jeudi 27 décembre 2018

Des livres sous le sapin

J'ai un respect total pour l'une des plus belles traditions de Noël : des livres sous le sapin. J'aurais pu répondre, si j'étais croyante, la naissance de Jésus et la messe de minuit. J'aurais pu répondre si j'étais une fan de neige, un séjour de ski à la montagne avec les sapins verts. J'aurais pu répondre si j'étais une maman de dix enfants, qu'ils soient tous auprès de moi pendant ce moment de retrouvailles familiales… Je réponds donc qu'à cette occasion, j'offre des livres et je reçois des livres… Une tradition que je respecte depuis des décennies. Quand j'étais libraire à Bayonne, j'adorais cette période où les clients venaient acheter leurs cadeaux : livres d'art, romans primés, livres de cuisine, albums pour enfants, bandes dessinées, documentaires, etc. J'ai fréquenté les librairies de Chambéry pour choisir mes cadeaux, le seul lieu où je respire un air salubre et non pollué. Sous mon sapin, j'ai donc ouvert le beau livre illustré, consacré à Marguerite Yourcenar, "Portrait intime" de Hachmy Halley. Je collectionne tous les ouvrages sur cet écrivain que j'admire énormément. J'ai aussi reçu le "Dictionnaire amoureux de la philosophie" de Luc Ferry, un livre indispensable pour m'éclairer sur des notions complexes de cet univers intelligent. Je feuillette souvent quelques exemplaires de cette collection, "Dictionnaire amoureux" dont ceux de la littérature, de la Grèce antique, de la mythologie, de Venise… Une bonne idée de cadeau pour les anniversaires et les Fêtes. Sur une table chez Decître, j'ai remarqué dans une pile, un ouvrage sur l'Italie, publié par le Routard. Cet album illustré et documenté m'a tout de suite séduite après quelques minutes de consultation. Comme j'ai une passion pour ce pays, cette Bible me semble indispensable pour faire le point sur tous les lieux que je veux visiter dans mes escapades futures. Mon quatrième livre m'attendait sous le sapin : le roman de Frank Maubert, "L'eau qui passe". Bernard Pivot en avait fait une critique enthousiasmante dans le Journal de Dimanche. Dès que je lirai ces livres de Noël, j'en reparlerai dans mon blog. En cette fin d'année, je termine mon quinzième billet de décembre. J'ai tenu mon pari pendant l'année en déposant quinze textes par mois, soit 180 billets que j'ai beaucoup de plaisir à écrire comme un exercice spirituel. J'évoque mes lectures, mes escapades, mes balades, mes étonnements. Ce blog ressemble à un cabinet de curiosités qui se poursuivra en début janvier… 

mercredi 26 décembre 2018

"Le coeur converti"

Stefan Hertmans, écrivain belge flamand, a publié chez Gallimard dans la belle collection "Du monde entier", un roman magnifique, "Le cœur converti". L'histoire de cette jeune fille normande et catholique, amoureuse d'un juif, en l'an 1090, emporte le lecteur(trice) dans un Moyen Age hallucinant et intolérant. L'écrivain apprend que son petit village de Provence, Monieux, a été le théâtre d'un pogrom, mille ans avant et un trésor y serait caché. Il part à la recherche d'indices après avoir découvert dans une synagogue du Caire des manuscrits qui mentionnent l'histoire rocambolesque et tragique de Vigdis. Cette jeune noble, issue d'une lignée de nobles normands, tombe amoureuse d'un fils de rabbin dans sa ville de Rouen. Elle choisit de fuir avec lui pour rejoindre Narbonne et se convertit au judaïsme en changeant son nom chrétien en Hamoutal. Son père refuse cette union illicite et promet une forte somme pour la ramener à Rouen. Des chevaliers se lancent à leur poursuite. Le couple traverse la France du Nord au Sud en évitant les lieux habités et cette marche éprouvante dure des mois. Ils ne sont aidés que par des Juifs accueillants et solidaires qui leur offrent le gite et le couvert. Des dangers divers guettent le couple qui ne renonce jamais à leur projet fou. Bêtes sauvages, climat rude, lieux inhospitaliers, Chevaliers à leur recherche, la cavale improbable du couple s'annonce périlleuse et pourtant, ils parviennent à rejoindre Narbonne. Mais, le père de David apprend que des Chevaliers arrivent dans la ville et ils repartent de Narbonne à Monieux. Ce village subira un pogrom terrible où tous les juifs sont massacrés dont David. Hamoutal verra ses deux enfants enlevés par les Chevaliers. La jeune femme quitte le village pour aller à la recherche de ses fils qui la conduira au Caire. Cette histoire romanesque repose sur des faits et des sources authentiques et compose une symphonie fascinante sur cette époque trouble et menaçante où naître femme comportait des dangers immédiats. L'arrière-plan historique sur les Croisades détaille les ravages de ces expéditions : saccages des villages, viols, meurtres… Il faut absolument découvrir ce livre foisonnant : conte, roman historique, enquête sur la vie au Moyen Age, portrait d'une femme en exil et d'une époque chaotique... 

