mardi 4 août 2020

"Café Vivre"

Chantal Thomas a réuni dans ce recueil, "Café Vivre, Chroniques en passant", des textes écrits de 2014 à 2018 au rythme d'une chronique par mois pour le journal Sud-Ouest. Cette balade littéraire nimbée d'un charme indescriptible berce le lecteur avec une envie permanente de partir, de voyager, de quitter sa routine quotidienne. Heureusement, les livres et la lecture servent à s'évader et souvent en très bonnes compagnies. L'écrivaine avoue sa nonchalance rêveuse : "Ce qui a piqué mon attention relève d'un intérêt essentiellement subjectif. Les rencontres, les lectures, les images et les incidents qui m'inspirent et me donnent à rêver n'entrent pas dans un cadre préétabli. Ils participent de moments fugitifs, du charme de l'instant". Chaque pause dans un café, sous un arbre, sur une plage, dans un chemin, dans un lieu quelconque devient prétexte à écriture : "Et qu'il importe d'en rendre compte, de trouver un moyen, aussi ténu et fragile soit-il, de les fixer dans le souffle de leur passage dans sa déchirante beauté". Ces instants fugaces, éphémères deviennent des traces, des petits cailloux que l'on jette dans sa mémoire pour s'en souvenir. Du Japon à New York, d'Arcachon au Québec, de Zurich à Paris, la magie des escapades opère dans ces textes élégants et intimes. Le lecteur(trice) rencontre Roland Barthes et son esprit casanier entre Paris et Bayonne, Colette et son herbier, Corto Maltese à Venise, la mère de la narratrice, et beaucoup d'anonymes comme des chauffeurs de taxi, des passants, des usagers du métro. L'écrivaine n'oublie jamais la présence des écrivains du XVIIIe, son époque préférée Diderot, Casanova, Voltaire. Elle pense particulièrement à Jean-Jacques Rousseau et décrit les Charmettes à Chambéry : "La maison des Charmettes fait rêver le XVIIIe, le goût de la nature et surtout l'état amoureux". Sa chronique sur le "besoin de lire" m'a particulièrement intéressée : "En effet, notre mode de vie (le rythme pressé et chaotique, la domination de l'image, l'obsession du téléphone mobile), est ennemi de la lecture et va à l'encontre de ce temps illimité, rêveur, de cet étrange voyage immobile auquel elle invite". Ce recueil de chroniques se lit avec un plaisir évident et souvent, j'ai eu le sentiment de partager avec empathie ce que Chantal Thomas appelle des sensations fugaces, des moments suspendus,  des bulles mémorielles qui rythment en fait nos existences. Un livre à lire sans modération sous un arbre, à l'ombre avec un verre (un jus de fruit, évidemment) à la main. Chantal Thomas ou l'invitation vibrante, douce et mélancolique au voyage, à la culture, à la lecture, à la  liberté...