mardi 30 octobre 2012

"Laisser les cendres s'envoler"

Je n'avais jamais lu Nathalie Rheims et j'ai découvert son quinzième livre paru en septembre. Ce titre a attiré mon attention et je n'ai pas été déçue en le lisant. Nathalie Rheims a bien intitulé son livre de roman mais ce texte est fortement autobiographique. Nous savons que la littérature traite souvent les secrets de famille, secrets enfouis, cachés, non-dits, niés, oubliés.  Dans cette histoire douloureuse, la narratrice raconte sa relation perturbante et perturbée avec sa mère, une mère déserteuse. Sa mère, appartenant à une grande famille très riche, divorce de son mari et rejoint son amant en abandonnant sa fille. Cet homme, artiste paranoïaque, retient cette femme en "otage" et lui interdit de voir sa fille. Nathalie Rheims nous offre une analyse très pointue d'une relation mère-fille passionnelle et frustante. Sa mère la renie, choisit son amant et se laisse engloutir dans cette relation amoureuse exclusive. Comment survivre au désamour d'une mère ?  Ce roman autobiographique aborde ce thème universel. Se construire sans l'affection familiale représente un handicap majeur mais non insurmontable. La lecture de ce naufrage fille-mère peut déranger le lecteur-trice mais la rage, la colère de la narratrice envers cette mère indifférente et froide ne peut que toucher ceux et celles qui s'intéressent aux histoires de famille dramatiques...

vendredi 26 octobre 2012

Rubrique cinéma

"Amour" de Michael Haneke, Palme d'or du Festival de Cannes, est un film qu'il faut absolument voir. Bien que le sujet soit difficile et éprouvant, on ne sort pas de cette expérience sans verser des larmes, surtout dans les moments où l'on entend la musique sublime de Schubert. Ce huis clos se passe dans un appartement cossu et confortable, rempli de livres et de musique. Ce couple, un couple qui s'aime depuis de très longues années, partage un quotidien heureux. Georges et Anne sont octogénaires et en bonne santé.  Ils étaient professeurs de musique. En revenant d'un concert, ils constatent une tentative de vol dans leur appartement. Cet incident matériel est le point de départ du déréglement qui va suivre. Le matin, Anne, au petit-déjeûner, subit sa première attaque cérébrale. La maladie prendra le dessus après cet accident vasculaire. Georges promet à sa femme de la "garder" à la maison. Le film se concentre ensuite sur les soins que Georges prodigue à sa femme qui se paralyse et perd le langage. Emmanuelle Riva compose un personnage inoubliable. Le titre du film se justifie pleinement : l'amour qui unit Georges et Anne dans la vie se terminera dans la mort. La fille du couple n'accepte pas leur duo autour de la maladie et ils refusent de l'impliquer dans cette fin de vie douloureuse et épuisante. Les deux comédiens, extraordinaires de beauté et d'intelligence, montrent les affres du vieillissement dans leur corps souffrant. Michael Haneke décrit un amour profond et montre aussi leur complicité culturelle. La musique accompagne le couple et le piano symbolise la vie heureuse. Attention, ce film provoque une émotion, des larmes, mais aussi une admiration pour Michael Haneke et ses comédiens magnifiquement émouvants...

jeudi 25 octobre 2012

"Ils désertent"

Le roman de Thierry Beinstingel parle du travail, du "vrai travail en entreprise". Le style du livre, distant et froid, peut surprendre car l'écrivain s'adresse à ses deux personnages en utilisant le tutoiement pour la jeune femme, responsable des ventes et le vouvoiement pour "l'ancêtre", un représentant de commerce en papier peint. Elle est chargée de licencier le VRP encombrant pour l'entreprise qui doit se re-structurer en supprimant des postes. "L'ancêtre" continue à avaler les kilomètres pour rencontrer ses nombreux clients fidèles. Chacun vit un mal-être : elle vit seule, dans un appartement neuf et vide. Lui est divorcé, loin de sa famille. Il parcourt la France pour se fuir lui-même mais il a une passion secrète. Il voue un culte à Rimbaud qui, comme lui, était dans le commerce en Afrique. La jeune femme observe les courbes de vente du vieux représentant et se rend compte qu'il apporte des bénéfices à l'entreprise. Elle hésite à le licencier. Or, un jour, le VRP est victime d'un accident de la route.  Ce livre décrit le milieu du travail comme une comédie sociale insupportable. Le titre "Ils désertent" résume l'épisode final où chaque personnage prendra une décision capitale pour leur vie. Ils vont se ré-inventer un destin plus conforme à leur idéal. La jeune femme rencontrera l'amour avec une compagne et ouvrira une librairie. Il prendra enfin une retraite méritée et s'investira dans sa passion du... Bourgogne. Le roman contemporain n' aborde pas souvent le milieu professionnel et Thierry Beinstingel a évoqué avec talent le malaise que chacun peut éprouver dans le monde du travail, monde souvent hostile et stressant, très loin de l'épanouissement individuel...