lundi 24 décembre 2018

Rubrique cinéma

L'acteur américain, Paul Dano, est passé derrière la caméra pour réaliser un film intimiste et sensible, "Wildlife". Un jeune adolescent, Joe, observe avec une lucidité d'adulte, l'effondrement de sa famille. Dans ces années 60 aux Etats-Unis, la famille nucléaire idéale commence à se fissurer. Le père de Joe travaille dans un centre de golf. Il se fait licencier car son patron estime qu'il est trop familier avec les clients. Il n'accepte pas ce licenciement injuste, abusif et cet incident le tourmente. Il cherche du travail et commence à s'adonner à l'alcool. La mère s'occupe du foyer, mais elle profite du chômage de son mari pour s'émanciper. Comme le père de Joe se sent humilié, il rejette la proposition du centre de golf qui voulait le reprendre. Il trouve alors le moyen de fuir son foyer en allant combattre les feux de forêt dans la montagne. En abandonnant femme et enfant, il choisit sa liberté. Joe se retrouve seul avec sa mère et comprend que ses parents, en fait, ne se supportent plus. Elle fait la connaissance d'un client à qui elle apprend la natation et noue une relation sexuelle avec cet homme âgé et riche. Joe contemple la conduite maternelle avec un certain effroi. Pour lui, l'enfance se termine dans un certain chaos familial. Son père revient de ses montagnes et sa femme lui annonce qu'elle le quitte. Il va mettre le feu à la maison de l'amant par pure jalousie quand il apprend la trahison de sa femme. Le jeune adolescent oscille entre le père et la mère, toujours digne, toujours compréhensif. La dernière image du film symbolise la déflagration familiale quand Joe réunit ses deux parents dans son atelier de photos pour immortaliser le souvenir de cette famille encore unie pour un instant. Joe accepte cette séparation avec une maturité d'adulte. Ce beau film est tiré d'un roman, "Une saison ardente" du magnifique écrivain, Richard Ford. Les scènes filmées rappellent le peintre Edward Hopper avec ses tableaux sur la solitude. Un film sur l'amour familial et le désamour, aussi… 

jeudi 20 décembre 2018

"Fille de révolutionnaires"

Laurence Debray raconte dans ce livre, "Fille de révolutionnaires", son héritage familial, un héritage patrimonial encombrant et embarrassant. Ses parents, célèbres pour leur engagement politique, s'appellent Régis Debray et Elizabeth Burgos. Le père de Laurence a démarré sa carrière en épousant la cause cubaine, la révolution castriste et l'utopie communiste. Son ami mythique, Che Guevara, en fera un guérillero dans la jungle bolivienne. Sa mère, vénézuélienne, est une amie de Fidel Castro et  rejoint son compagnon dans les luttes anticapitalistes contre les dictateurs sudaméricains. Régis Debray sera arrêté en Bolivie et restera plus de trois ans en prison. La grand-mère de Laurence soutiendra son fils et le fera libérer en remuant ciel et terre et en s'appuyant sur ses nombreuses relations politiques dont le Général de Gaulle. Dans ces années 60, la légende de ce couple de révolutionnaires marquera la politique française. Laurence Debray relate avec sincérité et avec une dose d'humour acide les liens qu'elle entretient avec ce drôle de père. Les parents de l'auteur ne vivront jamais ensemble et leur fille éprouve souvent un sentiment de solitude. Souvent absent, Régis Debray préfère la politique en tant que conseiller de Mitterrand, son métier d'intellectuel et oublie de bercer sa petite fille. Elle passe son enfance tourbillonnante dans le milieu intello parisien. Sa marraine se nomme Simone Signoret et son parrain, le peintre chilien Matta. A dix ans, elle est envoyée dans un camp de pionniers à Cuba où elle apprend le maniement des armes… Elle est entourée de réfugiés des dictatures d'Amérique du Sud. Les anecdotes sur la vie de ses parents forment une fresque pittoresque et colorée, correspondant à l'un des aspects de notre histoire contemporaine. Comment ces intellectuels ont-ils basculé dans cette utopie révolutionnaire, inspirée de Cuba ? Laurence Debray ne mâche pas ses mots pour fustiger l'aveuglement de tout un pan de la gauche française. La petite Laurence peut compter sur ses grands-parents, surtout la mère de Régis Debray, Janine, une figure tutélaire et charismatique. Elle cultive aussi ses racines vénézuéliennes en se rendant souvent dans le pays de sa mère. Elle décrit les petitesses de son père, sa raideur idéologique, son égocentrisme et son étourderie légendaire. J'ai découvert à travers ces pages une image un peu froissée de cet écrivain brillant et iconoclaste. Laurence Debray, en dévoilant l'intimité de ses parents, règle un peu ses comptes à cause d'une enfance privée d'attentions quotidiennes et d'affection inconditionnelle. Ce récit autobiographique révèle une forte personnalité, celle de l'auteur, qui prend le contrepied de ses parents. Elle a écrit une biographie du Roi Juan Carlos, a travaillé dans une banque et préfère le capitalisme au communisme… Quelle famille ! Un ouvrage percutant, décapant, lucide. 

