vendredi 28 décembre 2012

Lectures, bilan 2012

Je termine l'année en dressant la liste des 10 meilleurs livres de l'année 2012, liste évidemment subjective, injuste pour tous les très bons livres que je n'ai pas découverts cette année. C'est difficile pour moi de choisir 10 titres parmi les 90 vraiment lus de la première à la dernière page. Il m'arrive d'abandonner la lecture au bout de 20, 30 pages. Je m'obstine parfois en me conduisant comme une lectrice consciencieuse, sérieuse, appliquée, studieuse même. Mais j'abandonne quand même en me disant que d'autres écrivains(es) m'attendent sur ma table de chevet... Je reviendrai plus tard vers mes "délaissés" car le moment de la rencontre n'est pas advenu. Pour l'année 2012, voici donc mes préférés :
1. Les Solidarités mystérieuses de Pascal Quignard, l'amour fou d'une femme inconsolable,
2. Les Désarçonnés de Pascal Quignard, comment vivre après une chute ?
3. Némésis de Philip Roth, son dernier roman car Philip Roth arrêterait la fiction, je n'y crois pas,
4. Les Lisières d'Olivier Adam, le grand roman de la dépression, mais quel souffle...
5. Le sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari, roman de la génération des rêves perdus,
6. Autobiographie des objets de François Bon, œuvre originale, mémorielle, émouvante,
7. Pourquoi être heureux quand on est normal ? de Jeanette Winterson, une autobiographie décapante sur la différence sexuelle,
8. La survivance de C. Hunzinger, surprenant, ce couple en Robinson des Vosges, amoureux de nature et de livres,
9. Le jeu des ombres de Louise Erdrich, une histoire d'amour invivable et belle malgré tout,
10. L'herbe des nuits de Patrick Modiano, un très beau roman sur le temps qui passe...
En terminant cette liste, j'ai choisi sept romans français et 3 étrangers, ce qui est assez surprenant car je lis davantage de littérature étrangère que nationale. Je n'ai pas mis de littérature policière, ni d'essai, ni de poésie car j'ai privilégié la fiction.

jeudi 27 décembre 2012

Cinéma, bilan 2012

Hier, j'évoquais le charme insoupçonnable des séries. Aujourd'hui, je vais établir la liste de mes 10 films préférés sur les 26 vus en 2012, une moyenne de 2 par mois :
1. Les Invisibles, enfin un film documentaire sur la tolérance, la différence, la dignité des Homos,
2. Amour, avec Trintignant, royal et Emmanuelle Riva, poignante d'humanité, sur la vieillesse et son naufrage,
3 .80 jours, film basque, original, atypique, formidable, l'amour raté par conformisme,
4. La Petite Venise, film italien adorable, sur une communauté de pêcheurs loin des touristes de San Marco,
5. Love with Rome, comment ne pas aller voir le dernier Woody Allen ?
6. Dans la maison, pour Fabrice Lucchini et la puissance de la fiction dans la vie,
7. Albert Nobbs, film anglais, sur la difficulté d'être femme au début du siècle,
8. Cherchez Hortense, film français, sympa, pour Bacri, l'éternel déprimé,
9. Thérèse Desqueyroux, pour les Landes et la libération d'une femme, loin du carcan social,
10.Barbara, film allemand, ascétique, encore le portrait d'une femme en quête de liberté.
J'espère que l'année 2013 me réservera de bonnes surprises... Je remarque que je ne cite aucun grand succès du cinéma mondial, comme le dernier James Bond, ou les derniers thrillers américains.  J'ai toujours préféré les petites productions comme les petites librairies et les petites bibliothèques. Mon goût pour la "minorité" m'habite depuis toujours...

mercredi 26 décembre 2012

Séries, bilan 2012

J'avoue que je suis une "fan" (bizarre pour mon âge...) des séries que je regarde le soir. Les programmes télévisuels ne m'intéressent pas beaucoup et je préfère enregistrer les émissions culturelles que je vois quand j'en ai envie. Je m'adonne à la lecture au minimum deux à quatre heures par jour, étant à la retraite. Le soir, j'aime me détendre grâce aux séries, ces sacrées séries européennes et américaines, qui ont le mérite de vous tenir en haleine grâce aux nombreux épisodes qui se suivent en donnant l'impression que l'histoire ne s'arrêtera jamais. Je préfère aller au cinéma pour les films, mais j'aime m'installer dans mon canapé pour voir les séries. Le cinéma, c'est un usage culturel du "dehors" parfois exigeant, sans concession. La série, c'est un usage domestique confortable, facile, délassant. En cette fin d'année 2012, je tiens à faire un bilan des meilleures séries que j'ai visionnées :
1. Homeland, sur l'ambiguïté du personnage principal, héros ou traître,
2. Prison Break, palpitant sur le milieu carcéral, la noirceur des personnages,
3. Fringe, du fantastique intelligent, sur le thème de la dimension du temps, deux univers parallèles,
4. Boardwalk Empire, les années 20 de la Prohibition aux USA, le mal en toute bonne conscience,
5. Damages, à voir pour la sublime Glenn Close, des affaires juridiques passionnantes à suivre,
6. The Killing, une série policière qui nous vient du Danemark avec un personnage féminin attachant,
7. Borgen, la deuxième série danoise de l'année, beau portrait d'une femme politique,
8. Engrenages, enfin une série française, intéressante avec une femme capitaine, à la tête de son équipe,
9. Dexter, sacré personnage, sérial killer gentil dans sa vie diurne, horrible dans ses sorties nocturnes,
10. Desperate Housewives, la série culte des années 2000, l'amitié féminine solidaire, fin de partie.
Je ne donnerai pas le nombre de saisons pour chaque série citée, mais la méthode employée pour les regarder se résume en deux gestes : achat et revente sur Internet ou emprunt à la médiathèque. Je les consomme comme un bon vin léger, fruité, qui ne se conserve pas. Séries détente, soirées détente...

lundi 24 décembre 2012

"La vérité sur l'Affaire Harry Quebert"

Ce roman d'un jeune écrivain suisse, Joël Dicker, a été primé doublement. Il a reçu le prix du roman de l'Académie française et le prix Goncourt des Lycéens. Publié aux Editions de Fallois et l'Age d'homme, ce best-seller nous embarque dans un thriller réussi tout au long de ses 663 pages. Je le conseille comme un bon roman très distrayant, de bonne facture classique malgré un style un peu trop conventionnel. L'histoire se déroule aux Etats Unis, dans une petite ville du New Hampshire en 2008. Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est en panne d'écriture. Son éditeur le talonne pour un nouveau manuscrit. En fait, il va commencer à raconter la vie d'Harry Quebert, son professeur de littérature et son mentor à l'université. Harry Quebert est incarcéré car la police a retrouvé le corps d'une jeune fille de 15 ans, Nola Kellergan, dans le jardin de la maison où il vit. Nola avait disparu en 1975. Qui a tué cette jeune fille ? Harry Quebert est donc le premier témoin à charge car il a vécu un histoire d'amour fusionnelle avec Nola. Cet amour entre l'écrivain, âgé de 35 ans à l'époque et Nola, âgée de 15 ans, ne peut pas se réaliser à cause de la différence d'âge. Marcus Goldman décrit cette relation interdite et développe dans son roman une réflexion sur la création littéraire. Il va aussi démêler des histoires anciennes de jalousie, d'amour, d'amitié autour de personnages qui gravitaient dans l'entourage de Nola. Joël Dicker manie l'art du rebondissement, des faux-semblants et des mensonges. Il mène son lecteur(trice) sur de mauvaises pistes, le persuade même que l'amoureux Harry aurait pu tuer la jeune Nola. Je ne veux pas en dire plus sur ce bon roman très remarqué de la rentrée. Il a été aussi choisi par la revue Lire comme le meilleur roman français de l'année... Une lecture distrayante, bien construite, à la fois romanesque et policière. Et quand les personnages principaux sont des écrivains en panne d'inspiration, l'humour n'est pas loin...

vendredi 21 décembre 2012

"Le fils perdu"

Je connaissais Olivier Barrot, le Monsieur Livre de la télévision avec ses émissions courtes et efficaces, "Un livre un jour" et "Un livre toujours". J'ai donc lu par hasard son dernier ouvrage, "Le fils perdu", témoignage intéressant sur son père "biologique" et surtout sur ses "pères spirituels". Il raconte son itinéraire d'enfant que les parents ont très tôt initié à la lecture et à la vie intellectuelle parisienne. Le théâtre, le cinéma, la fréquentation des librairies nourrissent à satiété Olivier Barrot, dévoreur de papier. Il dresse quelques portraits de grands "passeurs" de culture : Jean Vilar, Jorge Semprun, Jean-Pierre Vernant, Jean d'Ormesson, Rossellini, François Truffaut, etc. Ce récit témoigne d'une vie culturelle intense et passionnante et le portrait de Jorge Semprun m'a particulièrement touchée. Olivier le dépeint comme un père spirituel. Olivier Barrot est un "homme habité par les livres" dit un de ses amis et ce témoignage autobiographique est aussi un bel hommage à tous ceux qui aiment la littérature et la culture. La télévision publique peut de temps en temps favoriser ce goût particulier et intime pour l'écriture et la lecture...

mardi 18 décembre 2012

Atelier d'écriture

Dans ce dernier atelier de l'année 2012, nous étions un tout petit groupe de quatre avec l'animatrice Marie-Christine. Evidemment, les vacances approchent et les têtes sont peut-être accaparées par d'autres enjeux... Nous avons écrit sur le thème de la neige, en s'appuyant sur un texte de Maxence Fermine, "Neige". Voilà mon texte avec deux contraintes : la phrase de démarrage et la dernière phrase. "Chaque jour, je prends l'habitude de sortir très tôt de la maison. Il avait neigé à foison pendant la nuit. Le jardin dormait sous cette neige fraîche, froide et me rendait frileuse. Je me couvris chaudement pour éviter la glaciation de mon corps. Il faisait à peine jour mais je découvris les arbres nus, sculptés dans le ciel avec une nouvelle peau blanche et épaisse. Aucun bruit dans le quartier, le silence complet, un silence ouaté, un silence de fin du monde. Chacun dans sa chaumière pour observer les milliards de flocons qui tombaient d'une autre planète, peut-être. Je m'avançais sur la neige craquante en évitant d'abîmer le manteau blanc, immaculé, profond et immobile. J'étais seule, figée par cette pluie floconneuse et légère. Générosité de la neige, silence du temps, présence invisible de la Nature qui s'affole, tempête, recouvre, efface les traces sales de la veille, cache les imperfections du paysage, oblige les animaux et les humains à se blottir dans leur tanière, explose de rire devant sa conquête. "Moi, la neige, je prends possession des lieux, je prends mes aises. Tant pis pour vos vélos, vos autos, votre travail, vos affaires pressantes. Je vous paralyse, je vous cerne et vous enferme. Je vous livre à la contemplation et à la méditation. Prenez le temps de me goûter, de me palper, de me caresser : je suis blanche, crémeuse, salée, croquante, un vrai repas de Noël !"  J'entendais ce message, je lui donnais raison. Enfin, un peu de paix et de sérénité dans ce monde fiévreux. J'arpentais les ruelles de mon quartier et croisais les sempiternelles sentinelles, propriétaires de chiens qui ne renoncent jamais à l'appel de l'extérieur malgré le froid, le brouillard, la pluie et la neige. J'avais l'impression que le blanc me portait, m'allégeait, me donnait des ailes. Faut-il saisir quelques flocons pour communier avec elle et rendre le monde plus beau et plus juste ? Mais, la neige avait cessé de tomber. Je rentrais pour la cérémonie du thé."

lundi 17 décembre 2012

"Bouche cousue"

J'ai remarqué dans un rayonnage de la bibliothèque municipale un livre de Mazarine Pingeot, "Bouche cousue" que je n'avais pas lu lors de sa sortie en 2005. Nous avons évoqué dans le club de lecture son dernier ouvrage "Un bon petit soldat" et j'avais réagi un peu négativement sur la personnalité de Mazarine, enfant-symbole d'une certaine façon de vivre dans les années 80. Cette façon de vivre, je l'ai qualifiée de "dissimulatrice". François Mitterrand, Président de la République, menait une double vie : l'officielle avec sa femme légitime et la clandestine avec la mère de Mazarine. Après avoir découvert son récit autobiographique, j'ai mieux compris la vie "secrète" de Mazarine, le problème de son identité dissimulée, le manque d'un père souvent absent mais omniprésent. Les années 80 forment le cadre historique et sociologique de cette France, passée à gauche, et porteuse d'espérance. Cette petite fille si secrète dans la vie de Mitterrand vivra cette "imposture" avec une certaine candeur mais elle comprendra, quand elle commencera à grandir, le poids de ce secret "d'état". Mazarine possède un vrai talent d'écrivaine dans ses souvenirs d'enfance et de jeunesse. J'avoue que j'aimais beaucoup le côté littéraire de ce Président qui lisait beaucoup, pour qui les livres détenaient une magie certaine. Mazarine nous raconte tous ces moments d'intimité de son père qui se retirait dans la solitude pour se plonger dans ses chers ouvrages. Ce livre constitue un témoignage assez émouvant sur les années-vintage "mitterrandiennes". En ce temps-là, pas de téléphone portable à la main d'un président, mais un livre... Mazarine va attendre un enfant et elle lui raconte dans ce journal, sa vie d'enfant caché, son drôle de grand-père, et une renaissance enfin apaisée.

