vendredi 4 août 2023

"L'écrivain fantôme", Philip Roth

Quand j'aime un écrivain, je me conduis avec une fidélité indéfectible et j'ai toujours envie de découvrir l'ensemble de leurs écrits. Cet effet boulimique concerne en particulier Philip Roth car ses romans emblématiques m'ont marquée profondément en particulier sa saga sur l'Amérique avec "Pastorale américaine", "J'ai épousé un communiste" et"La tâche" sans oublier son émouvant chef d'œuvre, "Némésis".  J'avais lu il a très longtemps le cycle "Zuckerman" et j'avais une envie irrésistible de redécouvrir l'écrivain car Gallimard a commencé à publier ses romans dans la prestigieuse collection de la Pléiade. Dans le tome 2 publié récemment, l'éditeur Gallimard a eu l'excellente idée de réunir dans un seul volume la série sur Nathan Zuckerman, un double de l'écrivain lui-même publié entre 1981 et 1987. La trilogie commence par "L'écrivain des ombres" (The Ghost Writer) paru en 1979 aux Etats-Unis. Le jeune écrivain, Nathan, commence à connaître le succès dans ses nouvelles car il décrit la communauté juive de son enfance dans les années 60. Il est invité chez un écrivain qu'il admire, E.I. Lonoff, vivant retiré dans les collines du Massachusetts. Autour de l'écrivain, Hope, sa femme, effacée et discrète, s'est dévouée à son mari et Amy, une jeune secrétaire archiviste, s'occupe de l'œuvre de Lonoff. Le jeune Nathan tombe amoureux d'Amy mais cette histoire n'est qu'un fantasme. Comme il passe la nuit dans le  bureau de l'écrivain, il entend des bruits suspects, des voix entre le vieil écrivain et sa secrétaire. Le lendemain matin, Nathan assiste à une scène de jalousie entre les époux Lonoff. Le narrateur explore son mentor en littérature en analysant la distance entre l'homme privé et le personnage public. Qui est vraiment Lonoff ? Qui est Amy ? Son imagination flamboyante lui dicte qu'elle pourrait être Anne Frank, rescapée en Amérique. Cette fécondité imaginative du narrateur emballe le roman dans ses multiples interrogations sur l'identité juive, sur le trouble des relations amoureuses, sur le poids des traditions et sur la place de la littérature dans la vie. A-t-il des devoirs envers sa famille et sa communauté ? Le propre père de Nathan lui reproche de trahir les siens en les décrivant sans concession. Nathan se pose la question : "Mais que sais-je, en vérité, à part ce que je peux imaginer ?". Philip Roth comme son ami Milan Kundera crée un effet ironique, disruptif sur l'étrange "comédie humaine". Ce roman initiatique sur le métier d'écrivain renverse les stéréotypes attachés à cette fonction éminemment symbolique. Le premier roman de la trilogie inaugure pour Philip Roth le thème du double : Zuckerman est-il le sosie de Philip Roth ? Une évidence !