mercredi 24 octobre 2012

"Le manteau de Proust"

Ce petit livre par son format et ses 135 pages aux Editions "Quai Voltaire" plaira beaucoup aux lecteurs-trices "proustiens", ceux qui ont lu, aimé, adoré l'univers de ce génial écrivain français, le plus grand du XXème siècle. Ce manteau de Marcel Proust est une obsession "littéraire" pour Lorenza Foschini. Elle découvre cet objet vénéré au Musée Carnavalet dans une boîte que le conservateur lui montre. L'émotion la submerge quand elle comtemple le vêtement que Proust portait souvent et qu'il utilisait comme couverture dans sa chambre capitonnée de liège. Elle raconte ensuite la vie du mécène qui a fait don des manuscrits, du manteau et des meubles de Proust. J'ai découvert alors le rôle passionnant du parfumeur Jacques Guérin, richissime homme d'affaires mais surtout amoureux fou de la "Recherche". Cet homme élégant a consacré sa vie à la mémoire de Proust. Il a même approché le frère de Marcel Proust pour acquérir les manuscrits et la femme de Robert Proust  ne s'est pas gênée pour supprimer des traces de son beau-frère, "bizarre" disait-elle parce qu'homosexuel... J'ai toujours été curieuse de la vie des écrivains que je lisais. Souvent, une biographie très documentée éclaire l'oeuvre du biographié. Les objets éparpillés et perdus des écrivains devraient être protégés comme des biens publics patrimoniaux et rien n'est plus émouvant  que de visiter des appartements ou des maisons d'écrivains. Je me souviens du Musée de Victor Hugo, Place des Vosges à Paris, de la chambre de Lamartine au musée Faure d'Aix les Bains, et des Charmettes à Chambéry où Jean-Jacques Rousseau a vécu. Ces souvenirs de Proust ont survécu grâce à un mécène éclairé et généreux. Heureusement qu'il existe encore des passionnés de littérature en France pour lire un tout petit ouvrage qui évoque... le manteau de Proust : chapeau !

lundi 22 octobre 2012

"L'homme qui aimait ma femme"

J'avais lu avec beaucoup d'intérêt un roman de Simonetta Greggio, paru en 2010, "Dolce vita 1959-1979" qui retraçait les années de plomb en Italie. J'ai donc remarqué la sortie de son dernier livre en septembre, "L'homme qui aimait ma femme". C'est l'histoire amoureuse de deux frères, Yann, le cadet et Alexandre, son aîné qui aiment la même femme. Ce trio a l'air de sortir tout droit de "Jules et Jim" d'Henri-Pierre Roché. Les deux frères en question ne se ressemblent pas du tout. Yann est un homme sérieux, entier, passionné. Son frère joue le rôle permanent de la légéreté, un Don Juan triomphant, consommant les femmes tout en aimant sa propre épouse, Maria, qui, elle, a choisi le frère volage en fuyant Yann, le beau Ténèbreux. Ce trio sa se croiser, s'aimer, se détester, s'éloigner... Mais Yann sera toujours cet amoureux qui, même à travers des relations féminines, ne peut pas oublier Maria, épouse de son frère infidèle et mère de ses deux enfants. Le roman n'aborde pas seulement cette trame romanesque du trio amoureux, il évoque aussi un arrière-plan historico-sociologique de la France des quarante dernières années. Cette double thématique mêlant les destins individuels des trois personnages principaux aux soubresauts de la société française me semble un pari très réussi. Ce roman se lit donc avec plaisir, surtout pour les lecteurs-lectrices comme moi, qui ont vécu leur jeunesse dans les années 70-80...