vendredi 14 décembre 2012

"Tabou"

Ce film portugais, réalisé par Michel Gomes, m'a quelque peu décontenancée. Les critiques de Télérama, des Inrocks, du Monde et d'autres revues recommandaient fortement ce film comme un pur chef d'œuvre. Peut-être ne suis-je pas assez cinéphile dans l'âme mais j'avoue que je l'ai trouvé un peu ennuyeux et trop long (2h). Je n'ai pas trop reconnu Lisbonne et la ville filmée ressemble à une métropole moderne sans charme. Pourtant, le début du film avait capté mon attention : l'histoire de cette dame âgée, malade, agitée et frondeuse (elle joue au casino et perd beaucoup d'argent) était intéressante. Sa solitude flagrante était atténuée par la présence d'une dame de compagnie capverdienne d'une infinie patience et d'une bonté rare. La voisine, seule aussi, prend soin de la vieille dame "indigne". Au moment de mourir, elle donne le nom d'un homme. Et là, le film bascule dans la relation romanesque d'un amour interdit entre la femme en question et son amant dans une Afrique des années 50... J'ai regardé la deuxième partie en éprouvant un doute sur cette partie. Encore un hommage aux films muets et en noir et blanc. Cet engouement pour le cinéma "primitif" comme on dit des arts primitifs m'a laissée songeuse. Et l'Afrique coloniale est une réalité tellement fantasmée qu'elle en devient paradisiaque. La fuite du couple finit dans le mélodrame avec un meurtre gratuit. Moralité : attention aux critiques dithyrambiques de la presse !

jeudi 13 décembre 2012

Club de lecture, suite

Comme prévu, je vais essayer de résumer la seconde partie de la séance concernant les livres tirés au sort. Danièle a donc lu "Samedi" de Ian Mc Ewan, un chef d'oeuvre pour moi et je craignais qu'elle relativise mon enthousiasme pour ce roman anglais qui brasse à merveille destins individuels et collectif, portrait d'une société "malade" de violence et portrait d'une famille déstabilisée par des événements où tout bascule. Soulagement de ma part, Danièle a vraiment apprécié ce grand livre qui circulera dans le club. Sylvie a tiré au sort "Le silence de la mer" de Vercors et elle l'a trouvé magnifique... La rencontre entre un officier allemand très cultivé et une jeune française mutique n'a pas pris une ride. François a évoqué avec conviction le livre de Jorge Semprun, "L'écriture ou la vie", autobiographie intellectuelle de cet écrivain incontournable, dont la vie est un destin accompli avec une traversée palpitante et courageuse du XXème siècle.  Genevièvre a lu Zweig,  qu'elle a trouvé un peu suranné avec des personnages décalés. Elle a préfére "Le liseur" de Schlink qui aborde le thème des camps de concentration à travers la rencontre d'un lycéen et d'une femme au passé plus que lourd. Elle nous a conseillé de le lire. Nicole a tiré au sort le livre de Philip Roth, "Un homme",  très difficile à lire tellement il parle d'échecs, de maladies, de pertes. A lire en se "blindant" le moral. Je ne mentionne pas les déceptions et les avis mitigés sur certains titres faisant partie de la sélection. Le club de lecture sert à susciter l'envie de lire, de découvrir, de connaître des écrivains, des romans, des essais, des poésies dans une ambiance amicale et conviviale.. Nous nous retrouverons le mardi 15 janvier 2013 pour la quatrième fois et la première de la nouvelle annéé. Une année que j'espère riche en... lectures passionnantes !

mardi 11 décembre 2012

Club de lecture

Encore beaucoup d'échanges entre nous dans cette troisième séance de la saison... Nous avons commencé par évoquer les coups de cœur du mois. Mylène a retenu un recueil de poésie d'Eugène Guillevic, "présent" aux Editions Gallimard, poète français de Bretagne et peu connu du public. Elle nous a lu un très beau poème sur le vieillissement. Marie-Christine veut lire Grand Corps Malade, "Patient" car elle a vu ce chanteur dans l'émission "La Grande librairie"et le sujet de l'handicap physique la touche particulièrement. Geneviève a parlé de David Grossman, "L'enfant zigzag" paru aux Editions du Seuil, un roman loufoque, foisonnant d'un garçon qui, du côté père avec qui il vit, présente une droiture certaine et qui, du côté mère qu'il ne connaît pas, présente un désordre moral, ce que le titre mentionne dans le terme zigzag. Sylvie a choisi aussi David Grossman et sa "Femme fuyant l'annonce", meilleur livre de l'année 2011 pour la revue Lire. Le grand écrivain israélien semble prophétiser la mort de son fils en écrivant un roman sur un personnage féminin, Ora, qui part en randonnée en Galilée, pour fuir l'annonce de la mort de son fils, parti en mission en Palestine. Un grand livre pour Sylvie et ce rappel m'a donné envie de le découvrir. François a bien apprécié le dernier livre de Mazarine Pingeot, "Un bon petit soldat", histoire de son enfance cachée. Nicole a parlé de Grégoire Delacourt, "L'écrivain de la famille", roman agréable à lire. Danièle est la seule à avoir opté pour un très bon roman policier de Thomas Cook, "Au lieu dit, Noir Etang" aux Editions du Seuil. Mon billet suivant fera le point sur les livres "imposés" au tirage au sort.

lundi 10 décembre 2012

"Le jeu des ombres"

Louise Erdrich a écrit un roman aussi palpitant que ses précédents. Cette écrivaine américaine et aussi libraire de métier, d'origine indienne objibwé, raconte dans son dernier livre, "Le jeu des ombres",  l'histoire d'un couple en guerre permanente. Gil, le mari, est un peintre reconnu et sa femme Irène lui sert de modèle. Irène mène un thèse sur un peintre indien et écrit aussi un journal intime où elle confie ses propres doutes sur leur drôle de couple. Quand elle se rend compte que Gil lit son journal, elle invente des amants imaginaires qui seraient les pères de leurs trois enfants. Leur relation devient houleuse, violente, irrationnelle. Elle se met à boire de l'alcool et lui en vient à frapper son aîné. Il n'y a rien de misérabiliste dans le roman de Louise Erdrich. Le désamour d'Irène commence au moment où Gil s'intéresse plus aux informations dans la clinique au lieu d'aider sa femme à accoucher de leur enfant en 2001 alors que les Tours du World Trade Center s'effondraient. Irène lui demande de partir et de quitter le foyer mais Gil s'accroche et ne supporte pas la séparation. Il faudra encore plus de violence entre eux pour qu'Irène retrouve sa liberté. Mais, la fin du livre réserve une surprise que je ne dévoilerai pas... La passion amoureuse peut briser les êtres, semble nous dire Louise Erdrich, et raconter le naufrage de ce couple prend des allures de drame "shakespearien" dans une Amérique contemporaine et bien réelle dans le roman. A lire cet hiver, sans tarder...

vendredi 7 décembre 2012

"Brèves saisons au paradis"

J'avais beaucoup aimé le précédent roman de Claude Arnaud, "Qu'as-tu fait de tes frères ?" et j'avais même écrit un billet dans ce blog. J'ai donc acquis son dernier livre au titre si évocateur "Brèves saisons au paradis" car les bibliothèques de ma ville ne l'ont pas choisi comme nouveauté, soit pour des raisons financières, soit pour des raisons inconnues (méconnaissance, moralisme ?). Claude Arnaud écrit une littérature "auto-fictionnelle". Il emprunte des éléments de sa vie et les expose dans son livre en les analysant à la manière "proustienne". Pour comprendre un peu mieux ce projet d'écriture qui m'intéresse beaucoup, j'ai pris la précaution de visiter le site internet de l'auteur, recherche indispensable pour apprécier les portraits de ses amis. Les trois personnages du roman s'appellent Claude, le narrateur, Jacques, son amant, directeur d'une revue de cinéma et Bernard, un bohème dilettante et rentier. Ils vivent une histoire d'amour à trois, dans un bel appartement à Paris. Ils sont homosexuels et dans les années 75-85, ils baignaient dans l'insouciance, l'infidélité, la séduction, la légèreté d'être. Claude raconte aussi sa jalousie quand Jacques noue une relation avec un autre ami. Et lui-même trahira sa tribu en découvrant l'amour avec une femme. Cette vie festive est interrompue par l'apparition du sida. Claude Arnaud retrace la vie littéraire et artistique de cette époque à Paris et cette fresque follement amoureuse est d'une justesse et d'une vérité audacieuses. Le style de Claude Arnaud illustre avec bonheur cette "fureur de vivre" à Paris. Claude Arnaud a composé un hommage "générationnel" à tous ces amis dont certains sont disparus...

jeudi 6 décembre 2012

Revue de presse

J'attendais la sélection des meilleurs livres de l'année de la revue Lire et j'ai été étonnée de découvrir qu'un roman américain avait été choisi. Il s'agit du "Le Diable, tout le temps" de Donald Ray Pollock aux Editions Albin Michel. Je l'ai même trouvé dans les rayonnages de la bibliothèque de Chambéry, ce qui m'a surpris car je supposais qu'il était en prêt. Je vais donc le lire dans les jours qui viennent. Dans la catégorie du meilleur roman français, j'ai noté encore le retour de Joël Dicker avec "La vérité sur l'affaire Harry Quebert", déjà primé par le Goncourt des Lycéens et l'Académie française. La palme du meilleur roman étranger revient à Antonio  Munoz Molina, "Dans la grande nuit des temps" aux Editions du Seuil. J'ai surtout retenu ces trois choix et si vous voulez la suite, je vous recommande l'achat de la revue... Dans ce numéro de décembre-janvier, un portrait de Salman Rushdie et un entretien avec le philosophe Robert Misrahi ont retenu mon attention. Le Magazine littéraire de ce mois propose un dossier passionnant sur l'identité : "Ce que la littérature sait de l'autre" suivi d'un grand entretien avec Jean Starobinski. Evidemment, la revue n'oublie pas un guide des beaux livres pour la saison des cadeaux. La revue Transfuge, toujours éclectique et subversive, s'est penchée principalement sur les classiques, des "modern classics", œuvres cultes oubliées du XXe siècle. On y lit aussi des critiques sur les films et les livres sortis en cette saison. Ma quatrième revue littéraire du mois que j'achète ponctuellement se nomme "Le Matricule des Anges" d'une qualité remarquable, curieuse de la "petite édition", des écrivains souvent confidentiels mais essentiels dans le monde de la littérature. Ce mois-ci, la revue nous offre un dossier important sur l'écrivain suisse, Robert Walser. Beaucoup de critiques, chroniques, enquêtes complètent le dossier central. La moisson est très satisfaisante pour ce mois de décembre, particulièrement redoutable pour ceux qui n'aiment pas le folklore des fêtes...

mardi 4 décembre 2012

"Flétrissure"

J'ai déjà signalé dans mon blog la qualité de la collection "Actes noirs" chez Actes Sud, maison d'édition que j'apprécie vraiment beaucoup. Après la suite de Millenium (à lire même si vous n'aimez pas le genre policier), j'ai emprunté "Flétrissure" de Nele Neuhaus, roman traduit de l'allemand par Jacqueline Chambon. J'ai trouvé dans ce livre tous les ingrédients qui me plaisent dans ce genre de littérature. Souvent après des lectures ambitieuses ou décevantes, j'ai envie de me "changer les idées" et de rentrer de plain-pied dans des pages qui se lisent facilement mais qui comportent quand même des éléments romanesques :  une intrigue ficelée et complexe, des personnages bien identifiés, un lieu inhabituel, une atmosphère pesante, trouble, un passé glauque, des secrets surtout... Nele Neuhaus nous a donc concocté un roman qui correspond à tous ces ingrédients culinairement littéraires dans le domaine des romans policiers. Il est question de meurtres inexpliqués touchant des personnes âgées dont un homme influent sur le plan politique. Il est inutile de rentrer dans les détails mais l'usurpation d'identité est le thème majeur du livre dans une période sombre de l'Allemagne, côté Prusse orientale pendant la Guerre de 39-45. L'enquête rebondit sans cesse et le lecteur découvre des personnages secondaires inquiétants dans une famille d'industriels qui cache bien des mystères. Après le succès des "scandinaves" dans la collection,  offrez-vous ce détour par l'Allemagne...

lundi 3 décembre 2012

"Les Invisibles"

