mercredi 29 avril 2020

La Quarantaine

Nous en sommes à plus de quarante jours de confinement ou de quarantaine. Encore quelques jours de plus et nous apercevons le bout du tunnel pour tous ceux qui n'ont pas été touchés par cette drôle de bestiole invisible et insidieuse. J'ai écouté attentivement notre Premier Ministre hier après-midi et j'ai senti que la situation n'était pas gagnée… Le seul point positif réside dans les déplacements : on n'aura plus besoin de remplir notre passeport de sortie. C'est une avancée considérable… Après le 11 mai, je vais retrouver avec soulagement le chemin du lac (et encore, le bord du lac sera peut-être interdit ?), les librairies, la médiathèque, les commerces divers et variés, et les sorties sont permises jusqu'à cent kilomètres. Pour revoir mon pays natal, ma chère Côte basque, je vais attendre encore quelques semaines de plus… Nous vivons donc une expérience unique, insolite, inédite, effrayante dans bien des aspects. La distance sociale va devenir une règle de vie pour un bon moment : plus aucune accolade, plus aucun geste d'amitié, plus de bise… Je m'étonnais des masques que portaient les Asiatiques que je croisais dans mes escapades à l'étranger, et nous voilà dans la même posture : se voiler la face, se dissimuler, se protéger, se cacher… Dans mes petites balades, je m'écarte des autres, ou la personne que je croise prend aussi l'initiative, une précaution inévitable mais ô combien bizarre. Ce virus nous déshumanise, infiltre en nous le soupçon, l'inquiétude, le doute. La société de l'après confinement sera obsédée par l'hygiène et par la contagion. Tous suspects, tous coupables, un monde kafkaïen… J'ai l'impression parfois que je vis dans un "double du réel", une notion de Clément Rosset. Le réel a disparu et il faut s'adapter à ce surréel inquiétant. Je lisais ce matin un article du philosophe Harmut Rosa, qui dénonçait dans un de ses ouvrages, l'accélération du monde avec la folie d'une mondialisation non contrôlée, de la rentabilité à tout prix, du réchauffement climatique, etc. Et, soudain, surgit le covid-10 et tout s'arrête. Tout se ralentit, La vie au ralenti. Une catastrophe sanitaire : des milliers de morts, des malades en rémission. Un effondrement social. Une crise économique d'une ampleur que l'on verra plus tard et un repli  obligatoire chez soi. Comment vivre cette période anxiogène étouffante ? Il faut penser au monde d'avant qui reviendra bien un jour. Il faut prendre soin de soi et de ses proches, il faut recourir à la culture dans tous ses aspects : livres, journaux, musique, informations, séries (les meilleures), films (les classiques). La lecture console, l'écoute musicale console, recourir à la fiction console. En ce temps de désolation générale, un seul mot d'ordre : adoptons une prudence assumée pour éviter le pire, une attente philosophique pour espérer le retour à la normale, une curiosité assurée pour témoigner plus tard de ces moments exceptionnels que nous vivons tous.