jeudi 24 août 2017

"Mouvement"

Je ne résiste pas longtemps à ce "jeune homme" de presque quatre-vingt ans... Philippe Sollers a écrit un roman atypique, original et singulier, "Mouvement". Si le lecteur potentiel cherche une histoire, une intrigue, un début et une fin, des personnages, un drame, un lieu, il lui faut abandonner l'idée de lire Sollers... La littérature sollersienne (j'ose !) se situe dans les variations, les anecdotes sans suite, les aphorismes, les mélanges chronologiques, la critique subversive de la modernité. Tous ces thèmes sont conjugués entre eux avec un style jubilatoire. Tout se bouscule dans ce texte : la grotte de Lascaux, Mao, la cocaïne, la Bible, Pascal, la Chine, le transhumanisme, Rimbaud, Hegel, etc. Cet éclectisme virevoltant entraîne le lecteur(trice) dans une farandole de phrases dont certaines prennent des airs d'aphorisme. Philippe Sollers écrit : "J'ai ma méthode. je cible une partie de ma mémoire dont j'ai établi la carte. Je voyage en elle, je me pose là où je veux quand je veux. Comme j'ai toujours vécu au plus-que-présent, c'est facile. Je suspends le vol du temps, j'arrête le cours des heures propices, je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses, j'ai fait la magique étude du bonheur qu'aucun n'élude". Cet écrivain (qui agace et crispe souvent les lecteurs curieux qui se hasardent chez lui) aime par dessus tout la liberté dans la composition d'un roman : le fond, la forme, le sujet, le temps, le lieu. L'écrivain rejette toutes les contraintes et libère son imagination fantasque mais aussi imprégnée d'une érudition qu'il ose révéler sans passer pour un cuistre vaniteux. Bien au contraire... Lire Sollers ressemble à un acte de résistance pour tous les amoureux de la littérature. "Mouvement", ce roman hybride, évoque davantage un journal d'humeur, d'humour et de dérision. Je cite ce passage : "Les croyants de Facebook sont déjà 1,49 milliard. Tous ces gens pressés et décervelés adorent des idoles, mais je reste ferme, les seuls vrais dieux sont des livres, un certain nombre de livres agissent comme des dieux". Comme je partage son avis ! J'ai retrouvé dans ce dernier opus, la verve et l'érudition d'un écrivain heureux...