grain de folie douce et joyeuse du cinéaste espagnol. L'histoire de cette jeune femme m'a littéralement provoquée un malaise et j'avais envie de quitter la salle. Mais, ma curiosité de cinéphile l'a emportée et j'ai essayé de comprendre le projet de Carlos Vermut. Dans la première demi-heure, on suit un professeur au chômage qui s'occupe de sa petite fille de 12 ans, atteinte de leucémie. Elle rêve de mangas, de personnages japonais et dans un journal intime, elle désire une robe de couturier à un prix déraisonnable (quelques milliers d'euros). Ce père désespéré veut lui offrir ce cadeau stupide à ses yeux mais unique pour sa fille. Alors qu'il allait briser une vitrine de bijoutier, il reçoit une vomissure d'un balcon. Le deuxième volet de l'histoire repose sur une jeune femme, Barbara, mariée à un psychiatre. Elle dépend totalement de lui et prend des médicaments pour stabiliser sa "maladie" (bien mystérieuse pour les spectateurs...). Elle se cogne la tête contre un miroir, avale de l'alcool avec des cachets. Et les deux histoires se rejoignent dans la scène de rue entre le professeur souillé et la jeune femme en crise, surprise de son acte. Elle l'invite chez elle et démarre alors l'intrigue sulfureuse et d'une noirceur totale. Ils couchent ensemble et le professeur, voulant réaliser le rêve de sa petite fille, pense au chantage et lui réclame de l'argent pour la robe japonaise. Barbara, par peur de perdre son mari, trouve une solution radicale pour se procurer cette somme : la prostitution mondaine... Je ne révélerai pas la fin de ce film sombre, noir, de la même veine que le dernier Almodovar, "La piel que habito". Je n'ai pas tout compris et malgré la bonne critique du Monde, qui évoque "un nouveau labyrinthe de passions espagnoles", je vais vite oublier "cette fille de feu et de glace"...

jeudi 13 août 2015

"Un Candide à sa fenêtre"

J'avais lu en 2010 le premier volume du journal iconoclaste de Régis Debray, "Dégagements" et j'ai donc acheté en librairie la suite, "Un Candide à sa fenêtre", paru en janvier 2015 chez Gallimard. Cet ouvrage a obtenu le Prix Montaigne de Bordeaux. Cet intellectuel français revendique avec gourmandise ses 70 ans (ce qui est rare de nos jours...). Il écrit dans sa préface en reprenant Rimbaud  : "On est très sérieux quand on a 17 ans : on l'est beaucoup moins, par chance, à 70 ans. On musarde, on galèje, on griffe, on batifole, on déraille." Régis Debray se lit avec un plaisir jubilatoire. Il possède un style inimitable, manie les mots à merveille, brasse les idées sans complexe, mélange des anecdotes sans problème. Son regard "d'ancien" sur la vie en société lui distribue un rôle de bougon, de ronchonneur contre les travers de la modernité pour le plus grand bonheur de ses lecteurs(trices). J'ai savouré quelques passages tellement je m'y reconnaissais. Un exemple parmi tant d'autres : "D'où vient qu'on oublie que le portable de quatrième génération a pour usager le même mammifère nativement angoissé, doté de la même carcasse ostéo-musculaire et du même système nerveux que le plantigrade effaré guettant le mammouth dans la savane". Son humour ravageur, son ironie flamboyante, sa liberté de ton donnent à l'ouvrage un air vivifiant dans le paysage intellectuel d'aujourd'hui. Régis Debray se sent bien dans sa marginalité assumée (sauf pour l'assemblée du Goncourt), dans son âge libérateur, dans sa lucidité et dans sa clairvoyance sur l'état de notre pays. L'ouvrage se compose de six chapitres : "Frances, Mondes, Politiques, Philosophies, Arts, Littératures". Dans chaque partie, le même festival d'érudition, de portes à franchir pour un lecteur(trice), d'interrogations à naître. J'apprécie particulièrement tous les extraits sur son écrivain fétiche, Julien Gracq, au style toujours inégalé de nos jours. Lire "Un candide à sa fenêtre", c'est découvrir un homme généreux, un intellectuel facétieux et aussi profondément humaniste. Ses passions pour une France républicaine vertueuse et pour une littérature française somptueuse, me confirment que Régis Debray dont je partage sa lucidité blessée, est un très grand écrivain...