lundi 17 décembre 2018

"Avec toutes mes sympathies"

Olivia de Lamberterie a obtenu le prix Renaudot de l'Essai pour son récit, "Avec toutes mes sympathies". Le livre aborde le douloureux problème du suicide. L'auteur, journaliste littéraire de la revue Elle, raconte le destin de son frère, un frère flamboyant avec lequel elle a tissé une relation quasi fusionnelle. Alex se jette d'un pont à Montréal le 14 octobre 2015. Elle écrit : "Jusqu'à la mort de mon frère, (…), je ne voyais pas la nécessité d'écrire. Le suicide d'Alex m'a transpercé de chagrin, m'a mise aussi dans une colère folle. Parce qu'un suicide, c'est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux". Olivia de Lamberterie raconte la vie de sa famille, son enfance avec ce frère joyeux, espiègle et loufoque. Ce frère avait pourtant tout pour être banalement heureux : il était mariée et père de famille, aimait son travail de publiciste au Canada. Mais, une mélancolie l'étreignait de plus en plus et un passif familial (deux oncles suicidaires) semblait expliquer cette bile noire en lui. La narratrice n'épargne aucun détail de la vie de son frère et les pages consacrées à ses séjours dans les hôpitaux psychiatriques montrent un homme en proie à une dépression sévère. Malgré la présence aimante de sa famille et de sa fratrie, rien ne peut empêcher l'inévitable. Le récit est rythmé par des scènes heureuses à Cadaquès, en Provence où la famille recomposée de la narratrice baigne dans un bonheur sans nuages. Une atmosphère à la Claude Sautet règne dans ce milieu très privilégié. Mais, la conduite suicidaire de son frère plane sur la narratrice comme une ombre malheureuse. Ce livre est un hommage émouvant sur Alexandre et sur l'expérience du deuil. A quarante six ans, cet homme souffrait d'une dépression, nommée dysthymie,  qui le vrillait littéralement dans un clair-obscur insupportable. Pour l'auteur, les mots sur cette mort absurde lui procurent une réelle réparation et donne un sens à sa vie. Son frère lui avait donné ce conseil avant de mourir : "Ecris ton livre". La question lancinante que pose Olivia de Lamberterie revient en leit-motiv : "Où vont les morts ?". Alexandre, cet homme sombre et lumineux repose dans les pages de sa sœur, Olivia. Pour toujours. Un beau et tendre récit sur une relation frère et sœur. 

vendredi 14 décembre 2018

Atelier Lectures, 4

Je poursuis l'évocation de quelques romans de Philip Roth avec le premier volet de la trilogie sur l'Amérique qui démarre avec "Pastorale américaine", publié en 1997. Le narrateur Zuckerman relate l'histoire de Seymour, parfaite incarnation de la réussite américaine. Fils aimant, père parfait, patron apprécié, Seymour possède tous les atouts du bonheur. Mais, un événement sans précédent va pulvériser cette vie réussie. En 1968, la fille du couple, Merry, commet l'irréparable en posant une bombe provoquant un mort devant la poste locale pour protester contre la guerre du Vietnam. La "pastorale américaine" ressemble à un naufrage total. Comment ce père de famille s'est aveuglé sur l'embrigadement de sa fille terroriste ? Philip Roth analyse cette perte de sens, de repères et malgré l'évidence de ce chaos familial, le personnage central reste le seul à croire à l'innocence de sa fille. Il va revoir sa fille cinq ans après et il comprendra alors qu'elle s'est définitivement égarée. Un roman noir, cruellement lucide. En 2000, paraît "La Tâche", le troisième volet de la trilogie. Coleman Silk, professeur à l'université, rencontre Zuckerman pour lui demander d'écrire son histoire. Son épouse vient de mourir, usée par le scandale que subit son mari, écarté de l'enseignement pour une parole, jugée raciste. Le professeur ne comprend pas sa mise au pilori. Après la mort de sa femme, il se lie avec une femme de ménage qui lui apporte un réconfort appréciable. Mais, ce personnage torturé moralement cache un secret incroyable : il ment depuis sa jeunesse car il s'est déclaré comme un homme blanc alors qu'il est né noir. Il voulait échapper à la discrimination raciale, à la ségrégation qui règne en Amérique à cette époque-là. Il renonce à sa mère et à sa fratrie pour vivre librement son choix terrible. Philip Roth aborde la question du "politiquement correct", du conformisme ambiant et du carcan de l'identité prédéterminée. Encore un chef d'œuvre et un éloge de la liberté individuelle. Philip Roth, avec son scalpel ironique, décrit un destin singulier et tragique. Je termine l'évocation des romans de Philip Roth avec "Patrimoine", un récit autobiographique sur la maladie fatale de son père, atteint d'une tumeur au cerveau. L'écrivain évoque ses parents, leur vie à Newark et leur couple. Ce témoignage très dur sur la maladie et la mort de son père est difficile à lire mais nécessaire pour comprendre l'univers familial de l'écrivain, ses racines qu'il va tout au long de sa vie d'écrivain graver dans le marbre de la littérature. Les lectrices de l'atelier ont découvert et apprécié un écrivain exceptionnel, peut-être le plus important du XXe siècle aux Etats-Unis. Plus on le lit, plus on découvre la profondeur de son œuvre. Il est édité dans la Pléiade et il est devenu aujourd'hui un classique contemporain. A lire sans modération et surtout à relire. 