Il ne faut pas rater ce film documentaire, "Les Invisibles", de Sébastien Lifshitz. Il traite d'un sujet plus que délicat et qui peut déranger. Ce film nous apprend à regarder autrement ces "Invisibles" de la société française des années 60 à 80 quand la normalité hétérosexuelle était la règle absolue qu'il ne fallait pas transgresser. Les acteurs réels du film nous racontent chacun leur histoire de vie, leur destin d'homosexuel à la campagne, en ville, dans leur métier, dans leur quartier. Ils sont tous à la retraite et certains portent à merveille leur quatre-vingt ans bien sonnés. Des couples d'hommes ou de femmes vivent leur amour dans la fidélité, la solidarité, l'attention commune. Les Homos célibataires éprouvent un regret de ne pas avoir de compagne ou de compagnon, mais acceptent leur solitude avec un apaisement remarquable. Le réalisateur met aussi l'accent sur le militantisme des femmes dans la lutte pour l'avortement et la reconnaissance de leurs droits. Deux femmes, Thérèse et Elisabeth, se confient à la caméra et communiquent leur rage de vivre, leur sentiment de l'injustice, leur courage face à l'intolérance de la société. Le couple de femmes, élevant des chèvres dans un village du Sud de la France, nous raconte leur vie heureuse dans la nature et s'intégrant dans le milieu paysan sans problème. J'admire leur combat audacieux dans les années 70 et 80 qui a changé profondément la société, devenue quand même plus tolérante au fil des années. Thérèse en particulier crève littéralement l'écran par sa joie de vivre, la justesse de ses idées, sa vie réussie dans l'amour et l'amitié des femmes. "Les Invisibles"  apportent une richesse humaine précieuse et font comprendre qu'être homo, même dans la clandestinité, n'est pas une tare, ni un crime mais un destin singulier à assumer avec fierté. Ce destin "d'Invisible" demande une volonté de vivre incroyable. Pour moi, ce film est un des plus importants de l'année car il prône des valeurs indispensables comme la vérité, la justice, la solidarité, la tolérance. Pourquoi certains de nos contemporains se sentent-ils menacés par une demande d'égalité pour le mariage homo ? Il faudrait qu'ils prennent le temps d'aller voir ce film qui parle de ces "extra-terrestres" si sympathiques, si doux, si tolérants, eux, au fond...

vendredi 30 novembre 2012

Atelier d'écriture

Marie-Christine a choisi le thème du voyage pour cette quatrième séance de la rentrée. Elle a étalé sur une table, des photographies de divers pays et il fallait en choisir une. Le premier exercice portait sur l'objectivité dans l'écriture en utilisant un style proche du Nouveau Roman. J'ai opté pour une photo montrant trois très belles femmes des Fidji, habillées avec des habits végétalisés, portant à leur cou des colliers de coquillage et sur leur tête, une coiffe composée de tiges multicolores. Chaque participante a bien rempli ce contrat d'objectivité en décrivant les paysages de montagne ou les scènes d'intérieur des photographies. Le deuxième exercice que Marie-Christine nous a proposé devait porter sur un personnage figurant dans la photo. Il fallait donc faire le contraire d'un récit "scientifique" et écrire un texte imaginatif. Voici le mien sur une des trois danseuses des îles Fidgi :
"Encore une corvée de plus pour gagner ma vie ! Je suis obligée de me déguiser en poupée exotique pour accueillir les nombreux touristes occidentaux en quête de bonheur éphémère et trompeur. Dès l'arrivée des avions, me voici avec mes copines en train de me trémousser, habillée d'un costume à base de feuilles de bananier qui me piquent la peau. Ma coiffe ridicule risque à tous moments de tomber tellement il faut se dandiner comme un dindon. Quelle mascarade et tous ces touristes s'imaginent qu'on aime ce cirque d'accueil ! Je me nomme Bora, native du coin, diplômée bac + 5 en droit mais je suis au chômage. J'ai trouvé ce job folklorique mais j'aimerais tellement m'adonner à mon travail juridique. En dansant, j'ai envie de hurler aux voyeurs mâles en mal d'exotisme : vous y croyez à ces îles paradisiaques de carte postale ? Le sourire obligatoire, les tenues colorées, la danse de bienvenue ne forment qu'une parodie idiote loin de notre identité fondamentale. Demande-t-on à des Auvergnats de danser la bourrée à l'aéroport de Clermont-Ferrand, ou à des Basques avec leur fandango à Biarritz ? Je revendique donc pour nous les îliennes, un statut d'égalité avec les métropolitaines. Fini, les chichis, la comédie du bonheur... Je refuse ce rôle de poupée danseuse. J'ai organisé un groupe de pression pour nous faire remplacer... par des hommes, déguisés en femme enguirlandée. Ils comprendront peut-être tout ce que nous endurons depuis des siècles. Il est temps de vivre enfin notre vie de femme en toute dignité !"  Je ne peux pas m'empêcher de réagir en féministe quand je vois des femmes-poupées, des femmes-objets, des miss de concours, etc. Nous avons passé un très bon moment ensemble et tous les textes lus méritaient notre écoute, toujours attentive.

mardi 27 novembre 2012

Rubrique cinéma

J'aime bien les adaptations des classiques au cinéma et j'ai donc vu le "Thérèse Desqueyroux" de Claude Miller. J'ai lu Mauriac dans ma prime jeunesse  et je suppose qu'aujourd'hui, François Mauriac fait partie de la catégorie des "Grands Oubliés" de la littérature française. Claude Miller, disparu après le film, nous propose une version très fidèle du roman. J'ai retrouvé l'atmosphère étouffante des familles bourgeoises et chrétiennes des années 20 dans les Landes. Thérèse se marie avec un homme propriétaire de pins comme elle, et ce mariage arrangé par leurs deux familles va se défaire au fil du temps. Le mari de Thérèse est un homme simple, mieux, simpliste. Il ne se pose pas de questions, suit à la lettre les traditions genre "chasse-pêche-nature", ne comprend pas sa femme qui demeure, pour lui, un mystère. Cette confrontation entre Thérèse et son mari est filmée avec une lenteur pesante qui rend bien cette ambiance feutrée des familles où le silence est roi et la vie individuelle, un mirage. Thérèse s'ennuie, s'ennuie à mourir dans cette province traditionnelle et patriarcale. Cette Madame Bovary sans amant va commettre un acte "libérateur" en empoisonnant... son mari. Mais, il va s'en sortir et punira Thérèse en l'écartant de leur enfant et en la confinant dans sa chambre. Il faut avant tout préserver les apparences et le quand-dira-t-on au village. Elle sombre dans la dépression, mène une vie de recluse, pense au suicide. Son mari rancunier la prend quand même en pitié et lui rendra enfin sa liberté... Ce film est un beau portrait de femme des années 20 mais je dirai même d'aujourd'hui dans nombre de contrées lointaines ou proches. Claude Miller et François Mauriac, "féministes" convaincus, méritent notre estime et le public peut donc découvrir le charme déroutant d'Audrey Toutou, les beaux paysages landais, et le parcours douloureusement chaotique de Thérèse vers la liberté... Et je vais relire ce chef d'oeuvre de Mauriac.

lundi 26 novembre 2012

"Petit éloge de la vie de tous les jours"

J'avais mentionné l'intérêt de cette petite collection chez Folio et en plus, chaque volume ne coûte que deux euros. Il y en a pour tous les goûts et en ces temps de crise, on peut trouver des livres à bas prix dans les librairies... Cet ouvrage de Franz Bartelt fait donc l'éloge du quotidien, un quotidien de son pays pas très touristique, les Ardennes, et qui pourtant le satisfait pleinement Il évoque avec humour et poésie les gens du coin, le bonjour du boucher, les heures qui passent, une rivière qui coule, une mère et son fils dans un bar, la présence lancinante de la pluie, un champ de pommes de terre, etc. Vous allez penser que cet opuscule dégage un certain ennui, mais bien au contraire, le narrateur de cet éloge de la simplicité de vivre nous révèle un secret précieux : ne jamais oublier d'observer la vie et la décrire ensuite en utilisant les mots, l'écriture. J'ai aussi les confidences de Franz Bartelt dans le dernier chapitre : "J'ai toujours été persuadé qu'un livre repose davantage sur une intuition que sur une connaissance. Le langage se suffit. Il constitue la connaissance de l'intuition et l'intuition de la connaissance. Il s'autoproduit. Quoi qu'il exprime, il ramène tout à lui, au langage. A partir du moment où des mots sont propulsés sur une feuille de papier par une intelligence et une sensibilité humaines, ils ont un sens, une utilité et composent une histoire (...)".  Quand un écrivain s'exprime sur l'art d'écrire, on ne peut que lui porter une vive attention. Cette petite collection Folio mérite vraiment le détour...

jeudi 22 novembre 2012

Club de lecture, suite

La deuxième heure de la séance était consacrée aux livres que j'ai choisis et c'est la seule "contrainte" que j'impose aux participants(es). Le tirage au sort réserve quelques surprises mais, évidemment, le libre arbitre du lecteur(trice) reste entier. Nous avons le droit d'aimer, de ne pas aimer, de lire dix pages ou cent et de laisser tomber, ou d'adhérer. La liberté "guide nos pages" dans le club de lecture... Je vais donc essayer de retracer les découvertes du jour. Sur la dizaine de livres, certains ont particulièrement  joué leur rôle de "détonateur". Le roman de C. McCarthy, "La Route" a frappé Mylène par sa noirceur, sa désespérance, son ambiance inquiétante de fin de monde, un monde en crise après un cataclysme. Evelyne nous a très bien résumé l"Education européenne" de Romain Gary, qui n'a pas pris une "ride", et qui évoque un épisode de la Guerre de 39 en Pologne. Elle a aussi évoqué le documentaire très complet, "Petit éloge des amoureux du silence", ouvrage qui a ouvert une discussion sur notre quotidien, souvent agressé par un bruit ambiant en ville comme à la campagne. Geneviève a apprécié le roman de J.C. Oates, "Zarbie, les yeux verts",  portrait d'une adolescente qui sort ses griffes pour se défendre. Marie-Christine a beaucoup aimé le roman de Gaëlle Josse, "Les heures silencieuses", portrait touchant d'une femme au XVIIème siècle. Jeanine nous a lu un poème, extrait du recueil de Guy Goffette, "Eloge d'une cuisine de province", poésie du quotidien, gourmande et délicieusement provinciale. Comme je n'ai pas toujours le temps de prendre des notes, je me repose sur une mémoire "orale" qui peut comporter des oublis... Ces deux heures passées entre lectrices (et un lecteur) ont rempli leur objectif :  débattre,  échanger,  partager, découvrir, pour mieux s'adonner à l'acte de lire qui nous a réunis ce mardi 20 novembre... Prochain rendez-vous le mardi 11 décembre.

mardi 20 novembre 2012

Club de lecture

Ce mardi 20 novembre, nous étions une dizaine de lectrices et un lecteur (dont trois nouveaux) à partager nos lectures du mois. J'avais articulé la séance en trois temps : les coups de cœur, les livres du tirage au sort, et le lot pour le mardi 11 décembre. Comme en octobre, la réunion s'est déroulée dans une ambiance conviviale où la prise de paroles et l'écoute alternent à un bon rythme. L'essentiel du club est de repartir pour chacun(e) avec des ouvrages que l'on veut découvrir. Curiosité, appétit, envie, tous ces mots résument l'objectif du groupe. Je vais évoquer les coups de cœur de chaque participant(e) sans proposer des résumés qui seront peut-être élaborés plus tard. Comme j'aime les listes, voici la première : Evelyne a choisi "14" de Jean Echenoz qu'elle a beaucoup aimé, Mylène a proposé "L'innocent de Palerme" de S. Gandolfin, un roman pour adolescents sur le thème de la Mafia, Geneviève a présenté Franz Bartelt le trouvant loufoque et original en précisant qu'il est reçu à la Médiathèque de Chambéry ce vendredi 23 novembre à 18 H, Marie-Christine a évoqué le poète Joël Vernet qu'elle venait de recevoir en cadeau, Nicole a parlé de J. M. Coetzee, "l'Eté de ma vie", une autobiographie originale de cet écrivain d'Afrique du Sud, Danièle a montré le livre de Marie de Hennezel, "Une vie pour se mettre au monde", livre de réflexions sur la vie et aussi "Les contes de Noël" de Tolkien, François a mentionné deux coups de cœur avec "Emportée" de Paule du Bouchet, un récit littéraire sur la liaison de René Char avec la mère de l'auteur et un roman du singulier Jean-Paul Goux, "Le séjour à  Chenecé", Jeanine a parlé d'un roman qu'elle lit dans la langue originale pour le Festival du Premier roman italien. La littérature est un domaine éclectique, diversifiée, vaste comme le monde et chacun peut trouver son trésor à emporter sur une île déserte. Comme je ne veux pas que mon billet soit trop long, je rendrai compte demain de la deuxième partie de la séance.

lundi 19 novembre 2012

"Réanimation"

