jeudi 30 septembre 2021

Déceptions

 Dans les romans de la rentrée automnale, j'ai lu "La définition du bonheur" de Catherine Cusset. Dès les premières pages, l'écrivaine annonce la mort d'une des deux protagonistes du roman à l'âge de soixante ans. La narratrice va ensuite dérouler le destin de ces deux demi-sœurs, Clarisse et Eve, sur quarante ans. A 16 ans, Clarisse a subi un viol collectif qu'elle ne dénonce pas et elle enfouit ce secret en elle. Après ce traumatisme, elle n'a plus peur de rien. Elle collectionne les hommes, en choisit un pour devenir mère de trois enfants, Elle quitte son mari, rencontre un amant russe avec lequel elle va vivre une passion dévastatrice. Eve, au contraire, mène sa vie sans la brûler. Elle préfère la stabilité du couple aux aventures sans lendemain, élève ses enfants dans une quiétude familiale équilibrée. Elle vit aux Etats-Unis et s'épanouit professionnellement dans l'art culinaire. Autant j'avais bien apprécié les romans précédents de Catherine Cusset ("La haine de la famille" et "Le problème avec Jane"), autant ce dernier m'a vraiment déçue. J'ai décelé les ficelles de la romancière dans les résonances de Meeto, avec la dénonciation du viol, des violences masculines, du harcèlement envers les femmes. En effet,  Clarisse subit les horreurs d'un patriarcat pesant mais trop, c'est trop. Clarisse, l'imprudente et la passionnée, finira par se faire assassiner par son amant "russe" ! Pour moi, la littérature que j'aime n'utilise pas tant de faits divers qui s'étalent sans cesse dans les médias. Catherine Cusset n'a pas un goût prononcé de la nuance. Quant à Eve, sa vie est aux antipodes de celle de sa sœur. Elle réussit à merveille sa cuisine française à New York, achète une maison en Bretagne, n'a aucun problème existentiel. L'écrivaine qui a passé 30 ans aux Etats-Unis se décrit-elle à travers Eve ? Le portrait de ces deux femmes contraires, unies par un père absent et désunies par leur style de vie, ne m'a pas enthousiasmée malgré des critiques très positives dans la presse. Ma deuxième déception concerne la discrète Leonor de Recondo. J'avais bien aimé ses romans précédents écrits avec subtilité sur des sujets de société délicats. Dans son dernier opus, "Revenir à toi", l'écrivaine raconte l'histoire de Magdalena, une comédienne connue. Elle apprend que sa mère, disparue trente ans avant, vit dans une maison éclusière dans le Sud-Ouest. Apollonia, cette mère dépressive, s'est murée dans un silence total. Sa fille essaie de l'apprivoiser en s'installant chez elle. Elle rencontre un jeune homme dans ce village avec lequel elle a une liaison. Sa mère semble ne pas la reconnaître. Au fil du temps, Magdalena découvrira le secret douloureux d'Apollonia. Ce roman pourtant bien écrit, bien construit, ne m'a pas vraiment touchée car, toujours ce constat du "trop". Même si elle évoque le mythe d'Antigone comme oiseau de malheur, ce texte mélopée peut plaire évidemment, mais ce rapport mère-fille dans le registre du tragique me semble trop factice. Ces écrivaines confirmées et talentueuses ont, à mes yeux, trop exploité le filon familial victimaire. Dommage.