vendredi 19 octobre 2012

Revue de presse

En octobre, la revue Lire propose un dossier sur la rentrée littéraire du côté des romans étrangers et un entretien avec Jean Echenoz. La revue Transfuge, toujours aussi dense et passionnante, nous offre des rubriques bien écrites sur le cinéma, le théâtre et principalement la littérature. La couverture attire l'oeil avec son titre "Désertez, ce sont les écrivains qui vous le disent". Un dossier sur ce phénomène anti-social concerne les écrivains français Pascal Quignard, François Meyronnis, François Bestinguel, Gwaenëlle Aubry. Ces articles nous donnent envie de découvrir les écrivains que je n'ai pas encore lus. Dans ce numéro d'octobre, j'ai aussi remarqué deux entretiens, l'un avec Philippe Sollers, l'autre avec Michael Haneke, le cinéaste autrichien dont le film "Amour" avec Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva a obtenu la Palme d'or à Cannes. Le Magazine littéraire, revue indispensable pour les amoureux des livres, traite en particulier de "Ce que la littérature sait de la folie" avec des articles sur Nerval, Rimbaud, Artaud, Don Quichotte et le mal de lire, etc. On retrouve avec beaucoup de curiosité les nombreux articles de critiques littéraires de la rentrée 2012. La quatrième revue du mois s'intitule  "Page" dont j'ai déjà mentionné la qualité. Au sommaire de ce numéro d'octobre-novembre, j'ai surtout noté un dossier sur "L'Amour en questions" et des articles écrits par des libraires sur les dernières nouveautés. Ces revues mensuelles sont pour moi une source d'informations culturelles indispensables pour faire un choix dans toute la production romanesque car malheureusement, je ne peux lire qu'une petite centaine de livres par an... Il ne faut donc pas s'égarer dans des chemins qui n'en valent pas le détour.

jeudi 18 octobre 2012

"La réparation"

Certains lecteurs pourraient se lasser des histoires concernant la mémoire familiale, les plongées en eaux troubles dans la filiation et les ancêtres, les autobiographies générationnelles et généalogiques. Pourtant, j'ai lu avec intérêt Colombe Schneck et son témoignage sur la Shoah. Elle évoque le non-dit dans sa propre famille car sa mère, Hélène, ne lui a jamais raconté le passé tragique d'une petite cousine, Salomé, disparue à Auschwitz en 1943. Salomé n'est jamais revenue ainsi que ses grands-parents. Colombe Schneck mène une enquête à partir de ces disparitions. Sa grand-mère, Ginda, s'était installée en France et avait épousé un médecin russe mais ses propres soeurs sont restées en Lituanie et ont vécu dans le ghetto de Kovno. Colombe Schneck veut comprendre cette époque effroyable et surtout les raisons du silence de la famille sur le sort des deux soeurs de sa grand-mère,  Raya et Macha. Ces deux femmes ont survécu et ont même recommencé à vivre après la guerre, se sont mariées et ont eu des enfants. Salomé, la petite fille espiègle et adorable, massacrée par les nazis, symbolise l'atrocité de la Shoah. Le phénomène psychologique de la résilience, élaboré par Boris Cyrulnik, prend toute sa dimension dans ce récit concernant les deux grands-tantes de Colombe Schneck. Un livre sert à ouvrir les yeux du lecteur. Je connaissais des témoignages sur le sort de Juifs en Allemagne et en Autriche, mais la Lituanie reste encore pour moi un pays européen peu connu. Ce témoignage nous apporte des informations précieuses sur ce ghetto de Kovno et sur l'après-guerre pour ces milliers de victimes. Colombe se rend en Israël et aux Etats-Unis pour retrouver des traces familiales concernant les soeurs de sa grand-mère. Et le mot de la fin concerne cette petite fille Salomé qui aurait eu soixante-quinze ans aujourd'hui, et qui, grâce à Colombe Schneck, ne tombera pas dans l'oubli.

mercredi 17 octobre 2012

Abécédaire de ma France

ABECEDAIRE DE MA FRANCE


A comme Atlantique, imaginez vous une France sans la côte Atlantique ?
On ressemblerait à la Suisse ? À la Pologne? Heureusement, ma France est faite de vagues, de sable, de pins, de dunes, de ports, une France à l’air libre et au ciel bleu-nuageux

B comme Biarritz, la ville de ma jeunesse, le rocher de la Vierge, le palais de l’impératrice, mes origines maritimes, mon flacon d’iode et d’écume, mes surfeurs téméraires, un ancrage familial