J'avais écouté Cécile Guilbert dans l'émission de LCP, "Bibliothèque Médicis" et j'ai donc voulu découvrir son livre autobiographique, "Réanimation". Blaise et Cécile, la narratrice mènent une vie de "bobos" parisiens, dans un quartier très mode, le Marais, et travaillent dans le culturel. Elle vient d'écrire une biographie de Warhol et lui, est  photographe. Ils baignent dans l'insouciance et dans le plaisir. Mais, tout s'arrête le jour où Blaise est foudroyé par une infection rare, la cellulite cervicale, maladie mortelle concernant le cou. Il est hospitalisé et se transforme dès lors en "homme-machine". Il est plongé dans le coma. Commence pour sa compagne une attente insupportable. Va-t-il s'en sortir ou mourir ? Le récit de Cécile Guilbert devient un journal intime où elle désire laisser des traces de ce temps entre parenthèses. Sa présence auprès de Blaise nourrit les descriptions techniques de la vie hospitalière. Le corps se transforme en objet et Cécile Guilbert offre ainsi un livre de bord de la maladie : les opérations risquées, les soins permanents, la présence du personnel médical, la famille, les amis. Cécile Guilbert analyse les moments de doute et de panique, mais aussi d'espoir. La lecture d'un récit aussi dramatique pourrait décourager un(e) lecteur(trice), effrayé(e) par la maladie. Il faut au contraire lire ce récit fébrile, vivant et même vibrant, qui montre comment la vie peut basculer d'un jour à l'autre. Je cite ce passage où Cécile Guilbert rend hommage aux livres : "Vivant dans la pénombre sous leur fine poussière, les livres dispensent silencieusement leur présence magnétique, leur faculté d'écoute. J'ai si souvent remarqué que ceux qu'il me fallait lire ou relire s'étaient toujours glissé entre mes mains au bon moment, comme par enchantement, reliés entre eux par des chaînes mystérieuses d'intelligence et de bonté. Comme s'ils volaient au-devant de mes pensées les plus secrètes, de mes désirs les plus intimes : objets magiques vers lesquels je n'ai qu'à tendre la main pour qu'ils les élargissent et les amplifient". Un beau récit...

vendredi 16 novembre 2012

"Autobiographie des objets"

C'est rare d'éprouver une admiration sans bornes pour ce livre original et singulier de François Bon. Pourtant, il ne fait pas partie de mes lectures régulières... Il est question de multiples objets qu'il décrit avec précision : du nylon, des machines à écrire, un transistor, un microscope, une règle à calcul, des machines à laver, des prises électriques, etc. Cet ouvrage se transforme en quincaillerie, droguerie, mercerie, magasin de jouets, garage dont celui de son père. Et surtout, François Bon rend un hommage émouvant aux livres, ces livres qui l'ont transformé lui-même en écrivain. Il établit la liste de ces rencontres essentielles : la flore portative Bonnier, l'encyclopédie "Tout l'univers", les Jules Verne, la collection "Rouge et Or", la présence merveilleuse d'une armoire à livres de la maison familiale, les Pléiades, etc. Ce livre "proustien" m'a d'autant plus charmée qu'il présente aussi les catégories d'objets des années cinquante et soixante car François Bon est né en 1951. J'ai certainement touché les mêmes objets que lui et il parle d'une région rurale entre Charente et Vienne. Il évoque son univers familial avec une tendresse infinie. Il écrit :"J'appartiens à un monde disparu - et je vis et me conduis au-delà de cette appartenance. C'est probablement pour tout un chacun. La question, c'est l'importance et la rémanence matérielle d'un objet, parfaitement incongru, parfaitement inutile, dans le parcours personnel." Plus loin, il note son goût des livres : "Je n'ai jamais manqué de livres. Ils sont passés au premier plan d'une expérience de vie que la routine du bourg rendait assez médiocre". A chaque chapitre correspond la description d'un objet et le lecteur(trice) se prend à rêver des objets avec lesquels il a traversé l'enfance et tous les âges de la vie. Cet ouvrage représente une tentative réussie de raconter sa vie grâce aux multiples objets qui peuplent nos espaces personnels. Ce retour vers le passé matériel est un "enchantement" à lire absolument et à offrir à des amis. Quand je pense qu'il n'a pas eu de prix littéraire...  Pour mieux connaître cet écrivain, son blog très réputé dans le milieu littéraire, est incontournable... Voilà son adresse : tierslivre.net

jeudi 15 novembre 2012

Atelier d'écriture

Nous avons repris la direction de l'atelier d'écriture ce mardi 13 novembre et Mylène nous a proposé des exercices sur les jardins. Il fallait fouiller dans notre mémoire pour raconter notre jardin idéal, réel ou imaginaire. J'ai choisi un souvenir  de mon enfance et je l'ai intitulé , le jardin du curé Legrand :
Petite fille, mes parents ne possédaient pas de jardin. Nous habitions dans des maisons-commerce. Le bar-café était au rez-de-chaussée et les chambres au premier étage. Pourtant, c'était un vaste labyrinthe de pièces souvent délaissées. Mais, pas un seul brin d'herbe dans mon environnement immédiat. Le seul jardin qui, à mes yeux d'enfant, existait vraiment, jouxtait ma petite école, composée de trois salles de classe au confort sommaire. On vivait simplement pendant les années Cinquante. Les élèves filles, disciplinées et formatées à la religion catholique, n'osaient pas pénétrer dans le jardin du curé Legrand, un curé au tempérament de feu, jovial et grand organisateur de notre vie au village. Malheur à celui ou celle qui manquait la messe et les vêpres ! Son jardin entourait le presbytère et il le soignait avec une ardeur religieuse. Des plates-bandes en pierre dessinaient un chemin de terre traversant un coin potager, où poussaient des pieds de tomates, des haricots verts, des poireaux, des pommes de terre et des citrouilles. Des marguerites, des arums, des pivoines, des roses agrémentaient avec un désordre heureux les petits coins du jardin. Quand on est enfant, on ne connaît pas le nom de toutes les fleurs. Des arbres fruitiers, cerisier, poirier, prunier, figuier, plantés ça et là, apportaient la fraîcheur de l'ombre dans ce jardin presbytérien. Mais le moment que j'attendais le plus dans la journée d'école était la corvée de charbon. Un poêle par classe chauffait l'atmosphère et il fallait le remplir de petites boules noires qui s'amoncelaient dans la cabane, située dans le jardin. Je me désignais pour la corvée et avec mon seau, je pénétrais enfin dans cet espace de nature domestiquée par les mains du curé. Je m'exilais ainsi une bonne demie heure et je trouvais que ce petit jardin de rien du tout, ce modeste et insignifiant jardin de curé, valait le Boboli de Florence ou le Luxembourg à Paris. Un vrai paradis, ce bout de verdure..

mardi 13 novembre 2012

Rubrique cinéma

Ce film français, "L'air de rien" , relève d'une modestie rare de nos jours.  Les deux réalisateurs, Stéphane Viard et Grégory Magne, ont choisi un sujet socio-people, celui de la faillite d'un chanteur, Michel Delpech. Tout est modeste dans ce petit film : un décor de province, l'Auvergne, deux huissiers de justice, un chanteur populaire "has been", des dialogues sommaires. Bref, le spectateur(trice) peut s'ennuyer dès les premières minutes. Mais, le charme opère en s'attachant au personnage du chanteur, vieillissant dans la solitude et la dépression, rêvant de son passé glorieux. Un huissier de justice  "humain" par rapport à son collègue cynique, doit régler le problème des dettes du chanteur. Il se lance alors dans un rôle d'imprésario pour chercher des salles de spectacle. Il utilise ses propres clients, propriétaires de salles qu'il va manipuler pour aider le chanteur endetté. On assiste ainsi aux prestations de Michel Delpech devant des publics de fans qui redécouvrent la saveur des années 80 dans une France rurale, simple et nostalgique. Les "ritournelles" entraînantes de Delpech rythment le film et lui justifient son titre,  "L'air de rien". Une amitié naît entre cet huissier si peu doué pour ce métier de prédateur et le chanteur populaire, qui sort ainsi de sa galère et de l'angoisse des dettes. Des valeurs toutes simples apparaissent au fil du film : la solidarité, l'amitié, la simplicité, la sobriété. Grégory Morel, notre huissier si gentil rend hommage à son père, grand fan du chanteur, et quittera son associé sans coeur. Cette comédie se laisse regarder avec plaisir et détonne dans le panorama du cinéma d'aujourd'hui.

lundi 12 novembre 2012

"Du côté de Canaan"

Sébastian Barry, écrivain irlandais, a écrit un roman attachant dont le personnage principal, Lilly Bere, raconte sa longue et difficile existence. A quatre-vingt neuf ans, Lilly confie ses pensées à ce journal intime après le suicide de son petit-fils Bill, ancien militaire, n'ayant pas supporté son retour au pays après son engagement à la Guerre en Irak. Cette grand-mère a fui l'Irlande avec son fiancé. Il travaillait dans la police et traquait les "terroristes" de l'IRA. Le couple est obligé d'immigrer car les soldats de l'IRA voulaient se venger. Commence alors la trajectoire romanesque de Lilly en Amérique comme beaucoup d'Irlandais au début du XXème siècle. Lilly et Tag Bere parviennent à bâtir leur vie dans ce pays d'immigration mais, Tag n'échappe pas à son destin et se fait abattre par un Irlandais de l'IRA. Lilly recommence à zéro et rencontre par hasard une femme noire, Cassie, qui va lui sauver la vie. Cette amitié socialement exceptionnelle dans une Amérique raciste lui permet d'être embauchée dans une famille riche. Cette aubaine professionnelle la stabilise et elle fait aussi la connaissance d'un policier qu'elle épouse et dont elle a un enfant. Mais le destin interrompt ce bonheur passager car son mari l'abandonne. Lilly élève son fils Ed, qui à son tour, la quittera pour faire la Guerre au Vietnam, suivie d'une rupture dans leur relation. Lilly récupera le fils d'Ed, son petit-fils... Dans cette saga américaine, Lilly représente la femme-courage, une Pénélope contemporaine dans le Nouveau Monde. Je cite un passage du livre : "La peur est une force comme le mal de mer, on peut l'appeler un mal de vie, une nausée terrible provoquée par l'effroi, l'effroi rampant, qui paraît se retirer un peu dans les rêves pendant le sommeil, mais qui, après le réveil, se précipite sur vous et se met de nouveau à ronger votre simple besoin de paix." Ce livre d'une facture traditionnelle mérite toute l'attention des lecteurs(trices) qui apprécient les portraits de femme, dignes et généreuses, victimes de la folie des hommes, représentée par les guerres du XXème siècle. Malgré un destin malheureux, Lilly Bere montre tout au long de sa vie, un courage héroïque typiquement féminin...

vendredi 9 novembre 2012

Prix littéraires 2012

Les prix littéraires de la saison 2012 ont confirmé des écrivains déjà reconnus et ont aussi distingué des talents nouveaux. Voilà la liste des principaux lauréats :
- Prix Goncourt, Jérôme Ferrari, "Le sermon sur la chute de Rome" aux Editions Actes Sud. J'ai lu ce livre dès sa sortie et j'ai vraiment "senti" qu'il obtiendrait ce prix. Je l'avais même annoncé à la bibliothécaire à qui je l'avais rendu. Ce roman posséde toutes les qualités pour obtenir ce prix qui touche un vaste public : une histoire d'amitié entre deux copains d'enfance, la Corse, pays complexe, un bar, microcosme hautement romanesque, un style élégant et un drame tragique pour mettre un point final au récit. Si vous ne l'avez pas lu, rentrez dans une librairie pour l'acheter...
- Prix Fémina, Patrick Deville, "Peste et choléra" aux Editions du Seuil. La presse littéraire avait évidemment remarqué ce roman qui avait obtenu aussi le prix Fnac. Je le lirai certainement.
- Prix Médicis, Emmanuelle Pireyre, "Féerie générale" aux Editions de l'Olivier. Je dis franchement que je n'avais pas du tout noté ce roman et  les critiques ne l'ont pas remarqué outre mesure.
- Prix de l'Académie française, Joël Dicker, "La vérité sur l'affaire Harry Québert", aux Editions de Fallois, un thriller à l'américaine. Je le découvrirai par curiosité. Cet écrivain suisse, peu connu du public, avait attiré de nombreuses critiques favorables.
- Prix Renaudot, Scholastique Mukasonga, "Notre Dame du Nil" aux Editions Gallimard. Je n'avais jamais entendu parler de cette écrivaine rwandaise, peu connue jusqu'à l'obtention du prix.
Je n'ai évoqué que les prix les plus connus et je relève avec plaisir la parité hommes-femmes, un choix plus ouvert des éditeurs (Actes Sud, L'olivier, De Fallois), des jeunes talents. Les temps changent peut-être grâce au renouvellement des membres du jury, surtout pour le Goncourt. En résumé, une bonne saison pour les prix littéraires...

jeudi 8 novembre 2012

"L'herbe des nuits"

