lundi 6 mars 2017

"Beauté"

Philippe Sollers a lui-même résumé son roman sur la couverture : "Dans le chaos actuel, le narrateur de ce roman est amoureux de Lisa, une jeune pianiste exceptionnelle. C'est la beauté." Un roman de Philippe Sollers ne ressemble à aucune fiction traditionnelle. Ce personnage "mythique" de Saint Germain des Prés, "mage" de la plus prestigieuse maison d'édition de la planète littérature, (je veux parler de Gallimard) écrit beaucoup, peut-être trop... Je le lis depuis de nombreuses années (il est né en 1936) et il s'est sculpté un personnage sulfureux, audacieux, iconoclaste. Des lecteurs(trices) l'adorent comme d'autres l'abhorrent. Il attire des critiques acerbes : il serait insupportablement léger, snob, parisien (et pire, bordelais). J'ai parcouru quelques informations sur le Net à son sujet et j'ai été même étonnée d'apprendre qu'il avait autant de détracteurs. Sa liberté de ton, son humour décalé, sa culture immense dérangent, heurtent, agacent. Il vaut mieux éviter ses détracteurs et ouvrir un des ouvrages sans préjugés et sans à priori. Et j'ai ouvert "Beauté". Le personnage (l'écrivain) écrit : "C'est une virtuose du piano, je me débrouille avec les mots. On aime par-dessus tout le silence." Les deux amants s'embarquent pour Egine, en Grèce et se retrouvent devant le temple d'Athéna Aphaia. Avec humour, il raconte l'irruption d'un coup de foudre, coup du destin, interprété comme la présence de Zeus, dieu des dieux. Ce pèlerinage amoureux scelle leur relation et le narrateur va tout au long des pages évoquer Lisa et sa beauté. Elle voyage beaucoup à travers l'Europe et il la rejoint ou l'attend. Comme dans tous ses livres, Philippe Sollers raconte ses goûts littéraires, ses passions artistiques et musicales. Tout est beauté pour lui : les femmes, les temples, les dieux grecs, un air d'opéra, un texte de Pindare, une scène de l'Odyssée, le ciel, les arbres, la mer... Son livre est truffé d'anecdotes, tirées de la mythologie grecque (un peu comme Quignard...). J'ai croisé avec plaisir Hölderlin à Bordeaux à qui, il consacre de nombreuses pages. Il évoque Rimbaud, Quignard, Céline, Bataille, et tant d'autres. Sa culture littéraire n'est pas du tout écrasante et pédante. Bien au contraire, ses citations d'écrivains, ses allusions philosophiques, ses "racontades" musicales enchantent le lecteur(trice). Philippe Sollers, homme du passé (très grec), n'oublie pas le tumulte contemporain et les événements politiques en France, en particulier les attentats. L'écrivain a rencontré son Athena-Lisa et la musique l'a ensorcelé... Ce roman polyphonique rend hommage à la Grèce antique, à la musique et à la littérature,  et je ne pouvais que me sentir bien dans ce monde "sollérien"...