mercredi 12 août 2015

Visite au musée

Lundi, temps médiocre, favorable à une visite de musée... J'ai opté pour le musée de Grenoble et je savais qu'en plein mois d'août et dès dix heures du matin, je me baladerais avec plaisir dans les salles sans rencontrer des dizaines de touristes... Ce musée a ouvert ses portes en 1994 et bien que j'avais eu l'occasion de voir ses collections quand je vivais dans la cité dauphinoise, j'avais envie de revoir ce lieu magnifique. J'étais un peu frustrée par les rares salles concernant l'Antiquité (Egypte, Grèce, Etrurie) mais la vision d'une momie d'origine copte provenant d'Antinoë, exposée dans un cercueil de verre avec tout le trousseau funéraire, surprend les vivants que nous sommes. Les espaces consacrés à la peinture du XIIIe au XIXe siècle présentent des chefs d'œuvre mais aussi des toiles qui ne présentent pas un intérêt majeur comme les portraits traditionnels, les scènes religieuses, les paysages soignés, etc. J'ai surtout admiré quelques natures mortes flamandes, une toile unique et merveilleuse du primitif flamand, Quentin Metsys,  un Guardi, un Canaletto, et bien d'autres peintres connus ou inconnus. La richesse du musée se révèle surtout dans la période moderne et contemporaine : Matisse, Braque, Picasso, Bonnard, Léger, Soutine, De Chirico, Chagall, etc. Je suis restée beaucoup plus longtemps devant "mon" Vieira da Silva, intitulé "Les tours", représentant des gratte-ciels dans un camaïeu de bleu, de jaune et de blanc. C'est tellement rare de voir une œuvre de mon artiste portugaise et j'étais heureuse de la retrouver au travers de sa toile... Le musée a mis aussi à l'honneur l'art contemporain avec les boites-archives de Boltanski, les coutures d'Annette Messager, les toiles "nature" de Penone, etc. Cet art contemporain me semble toujours surprenant, déroutant, inquiétant, mais aussi ludique, critique, ironique. Pour apprécier et revivre avec plus de profondeur cette visite muséale, il faut absolument lire l'ouvrage, "Musée de Grenoble, image d'une collection" édité en 1999. Ce grand musée, digne d'une capitale européenne, tellement proche de Chambéry mérite vraiment le détour...

mardi 11 août 2015

Ma bibliothèque, 3

J'ai vu passer dans mes mains des milliers de livres. Si j'additionne les stocks de ma librairie, les fonds des bibliothèques où j'ai travaillé, j'arrive certainement à plus de 700 000 exemplaires... J'ai œuvré dans deux structures qui possédaient des fonds importants : la bibliothèque départementale de l'Isère et la Bibliothèque universitaire de Chambéry. J'ai parcouru des centaines de kilomètres dans les travées des réserves, dans les secteurs accessibles au public, et j'avais l'impression de me balader dans des sentiers forestiers, le papier provenant bien des arbres. Je ne me suis jamais lassée de ces masses de papier et j'ai même terminé ma carrière en allant visiter pour la dernière fois l'immense magasin de la BU où reposaient des milliers d'ouvrages oubliés, délaissés, qui n'étaient plus demandés par les étudiants et les professeurs. Mais, le rôle d'un bibliothécaire consiste à protéger la mémoire humaine dans sa forme écrite. Quand on vit ainsi entourée de ces drôles d'objets intelligents, sensibles, émouvants, pendant plus de trente cinq ans, on ne peut plus s'en passer. Bien au contraire, mon intérêt pour les livres reste intact. Je m'occupe maintenant de ma modeste bibliothèque, située dans mon salon et dans une chambre. Je m'étais jurée de réfréner mes pulsions acheteuses pour juguler l'invasion livresque, car je vis dans une petite maison.  Mais je n'y arrive pas et j'ai ajouté cet été trois étagères de couleur rouge acquises dans un célèbre magasin d'origine scandinave à un prix imbattable. Dans la première bibliothèque, reposent ma documentation sur la Grèce (apprentissage de la langue, livres d'art, dictionnaires, classiques) et des livres de philosophie.  Dans la deuxième, des guides de voyage avec une préférence pour les Guides bleus Hachette et le Routard sans oublier l'excellente collection "Cartoville" de Gallimard. Dans la troisième, j'ai rangé toutes les revues de littérature : Lire, Le Magazine littéraire, Transfuge, Le Matricule des Anges, etc. Et j'ai encore de l'espace disponible pour accueillir de nombreux livres à venir... Je suis persuadée que toutes ces couvertures colorées me rassurent, m'appellent pour les saisir dans mes mains, représentent des milliers d'heures de lecture apaisantes, sereines et vivifiantes aussi...  