Résumer le dernier roman de Patrick Modiano me semble une tâche ardue, mais je vais quand même essayer pour rendre un hommage à cet écrivain français que j'aime tout particulièrement depuis son premier livre, "La Place de l'Etoile", paru en 1968.  J'ai suivi son œuvre tout au long de ces années et j'attendais la sortie de son prochain livre avec plaisir. Au cœur de chacun des textes, le sujet central n'est pas un personnage, un lieu, une intrigue, une aventure, un amour, ou tout autre catégorie romanesque. Ce sujet central, c'est le passé perdu à tout jamais, la mémoire des événements et des personnages, le flou, l'imprécis, la perte des souvenirs, la recherche des bribes mémorielles, une atmosphère, une ambiance, une quête du "disparaître". Dans ce dernier roman, il est question d'un écrivain qui relate une histoire qu'il a vécu avec une jeune femme à l'identité multiple. Elle fréquente des hommes mystérieux, troubles, aux activités quelque peu clandestines. On se retrouve dans le Paris des années 60, à l'atmosphère inquiétante. Le narrateur, à l'aide d'un carnet noir, essaie de localiser les cafés, hôtels, immeubles et même une maison de campagne où il aurait vécu cette drôle d'histoire avec cette femme, aussi fantasmée que réelle. Le lecteur(trice) doit se laisser porter par cette recherche minutieuse de cet amour de jeunesse et des individus qu'il a rencontrés par hasard sans connaitre leurs agissements suspects. Patrick Modiano évoque les rues, les quartiers de Paris en mentionnant souvent des écrivains qui ont vécu dans ces lieux. Il définit ce temps passé de "flottaison", quand on a entre 17 ans et 20 ans, et que la vie est devant soi sans ancrage précis. Ce roman devient une enquête de police au fil du récit et le charme opère encore une fois de plus quand on se laisse tout simplement dériver dans ce flot de mots au parfum suranné du temps qui a passé...

mardi 6 novembre 2012

Rubrique cinéma

Sandrine Bonnaire est une comédienne hors du commun. Les rôles qu'elle a joués dans sa carrière m'ont toujours laissé des souvenirs cinématographiques marquants. Souvenons-nous de son personnage poignant dans le film d'Agnès Varda, "Sans toit, ni loi". Elle nous propose son premier long métrage, "J"enrage de son absence" que j'ai vu aujourd'hui. Ce film aborde un sujet souvent évité en général au cinéma et même dans la littérature : la mort d'un enfant. Le père franco-américain du petit garçon, joué par William Hurt, est venu régler l'héritage de son père et retrouve son passé. Son ex-femme a refait sa vie après le décés de leur fils, mort dans un accident de voiture. Elle est devenue mère une deuxième fois et le petit garçon a le même âge que Mathieu, l'enfant disparu. L'ex-mari ne s'est jamais consolé de la perte de son fils. Il va se rapprocher de Paul, le fils de son ex-femme en s'installant dans la cave de l'immeuble pour communiquer avec l'enfant, séduit par ce jeu troublant. Va naître entre l'homme inconsolable et le petit garçon généreux une complicité clandestine. Mado, la mère de Paul, finira par découvrir le stratagème de son ex-mari. Je ne dévoilerai pas la fin. Ce film grave sur le désespoir d'un père parle de l'impossibilité de faire son deuil après la mort de son enfant. Alexandra Lamy joue le rôle de la mère  et illumine le film par sa bonté et sa compassion. Côté ombre, Sandrine Bonnaire film la souffrance, le chagrin, la dépression inguérissable mais aussi côté soleil,  elle film la reconstruction de la mère, la naissance d'une nouvelle famille, la vie qui continue malgré l'insoutenable...

lundi 5 novembre 2012

"Némésis"

Le dernier roman de Philip Roth, "Némésis", doit faire absolument partie de vos lectures de l'année et j'espère que la sélection de la revue Lire pour les vingt meilleurs livres annuels intégrera ce roman grave et magnifique. Si je reprends la définition de Némésis dans Wikipédia, je constate que Philip Roth a utilisé ce nom pour résumer le destin du personnage principal, nommé Mr Cantor, animateur sportif dans un quartier juif de Newark (New Jersey) en 1944. En fait, le narrateur de cette histoire est un ancien jeune sportif de cette époque où la vie du moniteur sportif a basculé. Selon la mythologie grecque, Némésis "est la déesse de la juste colère des dieux, parfois assimilée à la vengeance. Le nom de Némésis  dérive de l'expression "le don de ce qui est dû ".  Elle est aussi interprétée comme étant un messager de mort envoyé par les dieux comme punition." Mr Cantor s'est vu refuser l'intégration dans l'armée américaine à cause de sa myopie. Il accepte donc d'encadrer des jeunes garçons sur le plan sportif. Or, une épidémie de polio éclate dans la ville et décime quelques jeunes vies dans son propre quartier. Il s'avère que sa fiancée lui demande de la rejoindre dans un camp de vacances où la polio ne sévit pas. Bucky est face à un dilemme moral décisif : va-t-il abandonner ses jeunes atteints par l'épidémie ou rejoindra-t-il ce camp où règnent le bonheur de vivre, l'insouciance, la vie normale ? Après réflexion, il finit par accepter son nouveau poste dans ce camp de vacances. Cette fuite va le changer en profondeur. Il va tomber malade et même "propager" le virus de la polio dans ce domaine protégé. Je ne veux pas donner la fin de l'histoire mais Bucky assumera avec stoïcisme sa nouvelle existence en renonçant à sa fiancée. Il se punit d'avoir abandonné les siens au moment crucial quand la maladie mortelle touchait son quartier. Ce roman comme tous les romans de Philip Roth sous une apparence "romanesque" est une fable philosophique et morale. Et Philip Roth nous enseigne le poids du destin, du hasard, de l'imprévu, du tragique dans toute vie humaine. Les notions de trahison et de culpabilité traversent le récit comme un fil conducteur. L'espoir d'un apaisement repose dans le renoncement d'une vie heureuse et légère comme une expiation réparatrice...
Quel beau roman... 

samedi 3 novembre 2012

Revue de presse

En ce mois de novembre, "Lire" propose un dossier central sur Berlin, nouvelle capitale littéraire avec des articles sur le Berlin des écrivains, les grandes voix d'aujourd'hui, tout sur Thomas Mann, la bibliothèque idéale. J'apprécie la littérature allemande et en particulier, je me souviens d'avoir atteint le sommet en lisant il y a longtemps "La montagne magique" qui reste un de mes grands souvenirs de lecture. Pour mieux connaître les écrivains contemporains, ce numéro sera très utile. "Le Magazine littéraire" a choisi d'évoquer un dossier de circonstance pour ce mois "déprimant" aux yeux de beaucoup de Français(es), un dossier "Ce que la littérature sait de la mort", avec une bibliographie très complète sur le sujet. Ce que j'ai tout de suite lu dans ce numéro d'automne, c'est l'entretien de Vincent Landel avec Pascal Quignard, un entretien décapant, lumineux et absolument nécessaire pour comprendre son projet littéraire fascinant et complexe. Dans ce numéro, on retrouve aussi les rubriques habituelles de critiques d'ouvrages. Ma troisième revue, "Transfuge" traite davantage de cinéma que de littérature avec un focus sur Olivier Assayas et son dernier film "Après mai". Sur le plan littéraire, j'ai remarqué un article sur l'écrivain portugais Gonzalo M. Tavarès qui a été très remarqué avec son dernier livre "Un voyage en Inde", paru chez Viviane Hamy. Un deuxième article sur le couple ennemi, Annie Ernaux et Richard Millet, éclaire cette polémique nauséabonde de la rentrée littéraire. Voilà pour la revue de presse de novembre en attendant la remise des prix littéraires la semaine prochaine...

jeudi 1 novembre 2012

"Musique absolue"

Quand un homme politique écrit un roman, je me garde de perdre mon temps à le lire. Par exemple, Monsieur Giscard d'Estaing a commis cette imposture en offrant à ses "fans" des romans insipides et qui n'ont pas marqué heureusement la littérature française. Il vaut mieux qu'il se consacre à leur carrière et leur vocation première. Je ne connais donc pas de talent littéraire à nos hommes et femmes politiques... J'ai toutefois fait une exception avec un ex-ministre UMP de l'agriculture, Bruno Le Maire avec son roman, intitulé "Amour absolu, une répétition avec Carlos Kleiber" aux Editions Gallimard, dans la collection dirigée par Philippe Sollers, "L'Infini". Comme j'aime la musique classique qui m'accompagne quotidiennement, j'ai découvert ce chef d'orchestre, Carlos Kleiber par l'entremise d'un personnage, Nikolaus, vivant à Rome. Ce roman se veut un traité de musicologie sur l'art de diriger un orchestre tout en racontant la vie exigeante et sacerdotale de ce grand chef. Je suis restée songeuse devant ce texte hybride, mêlant le monde musical de haute volée à l'histoire de ce Nikolaus, musicien à la retraite. La  seule touche personnelle de Bruno Le Maire se trouve à la page 88 quand il compare la musique à la politique, en utilisant le mot répétition à plusieurs reprises  : "Mais, oui, la politique est une répétition infernale : toujours les mêmes visages (...), toujours les mêmes réunions, toujours les déplacements en voiture, en train, en avion, (...). Celui qui réussit  en politique est celui qui supporte tout ce cirque le plus longtemps". Bruno Le Maire devrait arrêter de faire de la politique après cette description lucide et caustique, mais s'il veut se reconvertir dans la littérature, il a encore du chemin à parcourir...

mardi 30 octobre 2012

"Laisser les cendres s'envoler"

Je n'avais jamais lu Nathalie Rheims et j'ai découvert son quinzième livre paru en septembre. Ce titre a attiré mon attention et je n'ai pas été déçue en le lisant. Nathalie Rheims a bien intitulé son livre de roman mais ce texte est fortement autobiographique. Nous savons que la littérature traite souvent les secrets de famille, secrets enfouis, cachés, non-dits, niés, oubliés.  Dans cette histoire douloureuse, la narratrice raconte sa relation perturbante et perturbée avec sa mère, une mère déserteuse. Sa mère, appartenant à une grande famille très riche, divorce de son mari et rejoint son amant en abandonnant sa fille. Cet homme, artiste paranoïaque, retient cette femme en "otage" et lui interdit de voir sa fille. Nathalie Rheims nous offre une analyse très pointue d'une relation mère-fille passionnelle et frustante. Sa mère la renie, choisit son amant et se laisse engloutir dans cette relation amoureuse exclusive. Comment survivre au désamour d'une mère ?  Ce roman autobiographique aborde ce thème universel. Se construire sans l'affection familiale représente un handicap majeur mais non insurmontable. La lecture de ce naufrage fille-mère peut déranger le lecteur-trice mais la rage, la colère de la narratrice envers cette mère indifférente et froide ne peut que toucher ceux et celles qui s'intéressent aux histoires de famille dramatiques...

vendredi 26 octobre 2012

Rubrique cinéma

"Amour" de Michael Haneke, Palme d'or du Festival de Cannes, est un film qu'il faut absolument voir. Bien que le sujet soit difficile et éprouvant, on ne sort pas de cette expérience sans verser des larmes, surtout dans les moments où l'on entend la musique sublime de Schubert. Ce huis clos se passe dans un appartement cossu et confortable, rempli de livres et de musique. Ce couple, un couple qui s'aime depuis de très longues années, partage un quotidien heureux. Georges et Anne sont octogénaires et en bonne santé.  Ils étaient professeurs de musique. En revenant d'un concert, ils constatent une tentative de vol dans leur appartement. Cet incident matériel est le point de départ du déréglement qui va suivre. Le matin, Anne, au petit-déjeûner, subit sa première attaque cérébrale. La maladie prendra le dessus après cet accident vasculaire. Georges promet à sa femme de la "garder" à la maison. Le film se concentre ensuite sur les soins que Georges prodigue à sa femme qui se paralyse et perd le langage. Emmanuelle Riva compose un personnage inoubliable. Le titre du film se justifie pleinement : l'amour qui unit Georges et Anne dans la vie se terminera dans la mort. La fille du couple n'accepte pas leur duo autour de la maladie et ils refusent de l'impliquer dans cette fin de vie douloureuse et épuisante. Les deux comédiens, extraordinaires de beauté et d'intelligence, montrent les affres du vieillissement dans leur corps souffrant. Michael Haneke décrit un amour profond et montre aussi leur complicité culturelle. La musique accompagne le couple et le piano symbolise la vie heureuse. Attention, ce film provoque une émotion, des larmes, mais aussi une admiration pour Michael Haneke et ses comédiens magnifiquement émouvants...

jeudi 25 octobre 2012

"Ils désertent"

