jeudi 19 août 2010

"Le Chagrin" de Lionel Duroy

J'ai reçu Télérama dans ma boîte à lettres mercredi et j'ai ouvert avec plaisir le magazine avec en couverture :"Spécial rentrée littéraire : quand le réel nourrit le roman." Cette phrase anodine m'a influencée pour parler du dernier roman que je viens de lire : "Le chagrin" de Lionel Duroy. J'avais vu des critiques de cet écrivain français dans la presse littéraire. J'ai un vague souvenir d'un de ses titres "Le cahier de Turin" qui m'avait touchée. Son dernier livre est un réglement de comptes féroce et impitoyable sur sa famille, surtout sa mère narcissique, odieuse, comédienne, snob, effrayante par ses colères et ses remarques désobligeantes. Son père, représentant de commerce minable et dominé par sa femme, escroc et dissimulateur, ne suscite pas l'adhésion. Le narrateur, pour revivre et fonder sa propre famille, doit liquider la sienne et ce livre est à la fois un roman, un récit, une torpille, un message d'espoir, un sacrifice et une renaissance. La période évoquée démarre dans les années 60 et se termine en fin 90. Ces flots de mots nous emportent dans une mer agitée de sentiments comme l'humiliation, l'abandon, l'insécurité, le chagrin, ce chagrin si vivant et si troublant d'appartenir à une famille aussi tordue et invalidante. En mêlant la fiction au réel, l'écrivain finira par rompre définitivement avec les "siens", neuf frères et soeurs et les parents. Se lancer dans l'écriture sera sa planche de salut et sa thérapie. Je reprends la phrase de Télérama "quand le réel nourrit le roman", ce livre est un grand roman du réel vécu au sein d'une famille déglinguée, une charge impitoyable pour les adultes qui ne peuvent assumer en toute sérénité et toute sécurité la vie de leurs enfants.
Et quel soulagement de comparer ces parents pitoyables et inconscients avec sa propre expérience quand l'amour, le dévouement, la responsabilté régnaient de ce côté-là. Lionel Duroy nous confirme cette règle : il faut des racines solides pour pousser à peu près droit... Et ce chagrin, infligé à vie, deviendra sa raison d'écrire et la force de la littérature.