lundi 10 août 2015

Ma bibliothèque, 2

Les beaux livres logés avec plaisir dans deux meubles en bois de hêtre, fabriqués maison, me rappellent des souvenirs liés aux voyages, aux visites des musées et aussi à mon ex-vie professionnelle de bibliothécaire. J'évoque tout de suite mon admiration totale pour une femme peintre d'origine portugaise, Vieira da Silva, une amie de René Char. Elle a vécu en France dès sa jeunesse et n'a jamais voulu repartir dans sa patrie de naissance. Elle fait partie d'un mouvement pictural, l'abstraction figurative, et malgré son génie, n'est pas connue du grand public. Je collectionne tous les livres sur elle depuis des années et je suis même allée à Lisbonne pour visiter le musée qui réunit la plupart de ses toiles et celles aussi de son compagnon de vie, peintre hongrois, Arpad Szenes. Elle m'intéresse beaucoup pour l'hommage qu'elle rend dans ses tableaux,  aux bibliothèques et j'aime sa discrétion artistique, sa modestie d'ouvrière de l'art. C'est peut-être elle qui m'a fait aimer la peinture moderne. Evidemment, j'ai aussi des livres d'art sur toutes les époques : les natures mortes du XVIIe, la peinture romaine, l'art grec, l'art étrusque, la peinture italienne (dont le Musée imaginaire de Paul Veyne), le Journal de l'art abstrait, des catalogues des musées visités, etc. Je collectionne aussi les livres sur les... livres, l'histoire des bibliothèques, de l'écriture, de la poésie, sur la littérature (Proust, Perros, Char, etc). Une bibliothèque reflète la vie de son propriétaire. J'ai conservé précieusement quelques ouvrages, hérités de ma mère, disparue depuis cinq ans. Elle collectionnait tous les parutions sur la cuisine et j'ai gardé "Colette gourmande", "La cuisine retrouvée de Proust", de Giono. Quand je les feuillette, je revois ma mère fureter sa documentation culinaire pour nous préparer un bon petit plat... Tous mes livres me racontent des histoires de vie, ravivent ma mémoire et me consolent du temps qui passe trop vite...

vendredi 7 août 2015

Ma bibliothèque, 1

La bibliothèque de mon salon déborde, ne peut plus recevoir de livres. Entre les Gallimard, les Pléiades, les poches, quelques livres anciens, des dictionnaires musicaux, des livres d'art, je n'arrive plus à glisser quelques exemplaires sur les étagères. Je précise aussi que je dispose d'une bibliothèque sur mesure que j'ai réalisé avec un menuisier quand j'ai déménagé à Chambéry. Comme j'aime la musique classique, j'avais demandé deux colonnes pour mes CD encadrant une porte. Dans ce mur de livres et de CD, j'ai installé ma table de travail sur laquelle repose mon ordinateur. J'aime ce décor "livresque" car j'ai vécu toute ma vie dans les lieux bénis du livre : librairies et bibliothèques, mes temples de papier. Je lutte pourtant contre une certaine invasion et je peux aussi donner, vendre, prêter des livres pour faire de la place. Mais, il me reste quelques années pour relire les ouvrages que j'ai appréciés tout au long de ma vie. Je les conserve précieusement comme des marqueurs de temps.  Ainsi, Albert Camus et Marcel Proust m'accompagnent dans ma vingtaine, Virginia Woolf et Milan Kundera dans ma trentaine, Marguerite Yourcenar et  Julien Gracq dans ma quarantaine, Marguerite Duras et René Char dans ma cinquantaine et aujourd'hui dans ma soixantaine, Pascal Quignard et Annie Ernaux, tous ces écrivains deviennent les vigies dans ma bibliothèque. D'autres noms vivent côte à côte dans mes étagères : Georges Perros, Antonio Tabucchi, Simone de Beauvoir, Paul Auster, Philip Roth, pour ne citer que les plus importants dans ma planète littéraire. Comme j'aime les aussi les livres d'art, deux petits meubles fabriqués maison portent les grands formats que je feuillette régulièrement.  La semaine prochaine, je poursuivrai la description de cette bibliothèque, le cœur de ma maison... Dans ce blog, je parle des livres : pourquoi pas décrire ceux qui partagent ma vie de lectrice ?

