lundi 22 mai 2023

Atelier Littérature, 2

Pour résumer l'œuvre de Milan Kundera, j'ai donné quelques clefs de compréhension en évoquant les essais parfois plus difficiles à lire que les romans. Ces essais, "L'art du roman", "Les testaments trahis", "Le rideau", racontent un écrivain penseur, un philosophe du roman. Dans "L'art du roman", il a choisi 69 mots emblématiques de ses interrogations existentielles. D'aphorisme à beauté, de chapeau à crépuscule, de destin à Europe centrale, de l'infantocratie à kitsch, de métaphore à vieillesse, cet alphabet approfondit avec une clarté toute transparente les idées majeures qu'il a développées dans ses romans. L'infantocratie (ou immaturité), par exemple, est un concept kunderien :  "l'idéal de l'enfance imposé à l'humanité". Il décrit un motocycliste fonçant dans une rue vide dans un bruit du tonnerre. Le comportement juvénile relève de l'âge lyrique et on peut le constater sans cesse dans notre actualité contemporaine avec le succès des jeux vidéos, des rodéos urbains, de la société du spectacle permanent. Le kitsch ("miroir du mensonge embellissant") aussi appartient au monde de Milan Kundera, un concept inspiré par Hermann Broch, l'écrivain des "Somnambules". Il revient souvent à la signification du roman ainsi : "La grande forme de la prose où l'auteur, à travers des égos expérimentaux (personnages) examine jusqu'au bout quelques thèmes de l'existence". A la fin de son alphabet, il fait l'éloge surprenant de la vieillesse, l'âge de la liberté, de la maturité : "C'est seulement quand il est âgé  que l'homme peut ignorer l'opinion du troupeau, l'opinion du public et de l'avenir". Dans un discours qu'il a tenu à Jérusalem, il développe avec un flair prémonitoire la place de la bêtise dans les idées reçues qui, "inscrites dans les ordinateurs, propagées par les mass-média, risquent de devenir bientôt une force qui écrasera toute pensée originale et individuelle et étouffera ainsi l'essence même la culture européenne des Temps modernes". Milan Kundera est devenu un écrivain classique, un des plus grands du XXe siècle. Grâce à ses romans et à ses essais, il analyse l'état de la société totalitaire, le poids de l'Histoire dans la vie des citoyens, le rôle de la littérature et du roman pour devenir libre de tout dogmatisme et de toute idéologie. Mais, il ne faut pas considérer cet écrivain comme un homme engagé. Bien au contraire, il cherche à se retirer de la tragédie historique qu'a vécu son pays natal pour vivre sa propre liberté en entrant comme un moine dans la planète littérature. Je lui laisse la parole : "L'homme, à son insu, compose sa vie d'après les lois de la beauté jusque dans les instants du plus profond désespoir". J'étais heureuse de choisir Milan Kundera dans le cadre de l'Atelier Littérature. J'ai tellement de gratitude envers cet écrivain fabuleux que j'avais envie de la partager.