jeudi 13 décembre 2018

Atelier Lectures, 3

Quelques romans de Philip Roth ont donc été lus avec beaucoup d'attention de la part des amies lectrices. "La bête qui meurt" (2004) fait partie du cycle David Kepesh. Homme vieillissant, ce professeur libertin collectionne les conquêtes féminines avec ses étudiantes. Il noue une relation érotique avec une belle cubaine, Consuela. Il la considère comme une œuvre d'art et préfère interrompre cette relation car il est rongé par la jalousie. Après plusieurs années, Consuela atteinte d'un cancer du sein le recontacte pour qu'il photographie son corps avant qu'il ne soit dégradé par la maladie. Philip Roth radiographie les relations amoureuses, le vieillissement, la maladie avec sa plume lapidaire habituelle. Le deuxième roman de Philip Roth, "Indignation" (2008) appartient au cycle "Némésis". Un jeune américain d'origine juive, Marcus, quitte sa famille à Newark pour aller étudier dans l'Ohio lors de la guerre de Corée en 1951. Etudiant modèle, il va se heurter au puritanisme de l'époque. Il découvre la sexualité avec une jeune fille expérimentée en proie à la dépression. Il ne veut pas se plier aux traditions universitaires et attire les foudres du président de l'université. Il finira par fuir ce monde étriqué en s'engageant comme soldat en Corée. Il y perdra sa vie. Ce roman d'apprentissage évoque la fragilité des êtres, le carcan du conformisme, le destin brisé d'un jeune homme vulnérable. Les angoisses prémonitoires du père de Marcus ponctuent ce récit comme le chœur de la tragédie grecque. Une fresque de l'Amérique des années 50 à travers le portrait de Marcus, un jeune homme solitaire, émouvant et égaré dans un monde trop dur. Dans ce cycle "Némésis", Philip Roth arrête donc d'écrire après la publication de "Némésis" en 2010. Dans ce roman, on retrouve un personnage emblématique, Bucky Cantor, jeune professeur de gymnastique. Durant l'été 44, une épidémie de poliomyélite se propage dans le quartier et plusieurs enfants en meurent. Bucky se sent coupable de ne pas intégrer l'armée pour combattre sur le front européen. Sa fiancée le supplie de la rejoindre dans un camp de vacances. Bucky, porteur du virus, accepte mais contamine quelques adolescents. Il quitte le camp pour son quartier. Vingt sept ans après, Bucky est reconnu par un des enfants qu'il soignait. Il se confie à lui et lui relate cet été terrible où il a renoncé à l'amour, au mariage et à une vie normale. Culpabilité, sacrifice de soi, destin brisé, mortification, ce personnage tragique est bouleversant d'humanité. Son dernier roman, le plus émouvant de Philip Roth. La suite, demain. 

mercredi 12 décembre 2018

Atelier Lectures, 2

La deuxième partie de l'atelier était consacrée à l'écrivain américain Philip Roth (1933-2018). Avant de relater les romans découverts par les lectrices, quelques éléments biographiques me semblent indispensables pour comprendre son œuvre littéraire. Petit-fils d'immigrés juifs originaires de Galicie (Autriche), Philip Roth grandit à Newark auprès d'un père, agent d'assurances et d'un mère au foyer. Son enfance fut heureuse et il effectue des études universitaires à Chicago. Il sera professeur de lettres dans plusieurs universités jusqu'en 1992.  Dès 1959, il publie son premier recueil de nouvelles, "Goodbye, Columbus". Dix ans après, il rencontre le succès avec "Pornoy et son complexe", un roman comique et grinçant sur la sexualité masculine. Il est considéré par la critique comme l'enfant terrible du roman juif-américain. Il partage sa vie avec une comédienne anglaise, Claire Bloom. Il se rend souvent à Prague pour rencontrer Milan Kundera et retrouver les traces de Kafka qu'il adule. Il fait connaître les écrivains de l'Europe de l'Est en Amérique. En 1995, il publie "Le Théâtre de Sabbath", portrait cocasse d'un marionnettiste nihiliste et lubrique. Deux ans après, il entame un tournant dans son œuvre avec "Pastorale américaine", "J'ai épousé un communiste" et "La Tâche". Son double littéraire vient de naître et il se nomme Nathan Zuckerman.  Il renouvelle cette formule avec un nouveau cycle de trois romans où le narrateur est son deuxième double, David Kepesch.  De 2007 à 2010, il écrit ses plus beaux romans crépusculaires dont le magnifique "Némésis". Il annonce qu'il cesse d'écrire à quatre-vingt ans. Ses influences littéraires prennent leurs racines chez Flaubert, Henry James, Kafka, Saul Bellow, Bernard Malamud. Son œuvre forme une vaste fresque d'une Amérique en proie à ses démons comme l'antisémitisme, le maccarthysme, le politiquement correct, la ségrégation raciale, le poids de l'Histoire, les relations conflictuelles hommes-femmes. Il évoque aussi la maladie, l'angoisse de la mort, le naufrage de la vieillesse. François Busnel résume bien cet écrivain : "Roth est l'un des rares écrivains à avoir vécu une vie d'écrivain au sens strict du terme : très peu de mondanités, des interviews au compte-gouttes. Seule, l'œuvre compte". Philip Roth a répondu à un journaliste qui lui posait une question sur le pouvoir de la littérature : "Très peu. La littérature peut très peu de choses. Et pourtant, elle est bigrement importante". La suite, demain

