mardi 14 juillet 2020

"Le bruit de la mer"

Frank Maubert dialogue dans son nouvel opus, "Le bruit de la mer", avec Pierre Le Tan, son vieil ami très gravement malade. Il lui confie : "Il y a quelque chose d'archaïque à suivre la découpe des côtes. Et sans doute quelque chose d'absurde dans ma course. Incapable de dire à Pierre qu'il est la cause de ce voyage. Je vais à la rencontre d'autres solitudes, sous l'hypnose de la mer, de Bray-Dunes à l'île aux Faisans". Il n'entreprend pas ce voyage pendant l'été mais dans les saisons où la météo semble fluctuante. Cette balade impressionniste sur les côtes françaises s'imprègne de paysages, d'odeurs, d'anecdotes, de rencontres. Le Nord en janvier lui réserve des "brumes lumineuses". Il traverse plusieurs villes comme Dunkerque, Wissant, Calais, Boulogne et se retrouve seul dans les hôtels typiques du pays : "Je suis habité de solitude et j'essaie quelquefois d'échapper à ses étreintes". Il évoque dans chaque halte des anecdotes historiques tout en douceur sans se perdre dans des détails pointus. Il relate avec un talent de géographe-historien, la Normandie, la Gironde et les Landes en février, l'île d'Yeu en mars, la Côte basque en avril, la Bretagne en mai, le Cotentin en juin. Dès qu'il raconte le rapport des écrivains à ces régions, le ton du récit devient plus intime. La figure de Marguerite Duras à Trouville émerge du passé avec une émotion certaine : "S'approprier les Roches noires, un impérieux lieu durassien". Il n'oublie jamais la mer qu'il contemple souvent et qui s'étale, avec son flux permanent, son "bruit", son odeur salé. En filigrane, Frank Maubert s'inquiète de l'état de santé de Pierre, son ami atteint d'un cancer. J'ai particulièrement apprécié évidemment le chapitre sur la Côte basque : "De tous les pays côtiers, je ne cache pas ma préférence et mon estime pour la terre basque. Iparralde, en langue basque. Tout y est vrai et pas encore dénaturé. Entre Bayonne et Hendaye, on y sent, plus qu'ailleurs, un pays résistant qui a su protéger son identité profonde sans excès de folklore". Il cite une des plages les plus insolites du pays, la plage du Cenitz, le fleuve Adour, la présence de Roland Barthes, de Paul-Jean Toulet, Biarritz. Les pages consacrées à mon cher pays natal sonnent vrai, sonnent juste. Les rêveries de ce promeneur des côtes françaises se lisent avec plaisir et donne envie de découvrir ces lieux océaniques d'un charme souvent mélancolique et suranné. Ce voyageur furtif et délicat aime aussi mêler les peintres à l'art des paysages. Cet ouvrage doit se lire avec lenteur, avec attention et dès que j'ai fermé les pages, j'éprouvais une belle et bonne nostalgie de la mer et de ses sortilèges.