Le roman de Thierry Beinstingel parle du travail, du "vrai travail en entreprise". Le style du livre, distant et froid, peut surprendre car l'écrivain s'adresse à ses deux personnages en utilisant le tutoiement pour la jeune femme, responsable des ventes et le vouvoiement pour "l'ancêtre", un représentant de commerce en papier peint. Elle est chargée de licencier le VRP encombrant pour l'entreprise qui doit se re-structurer en supprimant des postes. "L'ancêtre" continue à avaler les kilomètres pour rencontrer ses nombreux clients fidèles. Chacun vit un mal-être : elle vit seule, dans un appartement neuf et vide. Lui est divorcé, loin de sa famille. Il parcourt la France pour se fuir lui-même mais il a une passion secrète. Il voue un culte à Rimbaud qui, comme lui, était dans le commerce en Afrique. La jeune femme observe les courbes de vente du vieux représentant et se rend compte qu'il apporte des bénéfices à l'entreprise. Elle hésite à le licencier. Or, un jour, le VRP est victime d'un accident de la route.  Ce livre décrit le milieu du travail comme une comédie sociale insupportable. Le titre "Ils désertent" résume l'épisode final où chaque personnage prendra une décision capitale pour leur vie. Ils vont se ré-inventer un destin plus conforme à leur idéal. La jeune femme rencontrera l'amour avec une compagne et ouvrira une librairie. Il prendra enfin une retraite méritée et s'investira dans sa passion du... Bourgogne. Le roman contemporain n' aborde pas souvent le milieu professionnel et Thierry Beinstingel a évoqué avec talent le malaise que chacun peut éprouver dans le monde du travail, monde souvent hostile et stressant, très loin de l'épanouissement individuel...

mercredi 24 octobre 2012

"Le manteau de Proust"

Ce petit livre par son format et ses 135 pages aux Editions "Quai Voltaire" plaira beaucoup aux lecteurs-trices "proustiens", ceux qui ont lu, aimé, adoré l'univers de ce génial écrivain français, le plus grand du XXème siècle. Ce manteau de Marcel Proust est une obsession "littéraire" pour Lorenza Foschini. Elle découvre cet objet vénéré au Musée Carnavalet dans une boîte que le conservateur lui montre. L'émotion la submerge quand elle comtemple le vêtement que Proust portait souvent et qu'il utilisait comme couverture dans sa chambre capitonnée de liège. Elle raconte ensuite la vie du mécène qui a fait don des manuscrits, du manteau et des meubles de Proust. J'ai découvert alors le rôle passionnant du parfumeur Jacques Guérin, richissime homme d'affaires mais surtout amoureux fou de la "Recherche". Cet homme élégant a consacré sa vie à la mémoire de Proust. Il a même approché le frère de Marcel Proust pour acquérir les manuscrits et la femme de Robert Proust  ne s'est pas gênée pour supprimer des traces de son beau-frère, "bizarre" disait-elle parce qu'homosexuel... J'ai toujours été curieuse de la vie des écrivains que je lisais. Souvent, une biographie très documentée éclaire l'oeuvre du biographié. Les objets éparpillés et perdus des écrivains devraient être protégés comme des biens publics patrimoniaux et rien n'est plus émouvant  que de visiter des appartements ou des maisons d'écrivains. Je me souviens du Musée de Victor Hugo, Place des Vosges à Paris, de la chambre de Lamartine au musée Faure d'Aix les Bains, et des Charmettes à Chambéry où Jean-Jacques Rousseau a vécu. Ces souvenirs de Proust ont survécu grâce à un mécène éclairé et généreux. Heureusement qu'il existe encore des passionnés de littérature en France pour lire un tout petit ouvrage qui évoque... le manteau de Proust : chapeau !

lundi 22 octobre 2012

"L'homme qui aimait ma femme"

J'avais lu avec beaucoup d'intérêt un roman de Simonetta Greggio, paru en 2010, "Dolce vita 1959-1979" qui retraçait les années de plomb en Italie. J'ai donc remarqué la sortie de son dernier livre en septembre, "L'homme qui aimait ma femme". C'est l'histoire amoureuse de deux frères, Yann, le cadet et Alexandre, son aîné qui aiment la même femme. Ce trio a l'air de sortir tout droit de "Jules et Jim" d'Henri-Pierre Roché. Les deux frères en question ne se ressemblent pas du tout. Yann est un homme sérieux, entier, passionné. Son frère joue le rôle permanent de la légéreté, un Don Juan triomphant, consommant les femmes tout en aimant sa propre épouse, Maria, qui, elle, a choisi le frère volage en fuyant Yann, le beau Ténèbreux. Ce trio sa se croiser, s'aimer, se détester, s'éloigner... Mais Yann sera toujours cet amoureux qui, même à travers des relations féminines, ne peut pas oublier Maria, épouse de son frère infidèle et mère de ses deux enfants. Le roman n'aborde pas seulement cette trame romanesque du trio amoureux, il évoque aussi un arrière-plan historico-sociologique de la France des quarante dernières années. Cette double thématique mêlant les destins individuels des trois personnages principaux aux soubresauts de la société française me semble un pari très réussi. Ce roman se lit donc avec plaisir, surtout pour les lecteurs-lectrices comme moi, qui ont vécu leur jeunesse dans les années 70-80...

vendredi 19 octobre 2012

Revue de presse

En octobre, la revue Lire propose un dossier sur la rentrée littéraire du côté des romans étrangers et un entretien avec Jean Echenoz. La revue Transfuge, toujours aussi dense et passionnante, nous offre des rubriques bien écrites sur le cinéma, le théâtre et principalement la littérature. La couverture attire l'oeil avec son titre "Désertez, ce sont les écrivains qui vous le disent". Un dossier sur ce phénomène anti-social concerne les écrivains français Pascal Quignard, François Meyronnis, François Bestinguel, Gwaenëlle Aubry. Ces articles nous donnent envie de découvrir les écrivains que je n'ai pas encore lus. Dans ce numéro d'octobre, j'ai aussi remarqué deux entretiens, l'un avec Philippe Sollers, l'autre avec Michael Haneke, le cinéaste autrichien dont le film "Amour" avec Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva a obtenu la Palme d'or à Cannes. Le Magazine littéraire, revue indispensable pour les amoureux des livres, traite en particulier de "Ce que la littérature sait de la folie" avec des articles sur Nerval, Rimbaud, Artaud, Don Quichotte et le mal de lire, etc. On retrouve avec beaucoup de curiosité les nombreux articles de critiques littéraires de la rentrée 2012. La quatrième revue du mois s'intitule  "Page" dont j'ai déjà mentionné la qualité. Au sommaire de ce numéro d'octobre-novembre, j'ai surtout noté un dossier sur "L'Amour en questions" et des articles écrits par des libraires sur les dernières nouveautés. Ces revues mensuelles sont pour moi une source d'informations culturelles indispensables pour faire un choix dans toute la production romanesque car malheureusement, je ne peux lire qu'une petite centaine de livres par an... Il ne faut donc pas s'égarer dans des chemins qui n'en valent pas le détour.

jeudi 18 octobre 2012

"La réparation"

Certains lecteurs pourraient se lasser des histoires concernant la mémoire familiale, les plongées en eaux troubles dans la filiation et les ancêtres, les autobiographies générationnelles et généalogiques. Pourtant, j'ai lu avec intérêt Colombe Schneck et son témoignage sur la Shoah. Elle évoque le non-dit dans sa propre famille car sa mère, Hélène, ne lui a jamais raconté le passé tragique d'une petite cousine, Salomé, disparue à Auschwitz en 1943. Salomé n'est jamais revenue ainsi que ses grands-parents. Colombe Schneck mène une enquête à partir de ces disparitions. Sa grand-mère, Ginda, s'était installée en France et avait épousé un médecin russe mais ses propres soeurs sont restées en Lituanie et ont vécu dans le ghetto de Kovno. Colombe Schneck veut comprendre cette époque effroyable et surtout les raisons du silence de la famille sur le sort des deux soeurs de sa grand-mère,  Raya et Macha. Ces deux femmes ont survécu et ont même recommencé à vivre après la guerre, se sont mariées et ont eu des enfants. Salomé, la petite fille espiègle et adorable, massacrée par les nazis, symbolise l'atrocité de la Shoah. Le phénomène psychologique de la résilience, élaboré par Boris Cyrulnik, prend toute sa dimension dans ce récit concernant les deux grands-tantes de Colombe Schneck. Un livre sert à ouvrir les yeux du lecteur. Je connaissais des témoignages sur le sort de Juifs en Allemagne et en Autriche, mais la Lituanie reste encore pour moi un pays européen peu connu. Ce témoignage nous apporte des informations précieuses sur ce ghetto de Kovno et sur l'après-guerre pour ces milliers de victimes. Colombe se rend en Israël et aux Etats-Unis pour retrouver des traces familiales concernant les soeurs de sa grand-mère. Et le mot de la fin concerne cette petite fille Salomé qui aurait eu soixante-quinze ans aujourd'hui, et qui, grâce à Colombe Schneck, ne tombera pas dans l'oubli.

mercredi 17 octobre 2012

Abécédaire de ma France

ABECEDAIRE DE MA FRANCE


A comme Atlantique, imaginez vous une France sans la côte Atlantique ?
On ressemblerait à la Suisse ? À la Pologne? Heureusement, ma France est faite de vagues, de sable, de pins, de dunes, de ports, une France à l’air libre et au ciel bleu-nuageux

B comme Biarritz, la ville de ma jeunesse, le rocher de la Vierge, le palais de l’impératrice, mes origines maritimes, mon flacon d’iode et d’écume, mes surfeurs téméraires, un ancrage familial

C comme Camus, Albert, vieux prénom de France, sauvé par son instituteur, de "L’étranger à "La Peste", de "L’été au "Mythe de Sisyphe", un écrivain philosophe indispensable pour comprendre la vie

D comme Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen : « Tous les hommes naissent libres et égaux », ma France aux valeurs universelles républicaines

E comme Eiffel, la tour que j’ai voulu apercevoir lors de ma première visite dans la capitale , 324 mètres de métal, une vieille dame arthritique mais droite comme un point d’exclamation dans le ciel gris de Paris

F comme Fables de mon enfance, quoi de plus frais que la langue française parlé au XVIIè siècle par le Sieur Jean de La Fontaine « Maître Corbeau sur un arbre perché »

G comme Gallimard, mon éditeur préféré, celui de centaines d’écrivains, de poètes, de penseurs, une institution patrimoniale du livre

H comme Hugo, Victor, la France des Misérables, de Quasimodo, un mastodonte des lettres françaises qu’on ne lit pas mais que l’on connaît par coeur

I comme Itxassou, village adorable du Pays basque, où je cueillais des cerises sur l’arbre, à la portée de tous les chapardeurs ivres de rouge et de vert, couleurs de ce pays

J comme Jeanne d’Arc, la fille-soldat, la fille sacrifiée pour son pays, une sorcière du Moyen Age, intemporelle et mythique

K comme Kundera, Milan, un Français immigré de Tchécoslovaquie, un écrivain-phare, libre et libertin, lucide et ironique, un grand de la pensée européenne

L comme Lac du Bourget, un lieu magique, unique, une mer intérieure qui me console du manque de mon Atlantique

M comme Mai 68, un événement charnière, l’année de mes 17 ans, ma première réunion contestataire au lycée, ma première manifestation dans la belle ville de Bayonne

N comme Nerval, Gérard, mon Prince à la Tour abolie, qui a écrit un des recueils
les plus charmants de la littérature française : « Les Filles du feu »

P comme Paris, l’insupportable capitale, l’orgueilleuse, la bruyante, la culturelle, la révolutionnaire, le cœur stressant du pays

Q comme Quignard, Pascal, l’ermite lettré, le secret incarné, mon écrivain préféré

R comme Révolution française, vive la République, vive la Démocratie

S comme Savoie, les deux celle du haut, celle du bas, avec un air italien, montagnardes, gourmandes : Reblochon, la tomme des Bauges, le Beaufort, le vin blanc, les diots, ma deuxième terre d’élection et cette neige sur les sommets que je vois de mes fenêtres

T comme Tristan, Flora, 1803-1844, elle fut l’une des premières initiatrices du féminisme français, mon arrière-arrière-arrière grand-mère de coeur

U comme Uzès, la ville que je dois visiter dans une future escapade

V comme Vieira da Silva, peintre portugaise de l’abstraction lyrique, naturalisée française, ses tableaux sur les bibliothèques rendent un hommage appuyé aux livres, compagnons de vie

W comme Wikipedia, enfin une encyclopédie gratuite, le web intelligent et sympathique

X comme je cale

Y comme Yourcenar, Marguerite, la première femme élue à l’Académie française, une femme libre et originale

Z comme Zola, le courageux « j’accuse », l’honneur de la littérature


Voilà le premier texte que j'ai composé dans l'atelier d'écriture du mois d'octobre.







lundi 15 octobre 2012

"La Survivance"

