vendredi 21 octobre 2022

Escapade à Vienne, 5

 J'ai consacré ma dernière matinée à Sigmund Freud. Je me suis dirigée vers une adresse très célèbre : 19, Berggasse, Vienne. Fermé depuis 18 mois, le musée a fait peau neuve et a rouvert ses portes en 2020. Comme je l'avais visité en 2016, j'ai constaté parfois avec une nostalgie certaine le nouvel habillage de ce lieu mythique. Alors que j'étais entrée dans l'ancien appartement du psychanalyste, j'avais vu les conditions matérielles de sa vie quotidienne avec le salon grenat, les tapisseries d'origine, les meubles anciens, de nombreux objets familiers. Son bureau donnant sur la cour intérieure contenait sa vitrine d'objets antiques si chers à son cœur, son fauteuil et sa table de travail, son stylographe, sa bibliothèque. Il a vécu dans ce lieu de 1891 à 1938 et c'est devant son bureau qu'il a écrit ses plus grands œuvres comme "L'interprétation des rêves", "Cinq leçons sur la psychanalyse", "Le Moi et le ça". Visiter ce lieu ressemble à un exercice d'admiration. J'imaginais ce grand savant, philosophe et médecin dans cet espace modeste et confiné. La vue de sa fenêtre, la présence habitée des objets quotidiens, la couleur de ses meubles montraient un Freud intime et touchant. Le musée présente une scénographie différente, en proposant des vitrines où l'on retrouve son stylographe, son portefeuille, sa casquette, des lettres manuscrites, ses ouvrages édités. La présence de Freud se devinait quand même malgré la rénovation de l'appartement où il ne restait plus aucune trace d'antan. Freud quitta son appartement en 1938 pour fuir le nazisme et il s'est réfugié à Londres avec sa famille grâce à l'aide de Marie Bonaparte. Amoindri par un cancer avancé, il met fin à ses jours en s'injectant une dose létale de morphine. Il meurt comme un stoïcien romain. Le musée s'est doté de panneaux pédagogiques sur la psychanalyse et des photos montraient l'intérieur de la maison. Une vidéo dans une petite salle racontait son séjour à Londres. J'ai eu la chance de voir une exposition précieuse dans un espace nouveau sur le surréalisme avec des toiles de Chirico, Dali, Magritte, Ernst, etc. Même si je préférais le musée d'avant la rénovation, j'ai accompli un pèlerinage littéraire car Freud est surtout un grand écrivain de l'âme humaine J'ai relu récemment son "Malaise dans la civilisation", d'une lucidité impitoyable sur les noirceurs de l'humanité... Un ouvrage d'une actualité criante quand on vit encore et toujours la guerre en Ukraine, la criminalité ravageuse, les désordres perpétuels de la société. Freud reprend la citation de Hobbes en 1651 : "l'homme est un loup pour l'homme". En parcourant ce musée passionnant, j'avais envie de me replonger dans ses livres.