mardi 11 décembre 2018

Atelier Lectures, 1

Ce mardi, nous étions une bonne dizaine de lectrices toujours aussi motivées pour partager nos coups de cœur du mois. Annette a démarré avec "Salina" de Laurent Gaudé, publié chez Actes Sud. Salina, la mère aux trois fils, est recueillie dans un clan qui la considère comme une étrangère. Son fils raconte cette vie comme une légende. Un roman mythique et puissant, un beau portrait de femme. Véronique a aimé le roman de François-Henri Désérable, "Un certain M.Piekielny". Le narrateur part sur les traces d'un témoin, ce monsieur Piekielny, à Vilnius qui aurait connu le jeune Romain Gary. Pour les amateurs inconditionnels de l'écrivain diplomate. Mylène a pris la parole pour évoquer Karen Blixen et "le festin de Babette". Elle était étonnée d'apprendre que ce livre n'avait pas été apprécié par deux amies lectrices. Elle tenait à réhabiliter cette longue nouvelle qu'elle apprécie tout particulièrement pour sa profondeur, son humanité et son universalité. Mylène nous a donné envie de découvrir ce bijou littéraire, venue du Danemark. Sylvie a présenté le roman d'Emmanuelle Bayamack-Tam, "Arcadie", publié en septembre dernier. Farah, une jeune fille de treize ans, vit dans une communauté libertaire à la frontière franco-Italienne. Le gourou qui se nomme Arcadie prône l'amour libre, le naturisme, le végétarisme. Cette communauté accueille tous les marginaux inadaptés au monde extérieur. Un jour, Farah va cacher un migrant dans cette zone blanche. Mais, le gourou Arcadie ne réagit pas comme prévu. Sylvie a souligné la puissance du style et l'arrière-plan politique du roman. A découvrir sans tarder. Sylvie a aussi apprécié un ouvrage de Julie Ewa, "Les petites filles". Ce thriller dépaysant parle des réseaux d'adoption en Chine, de la mafia, du trafic d'organes et de la politique de l'enfant unique. Régine a terminé les coups de cœur avec le roman de Tanguy Viel, "Article 353 du code pénal". Martial Lazenec jette à la mer un promoteur immobilier. Il est arrêté par la police et il retrace son itinéraire devant le juge : son divorce, son licenciement et l'investissement de sa prime dans un bel appartement. Son geste va-t-il être compris par le juge ? Un roman à découvrir. Régine a aussi résumé le beau roman d'Alice Zeniter, "L'art de perdre", un succès de librairie en 2017. Naima, d'origine algérienne, raconte sa famille sur trois générations avec un secret de famille. Il est question des harkis exilés en France et pourtant si mal accueillis. Un livre émouvant, un éloge de la liberté d'être soi au-delà des racines et des héritages. Voilà pour la partie "coups de cœur" présentés par les lectrices de l'Atelier.

lundi 10 décembre 2018

L'usage des mots

Le pays s'enlise dans une crise sociale, politique, civilisationnelle. Personne ne sait encore comment va se terminer cette "révolution citoyenne" comme disent certains. Des gilets jaunes, cette expression courante que l'on entend des milliers de fois, commencent à se transformer en bataillons d'électrons libres qui rejettent les représentations traditionnelles, les corps intermédiaires, le Parlement, les élections, la vie démocratique. Au départ, la pression fiscale et l'écrasement des taxes déclenchent la révolte populaire, le ras le bol généralisé et la sympathie des Français. J'ai écouté depuis trois semaines les paroles de ces Français en colère, voire désespérés qui ne bouclent plus leur fin de mois. Ce qui me frappe le plus dans toutes ces interventions, c'est la haine que notre Président attire. Tous ces hommes et toutes ces femmes évoquent le mépris et l'arrogance de ce trop bon élève de la classe. Un gouffre d'incompréhension s'installe, se creuse entre le Président et le peuple. Les mots ont tout gâché. Le vocabulaire a tout emporté comme une vague de fond. Pour une fois que nous avions un homme "littéraire" au sommet de l'Etat, j'imaginais qu'il utiliserait le langage pour se faire comprendre. Mais, les mots blessants qu'il a prononcés sur les "gens qui ne sont rien", "traverse la rue pour trouver un travail", "un pognon de dingue", "je suis fier d'avoir recruté B", ces mots ne peuvent plus s'effacer dans la mémoire de ceux qui se sont sentis humiliés, relégués, suspectés. Monsieur Macron a fait preuve de légèreté, d'insouciance et de frivolité dans sa prise de parole. Lui, le surdoué, n'a rien compris à la mentalité des gens modestes. Sa position de "financier" n'arrange rien à l'affaire. Lui, le premier de la cordée sait tout, maintient son cap alors que les autres se trompent. De l'autre bord, les Français pauvres ou qui s'appauvrissent présentent des solutions qui semblent économiquement difficiles à appliquer. La radicalité de certains gilets jaunes commence à m'alerter sur la fragilité de notre République. Quand j'ai entendu qu'il fallait marcher sur l'Elysée, sur Bercy, où est la raison dans toute cette hystérie collective ? Les Yaka se multiplient comme des petits pains. La violence dans les manifestations s'intensifie et va finir mal. Dans quel pays vivons-nous en ce moment ? J'ai entendu un gilet jaune qui, croyant au complot mondialiste, s'imaginait qu'il allait finir dans une favella… Dissolution, référendum, démission, assemblée citoyenne, proportionnelle, extrême droite, ultragauche, le vocabulaire politique s'enflamme dans les esprits. A l'heure de l'allocution de notre Président, je me demande si cette crise violente va cesser à deux semaines de Noël. Il faudrait un miracle pour que la paix et la raison reviennent des deux côtés… C'est bientôt le passage du Père Noël, Monsieur Macron va-t-il l'accompagner avec sa hotte ? On verra ce soir… 