Ce roman avait attiré mon attention car les personnages sont des libraires. Comme je l'ai été moi-même dans les années 76-81, j'ai connu la galère de ce métier que beaucoup de lecteurs idéalisent en se disant que c'est une chance inouie de travailler au milieu des livres. Mais quand le lecteur n'est pas aussi un "acheteur", les libraires, surtout les "petits libraires"  s'en sortent rarement. Claudie Hunzinger raconte dans ce roman la destin de Jenny et de Sils qui sont dans l'obligation de vendre leur commerce en faillite. Ils se réfugient dans la maison de leur jeunesse, une bicoque en ruines qu'ils n'ont pas habité depuis quarante ans. La survie (ou Survivance") sera pour eux le seul moyen de sauvegarder leus cartons de livres qu'ils continuent à vénérer.  Ils sont accompagnés d'une chienne et d'un âne. Ce retour à l'essentiel sur le plan matériel est une expérience quasi mystique. La présence de la montagne, des cerfs et des biches, mais aussi d'un climat hostile forgent le caractère déjà bien trempé de nos deux libraires. Chacun se donne un projet à réaliser : Sils part à la recherche des couleurs d'un rétable de Cranach, Jenny observe les animaux de la forêt en "naturaliste". Et les références à la littérature et à l'art sont des fenêtres que l'écrivaine nous ouvre pour montrer que la vie n'est pas "suffisante" sans la culture. Claudie Hunzinger rend un hommage fébrile et rare aux amoureux de la littérature. Il nous faut méditer ce passage :"Des librairies existeront encore pour les veilleurs ou les esthètes. Pas davantage. Tu as beau raconter en novembre aux étudiants des facs que les lecteurs ne sont que 10% à acheter leurs livres en ligne, c'est faux en avril suivant. Ils sont de plus en plus nombreux à le faire , parce que c'est un mouvement irréversible. Et je ne parle pas de ce qui va remplacer les livres, des Kindle, Cybook, Odyssey et Kobo ! La sensualité du papier, on s'en fichera." Ce roman de la rentrée est vraiment original et atypique. Si vous décidez de le découvrir, vous vous poserez des questions sur ce qui est essentiel dans la vie. Et quand les livres sont les vrais personnages d'un roman, je ne peux que l'apprécier...

jeudi 11 octobre 2012

Rubrique cinéma

J'ai passé un très bon moment aujourd'hui grâce au film de François Ozon, "Dans la maison". Fabrice Lucchini joue un rôle de professeur dépité par le niveau lamentable de ses élèves de Seconde en Français. En corrigeant une copie, il remarque la prose un peu plus étoffée d'un de ses élèves. Cette découverte va l'entraîner dans un enchaînement de faits réels et imaginaires. Monsieur Germain, le professeur, influence l'adolescent dans l'écriture d'un scénario "familial" : s'introduire dans la famille de son meilleur copain, séduire sa mère, se moquer de son père. Claude, le garçon, prend goût à ce jeu où se mêlent la curiosité de Germain, celle de sa femme et aussi l'envie de fuir une réalité difficile concernant un père infirme. Fabrice Lucchini est formidable dans ce personnage grincheux ne comprenant plus grand chose dans ce lycée modèle quand les pédagogues parlent d'"apprenant" pour qualifier l'élève. Lui n'aime que la littérature, le langage littéraire, la puissance de la création littéraire. Ce film rend un hommage appuyé aux livres, aux grands textes. Mais, François Ozon évoque aussi l'effet dévastateur de l'imagination dans la vie de ceux qui aiment trop la littérature, qui se "marginalisent" car ils ne peuvent pas s'empêcher de se "raconter des histoires". Monsieur Germain est en fait un écrivain refoulé et la rencontre avec cet adolescent transforme sa vie ennuyeuse de professeur blasé en lecteur privilégié découvrant un talent d'écriture qu'il ne possède pas lui-même. Il faut aller voir ce film curieux, littéraire, plein d'humour et de finesse, évoquant le charme considérable et essentiel de la littérature...

mercredi 10 octobre 2012

Club de lecture, première séance

Ce mardi 9 octobre, première séance de deux heures du club de lecture, à la Maison de Quartier du Centre ville de Chambéry. Nous étions sept lectrices motivées autour d'une table. L'objectif du club de lecture est le partage, la convivialité et le plaisir de lire et surtout de découvrir des livres que l'on n'a pas encore lus. Après des informations sur l'organisation du club (une séance mensuelle et l'engagement pour chacune de parler d'un coup de coeur ou de plusieurs choisi par les participantes), nous nous sommes lancées dans l'échange "livresque". Avant de démarrer la séance avec les coups de coeur, j'ai proposé un tirage au sort pour dix livres de poche que j'avais choisis dans ma bibliothèque. Ces livres seront présentés dans la deuxième séance de novembre. Ensuite, chaque lectrice a présenté le livre choisi d'une manière chaleureuse, spontanée, avec un enthousiasme que j'ai rarement vécu dans le cadre officiel des groupes de lecture en bibliothèque. Evelyne nous a parlé d'un écrivain islandais, Gunnar Gunnarsson, "le Berger de l'Avent" publié aux éditons Arléa. Jeanine a choisi Jean-Luc Seigle, "En vieillissant, les hommes pleurent" édité chez Flammarion. Marie-Christine a présenté "Le temps d'un soupir" d'Anne Philippe. Mylène a opté pour "Le temps mord" de Doris Lessing, Geneviève s'est passionnée pour Véronique Ovaldé, "Ce que je sais de Véra Candida" et Sylvie a terminé la série des coups de coeur avec la saga "Millénium" de Larsson. La séance m'a semblé vivante, dynamique, d'une qualité littéraire indéniable. La passion de lire se vivait en groupe et j'espère qu'un recueil des coups de coeur verra le jour en juin 2013... pour donner le goût de la découverte en littérature.

lundi 8 octobre 2012

"Prince d'orchestre"

J'ai déjà évoqué mon intérêt pour les romans "musicaux" et je viens de terminer la lecture de ce "Prince d'orchestre" de Metin Arditi, paru aux Editions Actes Sud. J'avais découvert cet écrivain suisse francophone depuis quelques années avec "Loin des bras", "Victoria Hall", "La chambre de Vincent". Son dernier roman évoque un personnage hors du commun, Alexis Kandelis, un chef d'orchestre mondialement célèbre. Il est tellement imbu de lui-même qu'il en devient inhumain. Son art musical atteint des sommets et il voyage à travers le monde avec sa cour de courtisans. Il vit dans un univers parfait,  mais, un jour, il dérape à l'occasion d'un concert et se montre arrogant et cruel envers un musicien de l'orchestre. Metin Arditi raconte ensuite une descente aux enfers : les critiques musicaux se mettent à douter de son excellence, sa femme se détourne de lui, ses agents l'abandonnent, ses amis s'écartent de lui. Il perd des contrats, n'est pas choisi pour une intégrale de Beethoven. Son monde s'effondre et il cesse de se produire devant le public. Il se met à jouer dans un casino, il s'isole dans un hôtel et il devient de plus en plus obsessionnel. Deux amies vont l'accueillir et même partager leur lit avec lui. Mais cette nouvelle étape dans sa vie va l'entraîner vers une fin tragique. Metin Arditi a offert un portrait d'un chef d'orchestre exceptionnel, dans un milieu exceptionnel, celui de la "grande musique symphonique". En tant qu'homme, il est plutôt hors norme et le lecteur n'éprouvera pas de sympathie particulière pour cet Alexis Kandilis,  un dieu sur scène et un homme pitoyable dans sa vie privée. Pour ceux qui  s'intéressent au monde musical, ce roman se lit avec curiosité...

vendredi 5 octobre 2012

"Chapardeuse"

Ce premier roman "Chapardeuse" de l'écrivaine américaine Rebecca Makkai, se lit avec plaisir. L'héroïne s'appelle Lucy, la trentaine, bibliothécaire-jeunesse dans une petite ville du Middle West. Elle remarque un petit garçon de dix ans, Ian qui adore lire. Elle comprend que Ian est un garçon à part. Ses parents, chrétiens extrémistes et homophobes ont décidé qu'il était "maniéré" et veulent le "reconvertir". Ian se réfugie dans la bibliothèque un soir et Lucy le découvre le matin. Au lieu de prévenir la famille de Ian, elle s'embarque avec lui en voiture pour retrouver sa grand-mère à l'autre bout du pays. Lucy prend des risques insensés pour sauver le petit garçon de l'emprise sectaire et normative d'un pasteur, ami de ses parents. Ils fuient à travers le pays et cette histoire de 'road-movie" tient le lecteur(trice) en haleine. Se noue entre eux une amitié pudique et le petit garçon fait preuve d'une maturité étonnante. Lucy ira voir ses parents car elle a inventé un scénario vraisemblable pour justifier la présence de Ian dans sa vie. Je ne veux pas, encore une fois, dévoiler la fin du roman. Se feront-ils arrêter par la police ? Trouveront-ils une issue heureuse à leur cavale ? Ce roman traite aussi de l'amour des livres qui peuvent sauver la vie. C'est le message de Rebecca Makkai dans ce roman limpide, frais, drôle et grave aussi dans la défense des différences... Je verrais bien cette histoire adaptée au cinéma.

mercredi 3 octobre 2012

"Mrs Dalloway"

J'étais "en panne" de nouveautés cette semaine et cela m'a permis de re-découvrir ce roman de Virginia Woolf que j'avais lu dans ma jeunesse. Je l'ai repris trente ans plus tard et c'est une expérience que je recommande à tous les lecteurs(trices). La vie nous change constamment et les livres, eux aussi, épouse ce mouvement naturel. J'avais à l'époque préféré découvrir son "Journal", "Traversées", "Orlando", "Vers le phare" et la biographie de Quentin Bell. Je n'ai toujours pas ouvert celle de Viviane Forrester qui m'attend déjà depuis quelques mois sur mon étagère des livres achetés et à conserver. J'ai découvert "Mrs Dalloway" dans une nouvelle traduction de Marie-Claire Pasquier, d'une qualité littéraire remarquable.  Evidemment, lire Virginia Woolf demande un effort. Les personnages complexes, l'intrigue inexistante, le cadre de vie londonien, l'époque des années 1920, le contexte politique, tous ces éléments forment un obstacle mais franchissable et la récompense se révèle à nous : un charme décalé, une ambiance proustienne et un style impressionniste. Ce roman nous parle d'amour, du temps qui passe, des relations humaines ratées, de désespoir de vivre mais aussi d'amour de la vie. Quand on connaît le destin tragique de Virginia Woolf entre une vie normale et ses instants de "folie", sa force créatrice ne peut que nous émouvoir. Je cite un passage sur sa manière de ressentir : "La paix descendait sur elle, le calme, la sérénité (...) C'est ainsi que par un jour d'été les vagues se rassemblent, basculent et retombent ; se rassemblent et retombent ; et le monde entier semble dire : "Et voilà tout", avec une force sans cesse accrue, jusqu'au moment où le coeur lui-même, lové dans le corps allongé au soleil sur la plage, finit par dire lui aussi : "Et voilà tout". Ne crains plus , dit le coeur. Ne crains plus, dit le coeur, confiant son fardeau à quelque océan, qui soupire, prenant à son compte tous les chagrins du monde, et qui reprend son élan, rassemble, laisse retomber." (p. 1102 de la Pléiade, tome 1). Qu'importe l'histoire du roman quand la lecture devient méditation...

lundi 1 octobre 2012

"Les désarçonnés"

Pascal Quignard signe son septième volume de l'ensemble "Dernier Royaume", oeuvre singulière, mystérieuse et fascinante. On peut lire chaque volume sans tenir compte de leur ordre de parution. Cet écrivain, le plus grand classique contemporain à mes yeux, nous transporte hors de notre temps actuel avec des anecdotes historiques sur ces "désarçonnés" de la vie, ceux qui tombent de leur cheval. Il évoque des figures littéraires comme Agrippa d'Aubigné, Montaigne, George Sand sans oublier une cohorte de personnages réels ou inventés dont on suit les aventures lors des batailles, des guerres, des querelles diverses et variées. Un livre de Pascal Quignard ne ressemble pas à un objet bien identifié dans le domaine de la littérature française. Il ferait plutôt partie du registre "contes et légendes" avec des zestes de philosophie, de morale, d'Histoire, un livre "quignardesque" si je peux me permettre de qualifier cet ensemble fragmentaire. Un article de Télérama, signé Natahlie Crom,  résumait bien l'ouvrage  : "de quoi la chute de cheval est-elle ici le nom ? Qu'elle soit réelle, mais aussi et plus souvent métaphorique, cette culbute , cette faillite désigne, pour Pascal Quignard, un événement essentiel, aussi radical qu'une conversion. Tomber à la renverse, c'est mourir pour renaître." Pascal Quignard dénonce l'amour des hommes pour l'autodestruction, les guerres, la cruauté, le vernis de la civilisation. Il ne reste plus que le retrait social, l'isolement voulu, la solitude vécue, le silence : une vie d'anachorète. Peut-être que cet état ressemble à ce dernier royaume nommé "le jadis". "Nous emportons avec nous lorsque nous crions pour la première fois dans le jour la perte d'un monde obscur, aphone, solitaire et liquide. Toujours ce lieu et ce silence seront dérobés." (citation tirée de "La barque silencieuse"). Je ne peux pas m'empêcher de citer aussi cette phrase concernant Freud : "Lumière où lire. Sigmund Freud disait que le recueillement autour d'un livre était la seule contribution positive qu'aient trouvée les hommes au processus redoutable de la civilisation.". Pascal Quignard n'oublie jamais dans aucun de ses livres de nous parler de la lecture, un acte vital qui, pour moi, nous aide à éviter le "désarçonnement" que nous pouvons tous subir, un jour, dans sa propre existence...