jeudi 6 août 2015

Voyage en Grèce

Comme je suis à la retraite depuis cinq ans, j'ai donc l'opportunité de voyager hors vacances scolaires. Les deux mois d'été, je ne bouge pas de mon jardin sachant que les bords de mer sont envahis, les lacs de même, les capitales européennes débordées par les touristes. Comme la montagne ne m'attire pas spécialement, n'étant pas une adepte de la randonnée, je me retire dans ma Thébaïde en attendant septembre. Je suis pourtant originaire de la Côte basque mais voir "mes plages" aussi bondées ne m'apporterait que des contrariétés... Je sais bien que tout le monde a droit à sa part de mer et de soleil. Je laisse donc ces espaces aux courageux travailleurs et je retrouverai plus tard en hiver, l'océan redevenu sauvage.  Je préfère pendant l'été m'adonner à mes passions de toujours : la lecture et la musique (les opéras de Vivaldi en priorité !). Et, comme je pars en Grèce en septembre, malgré la crise, je prépare mon voyage dans les livres. J'ai une pile d'ouvrages sur ma table de salon qu'il me faut parcourir pour ne rien "manquer" quand je serai sur place. Je reste une dizaine de jours à Athènes pour vivre alternativement avec les Anciens d'hier et avec les Athéniens d'aujourd'hui. J'ai terminé un beau livre, "Grèce, trésors d'une civilisation ancienne", écrit par Stefano Maggi, professeur  d'archéologie ancienne à Pavie. Ce beau livre très richement illustré se lit avec facilité car le texte de ce spécialiste éclaire le "miracle grec" sans prétention, sans complexité et même avec une subtil alliage entre l'Histoire évènementielle et les mouvements artistiques. L'iconographie exceptionnelle aère fortement les chapitres sur les époques archaïque, classique, hellénistique et romaine. La "polis" (la cité) est envisagée comme un foyer artistique lié à la vie sociale et politique. Il existe beaucoup de livres savants sur la Grèce ancienne mais celui-ci a le mérite de la clarté textuelle, de la beauté des illustrations  et d'un prix modique (15 euros)... J'ai aussi acquis un ouvrage original "Grèce, un cabinet de curiosités" de  J.C. McKeown aux éditions Bibliomane L'auteur propose une anthologie de "contes  étranges et des faits surprenants du berceau de la civilisation occidentale". Les 24 chapitres reprennent les citations des Anciens et forment ce cabinet de curiosités, éclectique, qui, dans un désordre volontaire, évoque les femmes, Homère, les repas, la religion,  les enfants, les animaux, les philosophes, etc. Un ouvrage amusant qui permet au lecteur(trice) de découvrir ce monde si ancien et si proche de nous aussi. J'aime partir dans les livres avant d'entreprendre mon "Odyssée" de septembre... Quand je pense que je vais à la rencontre des descendants d'Homère, de Sapho, de Platon, je m'en réjouis d'avance  !

mercredi 5 août 2015

Babelio

Je cherche souvent des critiques de livres quand j'écris des billets dans le blog. Je conserve des articles du Monde, de Télérama, et d'autres hebdos nationaux, une habitude de documentaliste "littéraire". J'établis ainsi des listes de romans, d'écrivains, d'essais et je vérifie si ces ouvrages sont disponibles en bibliothèque. Je suis même souvent déçue par la politique d'acquisitions des bibliothécaires qui ne cherchent pas à satisfaire les demandes "pointues" pour des raisons budgétaires plus que par manque de curiosité culturelle (je suppose)... Alors, quand je suis démunie d'informations concernant une des mes dernières lectures, je vais chez Babelio, un site web participatif, exclusivement consacré à la littérature. Je m'y rends de temps en temps pour faire mon marché d'informations et recueillir des bonnes critiques (ou des mauvaises). J'ai vérifié sur Wikipédia quelques chiffres : 100 000 membres, 5 000 000 millions de références, 350 000 critiques, 55 000 vidéos et 310 000 citations. On peut enregistrer sa bibliothèque personnelle qui peut être ensuite partagée et commentée par les membres du site. J'utilise Babelio pour des bibliographies et surtout pour les liens me permettant de trouver les chroniques littéraires professionnelles. Je ne me considère pas comme une lectrice collaboratrice, n'ayant pas l'habitude de vivre virtuellement ma passion des livres. J'ai déjà mon blog personnel et je préfère de loin le cadre d'un atelier de lectures que j'anime une fois par mois dans une maison de quartier et dans lequel je rencontre des lectrices mille fois plus vivantes que les anonymes du site. Je ne veux pas dénigrer ces pratiques proches de Facebook mais cela ne fait pas partie de mon mode de vie. Je résiste certainement à cause de mon âge "canonique", une soixantaine bien frappée ! Je possède malgré tout une curiosité bien "djeune" pour farfouiller dans le web, les sites littéraires de qualité et il m'arrive parfois d'avoir d'agréables surprises...

mardi 4 août 2015

"La nuit des lucioles"