C comme Camus, Albert, vieux prénom de France, sauvé par son instituteur, de "L’étranger à "La Peste", de "L’été au "Mythe de Sisyphe", un écrivain philosophe indispensable pour comprendre la vie

D comme Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen : « Tous les hommes naissent libres et égaux », ma France aux valeurs universelles républicaines

E comme Eiffel, la tour que j’ai voulu apercevoir lors de ma première visite dans la capitale , 324 mètres de métal, une vieille dame arthritique mais droite comme un point d’exclamation dans le ciel gris de Paris

F comme Fables de mon enfance, quoi de plus frais que la langue française parlé au XVIIè siècle par le Sieur Jean de La Fontaine « Maître Corbeau sur un arbre perché »

G comme Gallimard, mon éditeur préféré, celui de centaines d’écrivains, de poètes, de penseurs, une institution patrimoniale du livre

H comme Hugo, Victor, la France des Misérables, de Quasimodo, un mastodonte des lettres françaises qu’on ne lit pas mais que l’on connaît par coeur

I comme Itxassou, village adorable du Pays basque, où je cueillais des cerises sur l’arbre, à la portée de tous les chapardeurs ivres de rouge et de vert, couleurs de ce pays

J comme Jeanne d’Arc, la fille-soldat, la fille sacrifiée pour son pays, une sorcière du Moyen Age, intemporelle et mythique

K comme Kundera, Milan, un Français immigré de Tchécoslovaquie, un écrivain-phare, libre et libertin, lucide et ironique, un grand de la pensée européenne

L comme Lac du Bourget, un lieu magique, unique, une mer intérieure qui me console du manque de mon Atlantique

M comme Mai 68, un événement charnière, l’année de mes 17 ans, ma première réunion contestataire au lycée, ma première manifestation dans la belle ville de Bayonne

N comme Nerval, Gérard, mon Prince à la Tour abolie, qui a écrit un des recueils
les plus charmants de la littérature française : « Les Filles du feu »

P comme Paris, l’insupportable capitale, l’orgueilleuse, la bruyante, la culturelle, la révolutionnaire, le cœur stressant du pays

Q comme Quignard, Pascal, l’ermite lettré, le secret incarné, mon écrivain préféré

R comme Révolution française, vive la République, vive la Démocratie

S comme Savoie, les deux celle du haut, celle du bas, avec un air italien, montagnardes, gourmandes : Reblochon, la tomme des Bauges, le Beaufort, le vin blanc, les diots, ma deuxième terre d’élection et cette neige sur les sommets que je vois de mes fenêtres

T comme Tristan, Flora, 1803-1844, elle fut l’une des premières initiatrices du féminisme français, mon arrière-arrière-arrière grand-mère de coeur

U comme Uzès, la ville que je dois visiter dans une future escapade

V comme Vieira da Silva, peintre portugaise de l’abstraction lyrique, naturalisée française, ses tableaux sur les bibliothèques rendent un hommage appuyé aux livres, compagnons de vie

W comme Wikipedia, enfin une encyclopédie gratuite, le web intelligent et sympathique

X comme je cale

Y comme Yourcenar, Marguerite, la première femme élue à l’Académie française, une femme libre et originale

Z comme Zola, le courageux « j’accuse », l’honneur de la littérature


Voilà le premier texte que j'ai composé dans l'atelier d'écriture du mois d'octobre.







lundi 15 octobre 2012

"La Survivance"