vendredi 7 décembre 2018

L'atelier Philo

Depuis la rentrée, je continue à suivre l'atelier "Les idées en partage", animé par une professeure de philosophie, Agnès. Nous sommes une bonne vingtaine de participants à nous retrouver autour d'une table pour vivre un moment de philosophie. Le fait religieux a été choisi comme thème pendant le premier trimestre. En écoutant attentivement Agnès, tout devient limpide et chaque référence parfois opaque s'éclaire sans difficulté. Quand je me retrouve devant Agnès,  j'effectue un bond de cinquante ans quand je suivais les cours de philo en terminale A au lycée de Bayonne. Les vrais héros d'aujourd'hui à mes yeux, ce sont les professeurs, ceux qui consacrent leur vie aux autres, à l'éducation, au savoir, au mieux-vivre. Cet éloge de la parole professorale me semble indispensable pour nous mener sur le chemin de la connaissance. Quel plaisir d'écouter notre professeure, toujours attentive à expliquer, approfondir, mettre à la portée sans déformer les idées. En consultant mes notes, je retiens l'essentiel du cours et j'ai envie de me replonger dans des lectures plus ambitieuses. Des noms circulent : Paul Ricoeur, Sigmund Freud, Lévi-Strauss, Régis Debray, Spinoza. Des concepts fusent : Dieu, fonction symbolique, agnostique, structures inconscientes, mort, finitude, monothéisme, angoisse, manque… Un festival de mots et d'idées, un régal pour l'esprit. Nous avons étudié plus précisément le philosophe Pascal, sa conversion dans le Mémorial, son mysticisme. J'ai ainsi lu quelques passages des "Pensées" et j'ai eu la surprise de découvrir des textes "lisibles" et d'une profondeur abyssale. Cet atelier philo (ou les Idées en partage) sert surtout à susciter cette envie de lire des textes fondamentaux alors que l'on s'imagine très souvent leur difficulté insurmontable. Il faut sauter à pieds joints dans les Pensées de Pascal et une fois installée dans ces textes, il suffit de se laisser porter par le génie pascalien. Dans le cours suivant, Agnès a abordé les philosophes du soupçon : Marx, Nietzsche, Freud. Pour Marx, la religion est l'opium du peuple, Pour Nietzsche, Dieu est mort, place à l'homme et pour Freud, "un infantilisme psychique". Grâce à Agnès et à mes lectures, je creuse un sillon même modeste dans la forêt des idées et cet univers me fascine depuis ma philo en Terminale… Quelle chance pour tous ceux qui partagent cet atelier ! 

jeudi 6 décembre 2018

Les 100 livres de l'année

La revue Lire de décembre-janvier propose une sélection de 100 livres de l'année. A ma grande satisfaction, l'ouvrage de Philippe Lançon, "Le Lambeau" a été choisi à l'unanimité comme Le Livre de l'année 2018. Dans un entretien, l'écrivain dresse son portrait et raconte ses lectures d'enfance : le Club des Cinq, la collection "Mille Soleils". Il aimait les romans d'aventures (Kessel et Stevenson) et il déclare que "la littérature est une mer intérieure". Il rentre à Libération dans les années 80 après des études de journalisme. Il apprend tout dans ce journal original, insolent et militant qui bouscule la tradition journalistique. Philippe Lançon se passionne pour la littérature sud-américaine et devient critique littéraire au sein du journal. Dans une de ses réponses, il évoque la matrice de son livre quand il a commencé à concevoir ce témoignage écrit en Ecosse et à Rome entre juillet 2017 et janvier 2018. Son témoignage bouleversant de l'attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015 et sa reconstruction physique et morale ne peuvent que toucher des millions de lecteurs. La revue distingue aussi les écrivains des prix littéraires dont le Goncourt, très bon cru. Je citerai aussi Agnès Desarthe et son roman "La chance de leur vie", "ça raconte Sarah" de Pauline Delabroy-Allard. En littérature étrangère, la revue a choisi "My absolute darling" de l'américain Gabriel Tallent, Nicole Kraus, "Forêt obscure", le quatrième tome d'Elena Ferrante, "Le monarque des ombres" de Javier Cercas et d'autres titres à suivre. Dans la catégorie "essais", un ouvrage de Christophe Guilluy annonce la fin de la classe moyenne occidentale dans "No society". Une prémonition éclairante dans le conflit d'aujourd'hui. D'autres documentaires figurent dans la sélection : Michel Foucault, Pierre Rosenvallon, Yuval Noah Hariri, Régis Debray, Danièle Sallenave, Michelle Perrot, etc. Quand j'ai  feuilletté la revue avec ces cent références, je me suis rendue compte que l'année éditoriale a comblé mon appétit insatiable de lectures… Que l'année 2019 nous apporte aussi de très belles et bonnes lectures… 