Je fréquente au moins une fois par semaine une librairie, ce qui me semble naturel pour une lectrice passionnée de livres... La semaine dernière, j'ai franchi les portes de Garin à Chambéry pour flairer les nouveautés de la rentrée souvent installées dès le mois de juillet. J'ai aperçu sur la table des romans étrangers une très belle couverture présentant une vague déchaînée. Les Editions des Deux Terres ont réussi leur "marketing" et quand j'ai vu le nom de l'écrivain, Julia Glass, je n'ai pas hésité une seconde, ayant une envie d'un roman-pavé, agréable à lire sans tomber dans la facilité. Ces 570 pages ont comblé mon attente estivale : un sujet ultra contemporain, une saga familiale, des personnages attachants, une traduction élégante, simple et naturelle d'Anne Damour. Kit, le personnage central, à la quarantaine en proie aux doutes, se sent "en panne" dans sa vie. Il a pourtant une femme exquise, deux beaux enfants. Mais, sa carrière professionnelle bat de l'aile. Sa femme lui suggère de retrouver son beau-père, Jasper, qu'il n'a pas vu depuis longtemps. Sa mère Daphné, qui l'a élevé dans une famille "monoparentale" comme on le dit ironiquement aujourd'hui, ne veut pas lui dire la vérité sur son père biologique. Son beau-père va lui dévoiler une partie du secret de sa naissance. Il va alors découvrir l'identité de cet homme obscur, retrouver une nouvelle famille, se sentir mieux en connaissant ses origines. Julia Glass possède un art empathique pour ses personnages proches du lecteur(trice). Des phrases sur les mœurs d'aujourd'hui font sourire et l'écrivain reprend dans son roman un libraire gay new-yorkais, Fenno McLeod, humble défenseur des livres qu'il n'arrive plus à vendre... J'ai trouvé une critique très sympathique dans le site Babelio que je me permets de citer (et merci à ce lecteur ou lectrice) : "lire Julia Glass, c'est retrouver une vieille copine pour papoter, faire la planche à la piscine, grignoter à pas d'heure un truc salé, se rendormir le matin, bref, ces petits plaisirs de l'existence un peu banals mais indispensables". "La nuit des lucioles" remet en question les idées reçues et éculées sur la famille. Et elle traite avec une authenticité rare, certains sujets assez tabous comme l'homosexualité, le sida, la "recomposition" des familles "décomposées", et aussi, la conquête d'une certaine paix en soi quand le secret de famille tombe comme un masque et révèle la vraie "nature" des liens familiaux. Un très bon roman pour l'été.

lundi 3 août 2015

"Rimbaud le fils"

J'avais évoqué dans ce blog, le chef d'œuvre de Pierre Michon, "Les vies minuscules" et j'avais envie de découvrir d'autres titres de lui. J'ai trouvé dans la collection Folio, "Rimbaud le fils" et comme j'aime cet immense poète, j'ai lu avec intérêt l'ouvrage biographique de Pierre Michon sur Rimbaud. On peut facilement imaginer que cette biographie ne ressemble pas à un ensemble de connaissances précises sur la vie agitée et brève du poète, né à Charleville en 1854. Il fut un élève brillant mais très vite, il se sent différent et brave l'autorité en fuguant à plusieurs reprises. Il s'installe à Paris à l'invitation de Paul Verlaine. Va démarrer entre eux une relation amoureuse sulfureuse qui dure de 1871 à 1873. En 1875, après avoir écrit son œuvre poétique, il renonce définitivement à l'écriture. Il choisit l'aventure en Afrique et revient mourir à Marseille en 1891 à l'âge de 37 ans. Tous les lecteurs connaissent ce destin singulier particulièrement tragique. Pierre Michon s'interroge tout au long de son livre sur le génie littéraire de Rimbaud, les influences de l'époque, l'environnement scolaire, le rôle de sa famille, la genèse de son élan créateur. Il écrit : "Et pour en revenir au génie de Rimbaud, à cette très précise ambition furibonde au fin fond des Ardennes dans un bout d'homme renfrogné qui était aussi et en même temps du pur amour". L'ouvrage de Pierre Michon, très érudit sur la vie littéraire française du XIXe siècle, ne se lit pas comme un roman biographique. Mais il a le mérite de nous donner envie de relire Rimbaud et sa fureur de vivre. Une amie m'a offert l'adorable anthologie des poèmes choisis de Verlaine et de Rimbaud, éditée chez Point2. Il suffit d'ouvrir ce petit livre pour pénétrer dans la planète "poésie française", Verlaine-Rimbaud, et d'écouter ces voix singulières, liées dans ces pages pour l'éternité...