Ce roman avait attiré mon attention car les personnages sont des libraires. Comme je l'ai été moi-même dans les années 76-81, j'ai connu la galère de ce métier que beaucoup de lecteurs idéalisent en se disant que c'est une chance inouie de travailler au milieu des livres. Mais quand le lecteur n'est pas aussi un "acheteur", les libraires, surtout les "petits libraires"  s'en sortent rarement. Claudie Hunzinger raconte dans ce roman la destin de Jenny et de Sils qui sont dans l'obligation de vendre leur commerce en faillite. Ils se réfugient dans la maison de leur jeunesse, une bicoque en ruines qu'ils n'ont pas habité depuis quarante ans. La survie (ou Survivance") sera pour eux le seul moyen de sauvegarder leus cartons de livres qu'ils continuent à vénérer.  Ils sont accompagnés d'une chienne et d'un âne. Ce retour à l'essentiel sur le plan matériel est une expérience quasi mystique. La présence de la montagne, des cerfs et des biches, mais aussi d'un climat hostile forgent le caractère déjà bien trempé de nos deux libraires. Chacun se donne un projet à réaliser : Sils part à la recherche des couleurs d'un rétable de Cranach, Jenny observe les animaux de la forêt en "naturaliste". Et les références à la littérature et à l'art sont des fenêtres que l'écrivaine nous ouvre pour montrer que la vie n'est pas "suffisante" sans la culture. Claudie Hunzinger rend un hommage fébrile et rare aux amoureux de la littérature. Il nous faut méditer ce passage :"Des librairies existeront encore pour les veilleurs ou les esthètes. Pas davantage. Tu as beau raconter en novembre aux étudiants des facs que les lecteurs ne sont que 10% à acheter leurs livres en ligne, c'est faux en avril suivant. Ils sont de plus en plus nombreux à le faire , parce que c'est un mouvement irréversible. Et je ne parle pas de ce qui va remplacer les livres, des Kindle, Cybook, Odyssey et Kobo ! La sensualité du papier, on s'en fichera." Ce roman de la rentrée est vraiment original et atypique. Si vous décidez de le découvrir, vous vous poserez des questions sur ce qui est essentiel dans la vie. Et quand les livres sont les vrais personnages d'un roman, je ne peux que l'apprécier...

jeudi 11 octobre 2012

Rubrique cinéma

J'ai passé un très bon moment aujourd'hui grâce au film de François Ozon, "Dans la maison". Fabrice Lucchini joue un rôle de professeur dépité par le niveau lamentable de ses élèves de Seconde en Français. En corrigeant une copie, il remarque la prose un peu plus étoffée d'un de ses élèves. Cette découverte va l'entraîner dans un enchaînement de faits réels et imaginaires. Monsieur Germain, le professeur, influence l'adolescent dans l'écriture d'un scénario "familial" : s'introduire dans la famille de son meilleur copain, séduire sa mère, se moquer de son père. Claude, le garçon, prend goût à ce jeu où se mêlent la curiosité de Germain, celle de sa femme et aussi l'envie de fuir une réalité difficile concernant un père infirme. Fabrice Lucchini est formidable dans ce personnage grincheux ne comprenant plus grand chose dans ce lycée modèle quand les pédagogues parlent d'"apprenant" pour qualifier l'élève. Lui n'aime que la littérature, le langage littéraire, la puissance de la création littéraire. Ce film rend un hommage appuyé aux livres, aux grands textes. Mais, François Ozon évoque aussi l'effet dévastateur de l'imagination dans la vie de ceux qui aiment trop la littérature, qui se "marginalisent" car ils ne peuvent pas s'empêcher de se "raconter des histoires". Monsieur Germain est en fait un écrivain refoulé et la rencontre avec cet adolescent transforme sa vie ennuyeuse de professeur blasé en lecteur privilégié découvrant un talent d'écriture qu'il ne possède pas lui-même. Il faut aller voir ce film curieux, littéraire, plein d'humour et de finesse, évoquant le charme considérable et essentiel de la littérature...

mercredi 10 octobre 2012

Club de lecture, première séance

Ce mardi 9 octobre, première séance de deux heures du club de lecture, à la Maison de Quartier du Centre ville de Chambéry. Nous étions sept lectrices motivées autour d'une table. L'objectif du club de lecture est le partage, la convivialité et le plaisir de lire et surtout de découvrir des livres que l'on n'a pas encore lus. Après des informations sur l'organisation du club (une séance mensuelle et l'engagement pour chacune de parler d'un coup de coeur ou de plusieurs choisi par les participantes), nous nous sommes lancées dans l'échange "livresque". Avant de démarrer la séance avec les coups de coeur, j'ai proposé un tirage au sort pour dix livres de poche que j'avais choisis dans ma bibliothèque. Ces livres seront présentés dans la deuxième séance de novembre. Ensuite, chaque lectrice a présenté le livre choisi d'une manière chaleureuse, spontanée, avec un enthousiasme que j'ai rarement vécu dans le cadre officiel des groupes de lecture en bibliothèque. Evelyne nous a parlé d'un écrivain islandais, Gunnar Gunnarsson, "le Berger de l'Avent" publié aux éditons Arléa. Jeanine a choisi Jean-Luc Seigle, "En vieillissant, les hommes pleurent" édité chez Flammarion. Marie-Christine a présenté "Le temps d'un soupir" d'Anne Philippe. Mylène a opté pour "Le temps mord" de Doris Lessing, Geneviève s'est passionnée pour Véronique Ovaldé, "Ce que je sais de Véra Candida" et Sylvie a terminé la série des coups de coeur avec la saga "Millénium" de Larsson. La séance m'a semblé vivante, dynamique, d'une qualité littéraire indéniable. La passion de lire se vivait en groupe et j'espère qu'un recueil des coups de coeur verra le jour en juin 2013... pour donner le goût de la découverte en littérature.