jeudi 27 septembre 2012

Rubrique cinéma

A l'automne, je reprends régulièrement le chemin des cinémas. J'ai vu deux films français : "Cherchez Hortense"de Pascal Bonitzer et "Les saveurs du Palais"de Christian Vincent. Je recommande le premier et je déconseille le second. Le premier film cité aborde le milieu parisien, bobo et assez insupportable. Jean-Pierre Bacri joue le rôle de Damien, un professeur de civilisation chinoise. Il vit avec sa femme, metteur en scène, loufoque et irresponsable. Elle ne s'occupe pas de leur jeune fils et elle finit par nouer une relation avec un jeune comédien. Le couple prend l'eau et se sépare. Damien, le flegmatique fatigué, est aussi sollicité par son beau-frère pour aider une femme serbe à obtenir des papiers pour rester en France. Or, il se mobilise avec mollesse pour cette jeune femme en danger d'expulsion. Il essaie de régler ce problème avec son père, conseiller d' Etat, politiquement très influent mais qui ne veut pas se "mouiller" dans une intervention auprès d'un ami encore plus influent que lui.  Le père, joué par Claude Rich, est un monument d'égoïsme et de cynisme. Damien va découvrir qu'il connait la jeune femme en question et en tombe amoureux. Je ne veux pas dévoiler la suite du film. Damien va-t-il trouver une issue "lumineuse" face à son marasme permanent ? Ce film parle de la France d'aujourd'hui avec des personnages quelque peu "déboussolés" et en proie au doute et à la lassitude... Jean-Pierre Bacri joue à merveille et allez voir ce beau film pour lui. Pour le deuxième cité, "Les saveurs du Palais" , il m'a déçue malgré le personnage de Catherine Frot, cuisinière périgourdine à l'Elysée, décalée et solitaire, prônant une cuisine de terroir, authentique et chère. Mitterrand est joué par Jean d'Ormesson, chic et hautain. Ce film à la gloire des produits régionaux est sympathique, sans plus...

lundi 24 septembre 2012

"Le sermon sur la chute de Rome"

Ce roman de Jérôme Ferrari, "Le sermon sur la chute de Rome", avait attiré mon attention dans le flux délirant des nouveautés de la rentrée littéraire. Et les critiques n'ont pas menti car ce livre m'a vraiment captivée de la première ligne à la dernière. C'est l'histoire d'une amitié entre deux garçons, Vincent et Libero. Ils sont inséparables depuis l'enfance. Vincent vit à Paris mais passe toutes ses vacances en Corse. Libero ne quitte pas son île natale. Quand ils entreprennent des études de lettres, Libero rejoint Vincent à Paris. A la fin de leurs années universitaires, ils sont tellement attachés à leur île qu'ils décident d'acheter un bar pour en faire un lieu de rencontres. Le grand-père de Vincent finance l'opération. "Le sermon sur la chute de Rome" rappelle le destin fragile des royaumes terrestres selon Saint Augustin et évoque la chute des amis d'enfance.  Ils vont suivre une pente fatale dans ce bar qui connaîtra pourtant un grand succès grâce à la présence de femmes attirant les hommes souvent solitaires. Vincent se laisse emporter par l'alcool et par le sexe facile. Leur relation amicale se diluera après un drame provoqué par un ignoble macho animateur-chanteur du bar, se vantant de ses exploits sexuels dans cette assemblée d'hommes frustes et frustrés. Libero se supportera pas les conflits permanents que ce bar engendre. Ce roman raconte la "décadence", la perte des rêves de jeunesse, la vulgarité de la réalité commerciale de ce bar fréquenté par les "paumés" du coin. Seule, la soeur de Vincent,  illumine le roman par sa présence consolante et solide. Elle part en Algérie travailler dans un chantier de fouilles et ne subit pas son destin comme son frère. Il faut souligner dans ce roman d'apprentissage un style remarquable et un décor, la Corse, somptueuse et secrète. A lire sans tarder...

vendredi 21 septembre 2012

"Les Lisières"

Voilà un roman qui ne laissera aucun(e) lecteur(trice) indifférent et cela m'étonnerait beaucoup qu'il soit abandonné en cours de lecture. Olivier Adam a écrit son meilleur roman. Il brasse deux thèmes récurrents dans son oeuvre  : la Dépression, crise individuelle par excellence, et la Tension, crise sociale collective. Entre ces deux crises, le personnage du roman, Paul Steiner, se lance dans une confession aux accents autobiographiques. Son mal-être permanent prend sa source dans un secret de famille et l'a rendu quelque peu dépressif et négatif. Sa compagne l'oblige à quitter le foyer familial. Il n'accepte pas cette situation et se console avec la garde alternée de ses enfants pendant le week-end. Il doit aussi s'occuper de sa mère souffrante et il rejoint son père dans la banlieue parisienne. Paul Steiner règle ses comptes avec cette famille modeste où on ne parle pas, où on n'aime pas les différences dans les modes de vie. Ce silence familial l'étouffe mais cela ne l'empêche pas de creuser cette plaie vive que personne ne peut soigner. Le titre "Les Lisières" signifie aussi la perte de l'identité, le non-lieu originel, le manque de repères et l'inculture générale. Paul Steiner ne prend racine qu'en bord de mer car la mer a un effet "diluant, liquifiant" sa dépression. Il compare le bord de mer à un grand hôpital à ciel ouvert... Ce roman de crise se lit d'une traite car Olivier Adam nous offre un portrait de notre époque : solitudes urbaines, familles éclatées,  rêves perdus, adultes fracassés, politiques cyniques, privilégiés égoïstes... Un des romans les plus denses de cette rentrée littéraire et Olivier Adam n'a besoin d'aucun prix littéraire pour être reconnu. Il a déjà vendu des milliers d'exemplaires et ne boudons pas ce succès plus que mérité. 

jeudi 20 septembre 2012

Visite en librairie

Je franchis les portes d'une librairie très régulièrement et ce mardi, j'attendais la sortie du dernier Quignard, "Les désarçonnés" que je vais lire et relire. Ce sont des oeuvres "habitables" comme le disait François Mauriac dans une émission littéraire, "Lectures pour tous" en conversant avec Pierre Dumayet. Il y a donc deux sortes de livres : ceux que l'on visite qu"une fois dans sa vie de lecteur(trice) et ceux que l'on habite définitivement. Mauriac citait Balzac, Proust, Dickens et  révèlait qu'il ne lirait les romans de Kafka qu'une seule fois tellement cet univers le glaçait. Pascal Quignard est pour moi une oeuvre "habitable" car il ne faut surtout pas le lire d'une seule traite. C'est vrai que c'est un écrivain difficile, hermétique, austère. Mais, ouvrir un de ses ouvrages, c'est aller à la rencontre d'une parole rare, fulgurante, d'une pensée profondément originale. S'il était poète, ce serait le jumeau de René Char. Le deuxième ouvrage acheté dans mon budget livres de septembre s'avère être le nouvel opus, "Un air de Dylan" de Enrique Vila-Matas, un écrivain espagnol dont je lis toutes les parutions. Vila-Matas est un fou de littérature et  son oeuvre "borgésienne" possède 'une finesse et un humour fabuleux. En quittant la librairie. j'ai aperçu près de la caisse une revue que j'avais perdu de vue et qui refait surface. Il s'agit de "PAGE" une publication de critiques établies par les libraires. Dans ce double numéro, sont traités en priorité la rentrée littéraire et le Festival America. La maquette renouvelée de la revue est somptueuse : mise en page, graphisme, caractères typographiques. Un vrai régal de lecture... Heureusement qu'une visite "physique" en librairie procure de belles surprises, alors que je n'ai pas remarqué "Page" sur les sites des librairies virtuelles.

mardi 18 septembre 2012

Albert Camus, otage

J'ai remarqué dans la presse une polémique sur l'exposition consacrée à Albert Camus en 2013 à l'occasion du centenaire de sa naissance. Normalement, Benjamin Stora était le commissaire de cette exposition commanditée par la ville d'Aix en Provence. Pour des raisons obscures, le grand spécialiste de la Guerre l'Algérie a démissionné, en désaccord avec la mairie et avec la fille de Camus. Je ne saisis pas les strates profondes de la mésentente. Bref, dans ce vaudeville provençal, un nouveau commissaire a été chargé d'organiser cette exposition du centenaire. Michel Onfray a donc accepté la proposition de la mairie d'Aix en Provence. D'autant plus que Catherine Camus avait validé ce choix "audacieux". Michel Onfray a rendu hommage au philosophe dans une biographie très pointue parue cette année. Or, j'apprends aujourd'hui que Michel Onfray jette l'éponge à cause de la polémique sur son nom. La Ministre de la Culture refuse aussi de financer une partie de l'exposition. Bref, c'est une sacrée pagaille qui n'est pas digne d'un des plus grands écrivains français, prix Nobel de littérature. Camus ou l'otage de la bêtise, de l'incompétence mais fait-il encore peur ? Dérange-t-il encore, cinquante ans après sa mort ? Il a influencé des millions de lecteurs et il est lu dans le monde entier avec une passion croissante pour son message de fraternité, de solidarité et de lucidité. J'espère que le futur troisième commissaire finira par organiser cette exposition prévue en 2013 que j'aimerais bien voir...

lundi 17 septembre 2012

Le scandale Richard Millet

Richard Millet travaille chez Gallimard, au très prestigieux comité de lecture. Il est éditeur, écrivain, critique. Pour ma part, je n'étais pas une "fan" de cet écrivain. Le pamphlet en question a mis le feu dans la presse et s'intitule "Eloge littéraire d'Anders Breivik". Il déclare le geste abominable de cet assassin norvégien qui a tué plus de quatre-vingt jeunes gens, de "littéraire", comme le summum du mal, comme un geste absolument digne de la littérature. Annie Ernaux lui a répondu dans un article publié dans Le Monde du mardi 11 septembre, article d'une force et d'une clarté salutaires pour clore ce débat nauséabond. Richard Millet, non seulement, fait l'apologie du crime mais s'approprie la notion de littérature pour dédouaner ce monstre inhumain qu'est Anders Breivik. Annie Ernaux représente avec tous les écrivains qui ont co-signé l'article, l'honneur de la littérature qui ne peut évidemment cautionner l'immonde et l'ignoble défense de cet individu abominable. Fait-on l'éloge de Marc Dutroux, dit Annie Ernaux. Elle dénonce l'idéologie de Richard Millet : haine de l'humanité et surtour des "étrangers", haine du multiculturalisme, de la diversité, de l'autre, de la différence. Le Clezio a réagi dans le Nouvel Observateur en qualifiant ce texte ordurier de "répugnant". Richard Millet a quitté le comité de lecture mais reste éditeur chez Gallimard... Les réactions dignes d'Annie Ernaux et dans son sillage d'une centaine d'écrivains dressent une barrière contre le fascisme, basé sur la haine et l'extermination de ceux qui nous ne ressemblent pas. Richard Millet avait un tout petit noyau de lecteurs avant la parution de ce pamphlet. Aujourd'hui, il a provoqué leur fuite totale...

dimanche 16 septembre 2012

Rubrique cinéma

Samedi, je suis allée voir un petit film italien sensible et intimiste, "Dix hivers à Venise"du réalisateur Valerio Mieli. Entre parenthèses, j'étais seule dans la salle et le responsable du cinéma m'a offert une "séance privée". J'avais envie de revoir surtout Venise, cette ville au charme indescriptible où j'ai d'ailleurs savouré son "silence" inoublîable la nuit, ou dans les quartiers le jour, loin du centre touristique. On y déambule les jours d'hiver, de pluie, de brouillard, de froid, loin des clichés éculés sur les gondoles et les lieux piétinés par des milliers de touristes. C'est l'histoire d'un jeune homme et d'une jeune fille qui se croisent un soir dans un vaporetto et ils deviendront amis tout en éprouvant de l'amour mais un amour qui mettra peut-être dix ans à s'épanouir. L'action se passe en 1999 jusqu'en 2008. Camilla prépare une thèse sur Tchekhov, Silvestro se débrouille avec des petits boulots. Camilla part vivre à Moscou, se lie avec un metteur en scène beaucoup plus âgé qu'elle. Lui aussi, vit des aventures amoureuses diverses et superficielles. Quand il la retrouve à Moscou, il est trop tard. Quand elle est libre, lui, ne l'est pas. Cette relation repose sur un malentendu permanent êt quand Camilla est enceinte du meilleur ami de Silvestro, ils s'éloignent mais dans la vie, tout peut basculer à tous moments. Silvestro rencontre son ami qui lui apprend la séparation avec Camilla. Je ne dirai pas la fin de l'histoire. Vont-ils se retrouver enfin et reconnaître leur attirance initiale ? Venise est filmée d'une manière "non-touristique" et c'est déjà un exploit de découvrir un aspect "normal" de cette cité magique où vivent quotidiennement des Vénitiens "normaux". Joli film d'une sobriété rare qui relate une histoire d'amour qui mettra "dix hivers" à naître...