mardi 4 décembre 2018

Eloge des bibliothèques

Cet après-midi, j'ai redécouvert le plaisir d'arpenter la ville de Chambéry pour diverses courses. Après quinze jours de confinement chez soi, le "sortir de chez soi" prend une couleur vive, tonique et se balader à son rythme constitue une parenthèse enchantée dans cette belle cité savoyarde. J'ai enfin échangé mes livres à la Médiathèque Jean-Jacques Rousseau et quand je suis entrée dans le hall d'accueil, le silence régnait et un calme serein flottait dans l'air. Quand on traverse une ville, des milliers de bruits pénètrent notre peau : voitures, bruits des travaux, scooters, etc. A la Médiathèque, un havre de paix. Les lecteurs installés dans les fauteuils et autour d'une table respectent absolument la consigne : le silence fait partie du contrat entre le lieu et l'usager. Un homme dormait même la main posée sur un dictionnaire. Personne ne le dérangeait. Chacun vaque à ses intérêts de lectures. Je regarde l'arrivage des romans sur la table des nouveautés. Je feuillette la presse littéraire et je note des références. Je cherche des ouvrages sur la mythologie, la philosophie. Parfois, en consultant les sommaires, je renonce à l'emprunter à cause de la complexité du texte. J'ai pris l'habitude de farfouiller dans les chariots des retours. Je vérifie ainsi que certains écrivains ont encore l'adhésion du public. Une bibliothèque ressemble à une malle à trésors. On peut chercher une pépite littéraire par hasard, et la trouver, abandonnée sur une table. Cet ouvrage m'attendait et je l'ai mis dans mon sac. Au deuxième étage, l'espace de la presse quotidienne et hebdomadaire rassemble beaucoup de retraités et de personnes seules. J'ai travaillé pendant trente ans dans ces lieux d'une importance capitale pour se sentir citoyenne, pour participer à un projet d'une société éducative et culturelle. En ce moment, certains de nos concitoyens souffrent de la confiscation fiscale et la notion d'impôt n'a pas bonne presse. Je pensais à ce service public, une bibliothèque, et j'étais vraiment heureuse de payer des impôts pour permettre la permanence de ces services publics comme une école, un hôpital, une mairie, un théâtre, etc. Quand je pense aux économies que j'ai effectuées en fréquentant la Médiathèque depuis quinze ans, je crois que j'ai bien équilibré mes comptes… Je suis repartie avec un sac plein de livres. J'ai aussi rencontré des lecteurs qui forment une communauté universelle et ouverte à toutes les idées, les pensées, diffusées par les livres. Et cerise sur le gâteau, l'usager peut emporter vingt cinq documents pour un mois. D'autres supports audiovisuels complètent le charme indéfinissable du papier. J'avais envie de relater ces moments passés au sein de la bibliothèque municipale (je préfère ce mot…), des moments de paix et de sérénité, bien appréciables dans ce monde en conflit permanent. 

lundi 3 décembre 2018

"Leurs enfants après eux"