lundi 8 octobre 2012

"Prince d'orchestre"

J'ai déjà évoqué mon intérêt pour les romans "musicaux" et je viens de terminer la lecture de ce "Prince d'orchestre" de Metin Arditi, paru aux Editions Actes Sud. J'avais découvert cet écrivain suisse francophone depuis quelques années avec "Loin des bras", "Victoria Hall", "La chambre de Vincent". Son dernier roman évoque un personnage hors du commun, Alexis Kandelis, un chef d'orchestre mondialement célèbre. Il est tellement imbu de lui-même qu'il en devient inhumain. Son art musical atteint des sommets et il voyage à travers le monde avec sa cour de courtisans. Il vit dans un univers parfait,  mais, un jour, il dérape à l'occasion d'un concert et se montre arrogant et cruel envers un musicien de l'orchestre. Metin Arditi raconte ensuite une descente aux enfers : les critiques musicaux se mettent à douter de son excellence, sa femme se détourne de lui, ses agents l'abandonnent, ses amis s'écartent de lui. Il perd des contrats, n'est pas choisi pour une intégrale de Beethoven. Son monde s'effondre et il cesse de se produire devant le public. Il se met à jouer dans un casino, il s'isole dans un hôtel et il devient de plus en plus obsessionnel. Deux amies vont l'accueillir et même partager leur lit avec lui. Mais cette nouvelle étape dans sa vie va l'entraîner vers une fin tragique. Metin Arditi a offert un portrait d'un chef d'orchestre exceptionnel, dans un milieu exceptionnel, celui de la "grande musique symphonique". En tant qu'homme, il est plutôt hors norme et le lecteur n'éprouvera pas de sympathie particulière pour cet Alexis Kandilis,  un dieu sur scène et un homme pitoyable dans sa vie privée. Pour ceux qui  s'intéressent au monde musical, ce roman se lit avec curiosité...

vendredi 5 octobre 2012

"Chapardeuse"

Ce premier roman "Chapardeuse" de l'écrivaine américaine Rebecca Makkai, se lit avec plaisir. L'héroïne s'appelle Lucy, la trentaine, bibliothécaire-jeunesse dans une petite ville du Middle West. Elle remarque un petit garçon de dix ans, Ian qui adore lire. Elle comprend que Ian est un garçon à part. Ses parents, chrétiens extrémistes et homophobes ont décidé qu'il était "maniéré" et veulent le "reconvertir". Ian se réfugie dans la bibliothèque un soir et Lucy le découvre le matin. Au lieu de prévenir la famille de Ian, elle s'embarque avec lui en voiture pour retrouver sa grand-mère à l'autre bout du pays. Lucy prend des risques insensés pour sauver le petit garçon de l'emprise sectaire et normative d'un pasteur, ami de ses parents. Ils fuient à travers le pays et cette histoire de 'road-movie" tient le lecteur(trice) en haleine. Se noue entre eux une amitié pudique et le petit garçon fait preuve d'une maturité étonnante. Lucy ira voir ses parents car elle a inventé un scénario vraisemblable pour justifier la présence de Ian dans sa vie. Je ne veux pas, encore une fois, dévoiler la fin du roman. Se feront-ils arrêter par la police ? Trouveront-ils une issue heureuse à leur cavale ? Ce roman traite aussi de l'amour des livres qui peuvent sauver la vie. C'est le message de Rebecca Makkai dans ce roman limpide, frais, drôle et grave aussi dans la défense des différences... Je verrais bien cette histoire adaptée au cinéma.

mercredi 3 octobre 2012

"Mrs Dalloway"

J'étais "en panne" de nouveautés cette semaine et cela m'a permis de re-découvrir ce roman de Virginia Woolf que j'avais lu dans ma jeunesse. Je l'ai repris trente ans plus tard et c'est une expérience que je recommande à tous les lecteurs(trices). La vie nous change constamment et les livres, eux aussi, épouse ce mouvement naturel. J'avais à l'époque préféré découvrir son "Journal", "Traversées", "Orlando", "Vers le phare" et la biographie de Quentin Bell. Je n'ai toujours pas ouvert celle de Viviane Forrester qui m'attend déjà depuis quelques mois sur mon étagère des livres achetés et à conserver. J'ai découvert "Mrs Dalloway" dans une nouvelle traduction de Marie-Claire Pasquier, d'une qualité littéraire remarquable.  Evidemment, lire Virginia Woolf demande un effort. Les personnages complexes, l'intrigue inexistante, le cadre de vie londonien, l'époque des années 1920, le contexte politique, tous ces éléments forment un obstacle mais franchissable et la récompense se révèle à nous : un charme décalé, une ambiance proustienne et un style impressionniste. Ce roman nous parle d'amour, du temps qui passe, des relations humaines ratées, de désespoir de vivre mais aussi d'amour de la vie. Quand on connaît le destin tragique de Virginia Woolf entre une vie normale et ses instants de "folie", sa force créatrice ne peut que nous émouvoir. Je cite un passage sur sa manière de ressentir : "La paix descendait sur elle, le calme, la sérénité (...) C'est ainsi que par un jour d'été les vagues se rassemblent, basculent et retombent ; se rassemblent et retombent ; et le monde entier semble dire : "Et voilà tout", avec une force sans cesse accrue, jusqu'au moment où le coeur lui-même, lové dans le corps allongé au soleil sur la plage, finit par dire lui aussi : "Et voilà tout". Ne crains plus , dit le coeur. Ne crains plus, dit le coeur, confiant son fardeau à quelque océan, qui soupire, prenant à son compte tous les chagrins du monde, et qui reprend son élan, rassemble, laisse retomber." (p. 1102 de la Pléiade, tome 1). Qu'importe l'histoire du roman quand la lecture devient méditation...

lundi 1 octobre 2012

"Les désarçonnés"

Pascal Quignard signe son septième volume de l'ensemble "Dernier Royaume", oeuvre singulière, mystérieuse et fascinante. On peut lire chaque volume sans tenir compte de leur ordre de parution. Cet écrivain, le plus grand classique contemporain à mes yeux, nous transporte hors de notre temps actuel avec des anecdotes historiques sur ces "désarçonnés" de la vie, ceux qui tombent de leur cheval. Il évoque des figures littéraires comme Agrippa d'Aubigné, Montaigne, George Sand sans oublier une cohorte de personnages réels ou inventés dont on suit les aventures lors des batailles, des guerres, des querelles diverses et variées. Un livre de Pascal Quignard ne ressemble pas à un objet bien identifié dans le domaine de la littérature française. Il ferait plutôt partie du registre "contes et légendes" avec des zestes de philosophie, de morale, d'Histoire, un livre "quignardesque" si je peux me permettre de qualifier cet ensemble fragmentaire. Un article de Télérama, signé Natahlie Crom,  résumait bien l'ouvrage  : "de quoi la chute de cheval est-elle ici le nom ? Qu'elle soit réelle, mais aussi et plus souvent métaphorique, cette culbute , cette faillite désigne, pour Pascal Quignard, un événement essentiel, aussi radical qu'une conversion. Tomber à la renverse, c'est mourir pour renaître." Pascal Quignard dénonce l'amour des hommes pour l'autodestruction, les guerres, la cruauté, le vernis de la civilisation. Il ne reste plus que le retrait social, l'isolement voulu, la solitude vécue, le silence : une vie d'anachorète. Peut-être que cet état ressemble à ce dernier royaume nommé "le jadis". "Nous emportons avec nous lorsque nous crions pour la première fois dans le jour la perte d'un monde obscur, aphone, solitaire et liquide. Toujours ce lieu et ce silence seront dérobés." (citation tirée de "La barque silencieuse"). Je ne peux pas m'empêcher de citer aussi cette phrase concernant Freud : "Lumière où lire. Sigmund Freud disait que le recueillement autour d'un livre était la seule contribution positive qu'aient trouvée les hommes au processus redoutable de la civilisation.". Pascal Quignard n'oublie jamais dans aucun de ses livres de nous parler de la lecture, un acte vital qui, pour moi, nous aide à éviter le "désarçonnement" que nous pouvons tous subir, un jour, dans sa propre existence...