Nicolas Mathieu, jeune écrivain trentenaire, a écrit en 2014 son premier roman dans la collection "Actes Noirs". Ce livre a déjà été adapté en série télévisuelle, "Aux animaux, la guerre". Pour son second roman, Nicolas Mathieu décroche le Prix Goncourt en 2018 à la surprise des critiques car le jury penchait pour d'autres titres. Ce roman résonne très fort en ce moment car il aborde la déréliction des classes populaires dans une France des années 90. Le cadre géographique confirme le diagnostic sociologique d'une Lorraine périphérique à l'abandon, une région désindustrialisée où les hauts-fourneaux ont été rayés de la carte.  L'été étouffant saisit ce paysage à l'arrêt. Anthony, quatorze ans, traîne avec son cousin et il s'ennuie. Ils décident de voler un canoé pour s'approcher d'une plage de nudistes près du lac de loisirs. A partir de cette escapade, il rencontre une jeune adolescente, Stéphanie,  qui représente son idéal amoureux. Mais, Anthony se sent enfermé dans le huis clos familial ouvrier : il voit son père s'enfoncer dans l'alcool, sa mère toujours usée, déprimée. Stéphanie et Clem, son amie, appartiennent à la classe moyenne un peu aisée et vivent dans des pavillons. Elles forment un duo complice et rêvent de quitter leur 'trou". Un quatrième personnage, Hacine, est un enfant d'immigré algérien, vend de la drogue et a honte de son père. Cette fresque sociale évoque ces quatre destins d'adolescents pendant quatre années. Il m'est impossible de résumer chaque trajectoire de vie tellement le roman décrit avec une précision de sociologue les années 90 dans sa dimension culturelle et politique. Chaque famille se débat dans des difficultés sans nom : chômage, alcool, divorce, maladies. Chaque adolescent se bat pour survivre dans cet enfer d'un ennui profond. Les deux jeunes femmes semblent comprendre que travailler à l'école peut leur permettre d'échapper à une détermination sociale. L'une réussira le concours de médecine et l'autre une école de commerce. Cette traversée d'une catégorie sociale abandonnée comme des Indiens dans des réserves est portée par un style construit, élaboré, imagé, voire diapré. Je citerai cette phrase : "Les hommes parlaient peu et mourraient tôt ; les femmes se faisaient des couleurs et regardaient la vie avec un optimisme qui allait en s'atténuant. Une fois vieilles, elles conservaient le souvenir de leurs hommes crevés au boulot, au bistrot, silicosés, de fils tués sur la route, sans compter ceux qui s'étaient fait la malle". Ce tour de force littéraire se transforme en épopée élégiaque d'une classe sociale ouvrière oubliée, sacrifiée et ce livre deviendra un classique du XXIe siècle pour comprendre les colères d'aujourd'hui. 

samedi 1 décembre 2018

L'ardoise magique

J'ai offert récemment à mon petit-fils une valisette de puzzles avec une ardoise magique. Il adore griffonner sur cet espace blanc en dessinant son nom et d'un coup de main, il efface avec un embout les gribouillis multicolores. Il est enchanté de ce miracle permanent… Les enfants nous offrent souvent un sentiment d'éternité car ce jeu traditionnel continue à survivre dans notre culture. En me souvenant de mes séances de jeu avec cette ardoise magique, jouet d'une tradition imperturbable, j'ai pensé à la situation politique que l'on vit actuellement en France. Je regarde beaucoup les informations concernant les Gilets Jaunes et dès que certains ont commencé à prendre la parole dans des émissions de télévision, un événement incroyable a eu lieu sur ces plateaux parisiens : de vraies personnes simples, sincères et modestes prenaient la parole. Se passait devant mes yeux un choc social et culturel à Paris dans ces médias édulcorés, où tous les journalistes polis, enjoués, habillés à la mode compose une planète surprotégée de privilégiés à Paris. Bien au contraire, les Français de la campagne, de la périphérie, la marge modeste et travailleuse de la population crient leur malaise de ne plus boucler la fin du mois. On assiste ainsi à une explosion de rage, de colère, de dépit et de découragement. Ils affrontent jour après jour une insécurité économique et culturelle. Et en face, faillite des partis, des syndicats, de l'organisation de l'ancien monde. Mais, le numérique a bousculé ces relations instituées par le système politique. Les élites politiques et économiques se sont détournées de ces gens de "peu" qui se sentent méprisés par les paroles plus que maladroites de notre Président. Ils ne parlent pas anglais, ne connaissent pas l'ouverture au monde, les grands écoles, le baratin des managers, etc. Le type de société qu'on leur propose ne correspond plus à leurs compétences. Notre Président s'enkyste dans sa détermination pour la cause écologique et surtout pour remplir les caisses de l'Etat. Aucun geste de sa part et tout peut partir en vrille. Je reviens à mon ardoise magique : il faut tout effacer et repartir dans un dialogue entre la France d'en haut et celle du bas, entre les élites méprisantes et une partie du peuple invisible et souffrante. La raison semble déserter les deux camps. Quand notre pimpant président prend la parole, sa matrice technocratique devient inaudible et pathétique. Entre celui qui prêche son programme et ceux qui attendent un geste pour stopper les augmentations, un gouffre abyssal s'installe et se creuse de jour en jour. Un sociologue, Jean-Christophe Guilluy,  avait alerté les politiques de ce phénomène, la France des marges, de la périphérie depuis cinq ans. Ce moment sociologique donne le vertige et ce tangage remue les plaies à vif des inégalités sociales, de la richesse captée par une minorité. Sans être démagogue, je comprends le ras-le-bol des Gilets jaunes, souvent maladroits et irréalistes dans leurs revendications. Mais, ils tentent de s'organiser en dehors des partis, projet courageux. La démocratie s'en ressortira peut-être plus forte quand ces problèmes récurrents des classes moyennes appauvries par la mondialisation seront vraiment considérés comme la priorité des priorités. Je vais offrir une ardoise magique à notre jeune président… Je regarde en ce moment les infos : Paris en ébullition. Et pendant ce temps, notre Président danse le tango avec les Grands de ce monde en Argentine...